Un thé au Sahara : