Dumbo : la critique du film (2019)

Aventure, Famille | 1h52min
Note de la rédaction :
7/10
7

Note des spectateurs :

Avec Dumbo, Tim Burton retrouve un peu de sa verve dans un long-métrage moins niais qu’il n’y paraît, qui profite du cadre d’une production Disney pour tendre à la firme un miroir peu flatteur, tout en célébrant un amour du spectacle familial et artisanal.

Synopsis : Les enfants de Holt Farrier, ex-artiste de cirque chargé de s’occuper d’un éléphanteau dont les oreilles démesurées sont la risée du public, découvrent que ce dernier sait voler…

Critique : Il est un fait indéniable, depuis peut-être Les Noces Funèbres, que le cinéaste chéri du fantastique des années 90 a largement perdu de son mojo. Même sur des films ne manquant pas de qualités, tels Sweeney Todd ou Dark Shadows, Tim Burton semble condamné à ne recevoir guère plus que des haussements de sourcils polis.

Pire, la réelle déception que constitue son Alice au pays des merveilles, commandé par les studios Disney, véritable rendez-vous manqué entre le cinéaste de la marge et des univers fantasmagoriques, de l’enfance torturée et des monstres tragiques et le conte déglingué de Lewis Caroll, semble l’avoir définitivement enterré dans l’inconscient cinéphile collectif.

Le voir revenir à la tête d’un projet de remake du quatrième classique d’animation du plus gros studio hollywoodien à ce jour n’était pas pour nous rassurer. Cette étrange histoire d’amour-haine qui le lie à la compagnie depuis ses débuts, qui lui permit d’affirmer son talent et de mettre en scène ses premiers courts mais au sein de laquelle il se sentit limité et incompris jusqu’à ce qu’il la quitte, semble pour toujours se réactualiser dans sa filmographie.

Et puis, que vient-il donc faire dans cette galère, cet élan mortifère, cette fuite en avant qui agite les financiers de Disney qui, pour de l’argent facile, multiplient les remakes de leur catalogue de classiques universels et déjà intemporels ?

Sur le papier, il y avait donc tout à craindre de ce Dumbo, un envol lourd, pachydermique, que l’on sentait bien prompt à s’écraser, emportant ce qu’il reste d’un cinéaste qui peine à regagner le cœur de ses admirateurs.

Et pourtant, sans toutefois parvenir aux sommets atteints par le passé, le film remporte sans peine notre adhésion.

 

Dumbo, remake 2019

©2018 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.

 

S’il fait à peu près le double de la durée de son modèle d’animation, c’est parce que Burton et son scénariste, Ehren Kruger, font le choix d’inventer ce qu’il se passe après la fin de celui-ci, qui voyait l’éléphant volant accéder au triomphe après son premier vol plané tout autour de la piste.

Se faisant, ils en profitent pour effectuer quelques changements bienvenus, et en premier lieu ils s’affranchissent de l’anthropomorphisme propre à l’animation du studio, qui aurait été insupportable dans un film live (ce que visiblement ne comprendrait pas Jon Favreau, qui fait chanter des animaux photo-réalistes dans son remake du Roi Lion).

Ici aucun animal ne parle, exit la souris Timothée qui se prend pour un imprésario et veut faire de Dumbo une star, le film introduit des personnages humains, deux enfants et leur père (Colin Farell) revenu de la guerre. Ainsi, il déplace les enjeux et l’identification sur une famille de cirque qui va apprendre à ne plus exploiter l’animal dans ses spectacles, un sujet bien plus actuel, et à comprendre que la véritable richesse de leur métier demeure la sincérité avec laquelle ils exercent leurs différents talents.

Du dessin animé, il réactualise la fabuleuse première séquence du train, du vol des cigognes et de la distribution des nouveaux nés. La musique de Danny Elfman s’en donne à cœur joie dans cette évocation de l’originale qui imitait le bruit de la locomotive, et Burton nous fait voyager en multipliant les surimpressions sur des scènes de cirque pour présenter sa petite troupe, emmenée par son M. Loyal, l’indispensable Danny DeVito qui tenait déjà le même rôle dans Big Fish.

Cette séquence, techniquement, c’est du pur Burton, qui n’hésite jamais à mélanger les dernières technologies avec des moyens plus « artisanaux », qui évoquent les techniques du cinéma d’antan.

Rappelons l’armée de squelettes dans son Miss Peregrine, des images de synthèse conçues pour ressembler exactement aux squelettes en stop-motion de Ray Harryhausen dans Jason et les Argonautes.

 

Remake de Dumbo de Tim Burton

©2018 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.

Miss Peregrine, un film qui déjà faisait s’envoler un éléphant en carton dans un cirque de fête foraine. Dans ce long-métrage, des enfants aux pouvoirs surnaturels se battent contre des monstres humanoïdes en costard et leurs créatures qui dévorent les yeux des enfants, invisibles mais représentées dans la bataille finale comme des masses luisantes d’un amalgame de textures pauvres.

Le spectacle artisanal contre le blockbuster numérique initié par des financiers qui ne connaissent pas vraiment le cinéma, bien représenté, justement, par Disney, ses remakes et ses Marvel.

Burton continue dans Dumbo ses variations sur ce thème, cette fois sans ambiguïté sur l’ « ennemi » représenté par un Michael Keaton toujours impeccable en magnat de l’industrie du divertissement, s’appropriant les talents pour les enfermer dans son parc d’attraction futuriste.

L’homme évidemment attire cette petite famille de cirque avec des promesses de triomphe et d’argent, et Burton se tend lui aussi son propre miroir dans ce personnage de patriarche (Max Medici, M. Loyal) qui cède aux sirènes de l’argent et accepte de faire travailler son équipe pour cette grande compagnie.

Ici même les clowns, symboles de l’anarchie, de l’accident et de la maladresse, sont mécaniques et défilent comme une armée aux ordres.

Ce V.A Vandevere, patron implacable seulement motivé par l’expansion de son empire du divertissement, collectionne les talents uniques comme les animaux en cage de son attraction phare. Ainsi la française Colette Marchant (Eva Green qui brille de mille feux), trapéziste qui va apprendre à voltiger avec Dumbo, que l’on croit tout d’abord acquise à la cause de Vandevere.

Ce Dumbo est donc un film d’émancipation. Émancipation d’artistes qui se sont eux-mêmes enfermés dans un système, pensant pouvoir mieux s’affirmer, et émancipation des animaux exploités pour le seul divertissement d’humains égoïstes.

Tous ces ajouts apportent donc une épaisseur inattendue au film d’origine, pour lequel le succès – donc l’argent – représentait l’horizon indépassable pour son petit personnage.

On reprochera parfois au cinéaste d’être un peu trop lisse dans certaines séquences, et une exposition un poil laborieuse.

Mais on saluera son esprit revanchard toujours intact, son petit côté pirate qui n’a pas peur de s’attaquer à Disney sur son propre terrain, même si certains lui reprocheront cette « facilité » (ceux-là mêmes qui reprochent aux syndicalistes de batailler contre l’entreprise qui les rémunèrent…).

On aimerait se dire qu’il s’agit là de son dernier tour de piste chez la firme aux grandes oreilles, qu’il ne pouvait s’empêcher de leur dire adieu en leur crachant un peu dessus pour ensuite s’atteler de nouveau à des œuvres plus personnelles.

Mais, avec Tim Burton, rien n’est moins sûr…

Disney live action reimagining

Critique de Franck Lalieux

Affiche de Dumbo, Tim Burton (2019)

©2018 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.

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