Petite série B fauchée mais sympathique, Video Dead vaut le coup d’œil pour son ambiance très typée années 80, mais aussi pour ses dérapages gore et humoristiques. Du bis conçu avec amour.
Synopsis : Écrivain de profession, Henry Jordan a la surprise, un jour, de se voir livrer un poste de télévision qu’il n’avait pas commandé. Peu après, il découvre que l’appareil est en fait une sorte de portail permettant aux morts de passer dans le monde des vivants, et très vite, des zombies s’introduisent chez lui et le tuent. La maison trouve rapidement de nouveaux propriétaires : la famille Blair. En l’absence des parents, partis en voyage, les enfants, Zoe et Jeff, commencent à mettre de l’ordre dans la demeure. Ils découvrent le téléviseur dans le grenier, ignorant qu’une horde de zombies va bientôt déferler.
Comment créer son premier film grâce au système D.
Critique : Au cours des années 80, plusieurs jeunes apprentis cinéastes se disent qu’ils pourraient émerger du néant en suivant les traces de Sam Raimi, celui qui a bricolé tout seul dans son coin Evil Dead et qui a ainsi révolutionné le cinéma d’horreur indépendant. Ainsi, à cette époque, un certain Peter Jackson mettait la main à ses premiers essais en Nouvelle-Zélande. De son côté, le jeune Robert Scott tente à son tour de briller en réalisant son premier film en toute indépendance.
Avec le renfort de 80 000 $ (soit 223 130 $ au cours de 2023) qu’il parvient à réunir grâce à ses économies personnelles et aussi par une avance décrochée par le petit distributeur indépendant Manson International, Robert Scott se lance dans la conception et le tournage de Video Dead durant toute l’année 1986. Tourné uniquement le week-end pour permettre à toute l’équipe de continuer de travailler à côté, la production minuscule est donc réalisée par une bande de passionnés qui entendent marquer le genre de leur empreinte fraîche.
La télévision, vecteur du Mal
Pourtant, le scénario n’a rien de bien original en apparence puisque les possessions démoniaques venues directement d’un poste de télévision sont monnaie courante au cours des années 80. Dans ce domaine, on se souviendra bien entendu de Poltergeist (Tobe Hooper, 1982), Halloween 3 : Le sang du sorcier (Tommy Lee Wallace, 1982), Vidéodrome (David Cronenberg, 1983), le très bis TerrorVision (Ted Nicolaou, 1986) ou encore Démons 2 (Lamberto Bava, 1987). On en oublie forcément. Autant dire que la thématique est d’actualité à une époque où l’invasion de la télévision fait peur aux masses, inquiètes de cette prolifération des écrans et de leur irruption dans le quotidien de tout un chacun.
Art by © Joann Daley. All Rights Reserved. © 1986 Video Dead A California Limited Partenership. All Rights Reserved
A partir d’un postulat somme tout banal, Robert Scott parvient toutefois à trouver sa propre voie en octroyant des caractères bien tranchés aux zombis qui s’échappent du téléviseur maudit. Parfois très bis, le résultat final fait preuve de suffisamment de foi dans le pouvoir de suggestion des images et de second degré pour que la pilule passe bien. Conscient des limites budgétaires de cette micro-production, Robert Scott se débrouille avec les moyens alloués et fait preuve d’ingéniosité. Ainsi, puisqu’il n’a pas la possibilité de louer une voiture de police, il se contente de suggérer la présence des forces de l’ordre par le son de la sirène et des éclairages bariolés qui imitent la présence d’un gyrophare. Pas besoin ainsi de montrer à l’image la voiture qui émet ces sons et lumières.
Des morts vivants aux caractères bien trempés!
En revanche, le budget passe en grande partie dans les maquillages des différents zombis. Si le résultat est diversement réussi, on notera toutefois les efforts effectués par l’ensemble de l’équipe pour donner une personnalité bien marquée à chaque spectre. Ainsi, leur look diffère en fonction de leur niveau social, mais aussi de leur mort. Le résultat est plutôt séduisant, d’autant que Robert Scott n’hésite pas à modifier les règles établies de manière tacites par George A. Romero dans son inoubliable Nuit des morts vivants (1968). Ici, les zombis peuvent être immobilisés à coups de flèches, tandis qu’ils ne supportent pas d’être enfermés dans un lieu clos. De même, ils gardent des réflexes de leur vie antérieure, ce qui donne lieu à des scènes assez drôles, notamment lorsqu’ils s’installent à table pour diner.
Parfois loufoque, Video Dead propose tout de même quelques belles séquences gore qui ont été ajoutées à posteriori pour dynamiser le long-métrage. Elles ont fait beaucoup pour la réputation de la série B auprès des amateurs de cinéma alternatif. Enfin, signalons que la bande originale synthétique (composée par trois auteurs différents) nous replonge avec délice dans les années 80. Bien évidemment, pour apprécier Video Dead, il faut faire abstraction du jeu peu assuré des acteurs. Si les hommes s’en tirent plutôt bien, les demoiselles semblent bien moins à leur aise devant une caméra. La plupart des intervenants n’ont d’ailleurs jamais réitéré l’expérience et on ne leur en voudra pas.
La madeleine de Proust des amateurs de vidéoclubs
Petite série B totalement fauchée, Video Dead a été conçu par de réels amoureux du genre et cette passion se transmet à travers l’écran, au point de rendre le résultat final fort sympathique, dans les limites d’une production microscopique. Sorti discrètement en salle en Californie, puis en vidéo aux States, le film n’a pas connu un grand succès à sa sortie et Robert Scott n’a pas pu réaliser son rêve de donner une suite au long-métrage. Il a par la suite été condamné à œuvrer en tant qu’assistant durant plusieurs décennies. Il est aujourd’hui directeur de production sur des séries télévisées. Au moins a-t-il réalisé son rêve de faire carrière dans le monde du cinéma.
Edité en VHS en France sous le titre Video Dead (et non The Video Dead) par Unicorn Studios, le petit film indépendant a marqué les clients des vidéoclubs de l’époque par sa jaquette qui évoque irrémédiablement les pochettes des albums d’Iron Maiden. De quoi susciter l’envie et provoquer donc une sacrée déception au vu du caractère fauché du produit fini. Toutefois, le long-métrage a gagné en réputation au cours du temps auprès de la communauté des fans de films d’horreur. Il vient notamment de faire l’objet d’une édition en blu-ray chez Le Chat qui Fume au mois de juin 2023. Le master est propre et rend donc hommage au travail effectué par cette petite bande d’amis au cours de l’année 1986.
Critique de Virgile Dumez
Acheter le blu-ray du film sur le site de l’éditeur
© 1986 Video Dead, a California Limited Partnership. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
Biographies +
Robert Scott, Roxanna Augesen, Rocky Duvall, Sam David McClelland, Victoria Bastel
Mots clés
Films d’horreur des années 80, Films de zombies, Gore, DTV, Le Chat qui Fume