Injustement boudé à sa sortie, Halloween III est le segment le plus original de la saga, le plus singulier également, de par l’absence de son croquemitaine Michael Myers. Ce conte morbide est une réussite.
Synopsis : Il se passe des choses bien étranges à Santa Mira, petite ville d’apparence tranquille. Suite à l’assassinat de l’un de ses patients, le Dr Daniel Challis vient y enquêter, accompagné d’Ellie Grimbridge, la fille du défunt, déterminée à retrouver les coupables. La présence d’un masque de Halloween près de l’homme assassiné conduit le duo jusqu’à l’usine de jouets dirigée par l’inquiétant Conal Cochran, protégé par une garde rapprochée d’androïdes…
Critique : Après le succès de Halloween II en 1981, il était évident que la saga ne pouvait s’arrêter là. Pourtant, pour les producteurs Debra Hill et John Carpenter, il était hors de question de raviver la carcasse décharné de Michael Myers, laissée à terre à l’issue du second film. En revanche, germe dans leur tête l’idée d’une franchise avec des contes différents pour chaque Halloween.
Halloween III est le flop commercial de la saga Halloween
Le sang du sorcier (Season of the Witch en V.O.), part donc sur une trame entièrement différente, avec un casting totalement nouveau (à une actrice prête, en second rôle)… Seule l’équipe de producteurs demeure et le nom de Tommy Lee Wallace, qui avait bossé sur les décors de la franchise et qui est promu ici réalisateur. Dans tous les cas, point de tueur masqué. Et les fans de Jamie Lee Curtis également seront déçus, elle n’apparaît que sur un écran de télévision, furtivement, lors du passage d’un extrait d’Halloween, sur le tube cathodique.
Mais Halloween III est surtout une réussite artistique
Pour son premier long, le futur réalisateur de la mini-série Ça, réalise une oeuvre carrée, léchée, avec une ambiance imparable, baignant dans une lumière somptueuse et une histoire originale. Une vraie réussite artistique au vu de la médiocrité des slashers de l’époque et de bien des séries B opportunistes qui polluent les drive-in. Pourtant la sauce ne prend pas au box-office. Les spectateurs ne sont pas venus pour découvrir une histoire surnaturelle autour de manipulations de masse des enfants, le soir d’Halloween, via des masques possédés et un jingle télé qui déclenche des morts en série, mais plutôt un slasher avec un décompte mortel, comme la série des Vendredi 13 les y a habitué : le 3e chapitre des Vendredi 13 (Meurtres en 3 dimension) vient de sortir en août 82 aux USA, deux mois avant l’exploitation d’Halloween du Sang du sorcier et c’est un nouveau carton pour Paramount qui exploite les massacres répétitifs de Jason Voorhees.
Un récit paranoïaque et sombre d’apocalypse
L’intrigue paranoïaque et très adulte d’Halloween III n’a rien à voir avec le cinéma adolescent où l’on trucidait de la bimbo en série. Ici l’intrigue est menée par Tom Atkins (Creepshow, Fog), qui n’a pas le physique d’un jeune premier, mais une présence évidente pour donner du caractère aux enjeux. Son personnage alcoolique et adultère de médecin curieux face à une conspiration du Mal à une échelle industrielle, est intéressant, tandis qu’il enquête dans des décors particulièrement soignés (comme dans les deux autres films de la saga par ailleurs). On apprécie également énormément la musique de Alan Howarth qui transcende le thème de Carpenter. Effectivement, le score d’Halloween III est le plus ténébreux de toute la saga.
Maudit par sa carrière compliquée dans nos salles (il est resté 3 semaines à l’affiche) et condamné à de petites éditions vidéo en DVD, il aura fallu attendre 2020 et le combo-blu-ray du Chat qui Fume, pour redécouvrir Halloween 3 dans des conditions optimales qui confirment nos impressions : cet Halloween III est sans aucun doute l’une des productions du genre fantastique les plus soignées de son époque.
Dommage que le co-scénariste de la franchise Quatermass, Nigel Kneale n’ait pas eu l’audace d’admettre son travail sur ce film. Peu satisfait des quelques petites touches de violence ajoutées à son script, il ordonna le retrait de son nom au générique, alors qu’il aurait, selon les dires, composé pas moins de 60% du récit. Un gâchis mis sur le compte du mauvais caractère du bonhomme selon Tommy Lee Wallace et John Carpenter, ce dernier étant un grand admirateur de l’oeuvre de Kneale. Il ira jusqu’à lui rendre à nouveau hommage dans Prince des ténèbres en 1988.
Retour sur le box-office d’Halloween III
Sorti dans 22 cinémas, en mars 1983, à Paris-périphérie, le faux sequel a dû affronter le jour de sa distribution deux autres série B horrifiques : Horreur dans la ville avec Chuck Norris, gratifié de 12 salles, et Le chat noir de Lucio Fulci, seulement présent dans 7 cinémas. Halloween 3 attira 23 890 spectateurs dans les mailles de son filet, en première semaine, entrant seulement en 11e position.
Les salles le programmant sur Paris intra-muros étaient essentiellement estampillées UGC, qui était le distributeur officiel du film. Ainsi, l’on pouvait découvrir, sur Paname, cette “saison des sorcières” dans les salles suivantes : l’UGC Ermitage, l’UGC Opéra, le Rex, le Magic Convention, l’UGC Montparnasse 83, l’UGC Danton, l’UGC Gare de Lyon, l’UGC Boulevard, l’UGC Gare de Lyon, les 3 Secretan, le Paramount Orléans, le Paramount Galaxie, le Pathé Clichy. Dix cinémas en péripétie le programmèrent également pour cette première semaine.
En deuxième semaine, 9 exploitants le retirèrent de l’affiche sur la capitale et sa banlieue. Le film parvient à se hisser difficilement au-dessus des 10 000 tickets.
En troisième semaine, Halloween III ne figure plus qu’à l’UGC Marbeuf, Rotonde et Boulevard. Il réalise 1 678 entrées. Le faux sequel est alors retiré de l’affiche à l’issue de sa 3e semaine. Ce chapitre mal-aimé ne sera plus jamais exploité en salle et fera une petite tournée en province, sans convaincre pour autant.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 9 mars 1983
La franchise Halloween
Test blu-ray d’Halloween III
Une édition incontournable du segment le plus original de la saga des Halloween, le seul sans Michael Myers. Bonus audiovisuels et packaging soignés sont au programme de cette nouvelle parution du Chat qui fume. Edition combo limitée à 1 500 exemplaires.
Compléments : 4.5 / 5 :
Comme sur l’édition d‘Halloween II, l’on retrouve une présentation savante d’Eric Peretti qui évalue le film, le replace dans les attentes du public de l’époque, celles de ses producteurs. Il explique en 21 minutes tout ce dont on a besoin, notamment le différend et la mauvaise humeur du grand Niger Kneale… Les anecdotes sont nombreuses.
Le second complément, produit par Shout ! Factory, est un making of important, qui donne la parole à Tom Atkins, Stacey Nelkin (les acteurs donc), mais aussi au producteur un peu roublard Irwin Yablans, et surtout au cinéaste Tommy Lee Wallace, homme simple et sincère, et loué comme tel par toute son équipe, qui est heureux de voir son oeuvre réévaluée depuis le début des années 2010 (on assiste ainsi à la présentation d’une séance spéciale du film, aux USA, en 2010).
Ces deux documents sont passionnants et font le tour de l’énigme Halloween III qui, à l’arrivée, n’en est plus une. Pas de John Carpenter dans les bonus, et évidemment pas de Debra Hill non plus, la productrice mythique étant morte d’un cancer en 2005.
L’éditeur complète les suppléments par les bandes-annonces d’Halloween 2 et 3 et surtout celles de ses prochaines sorties qui nous donnent l’eau à la bouche.
Images : 5 / 5
Somptueuse image au piqué eighties, avec un grain sublime et une photographie sublimée. Cette restauration fait ressortir toutes les qualités techniques de cette oeuvre où les décors nécessitent une exploration plus dense via la profondeur de champ offerte par la HD. L’habillage nocturne du film ne souffre pas de la noirceur. Point de désagréable déséquilibre, le contraste est fin, adroit, beau. Acuité épidermique de circonstance.
Son : 4 / 5
Il faut s’assurer de la découverte de ce film avec les bonnes conditions sonores, la musique étant un enjeu essentiel. On regrette l’absence de piste 5.1 profiter pleinement de la bande-originale. La piste 2.0 proposée en version originale et en VF DTS HD Master Audio est toutefois suffisamment puissante pour affirmer la primauté de l’ambiance sonore, sans sacrifier la portée vocale, jamais écrasée par le poids d’une musique qui impliquerait des variations de volume durant la projection. Le doublage français est bon, pour les adeptes indécrottables de VF.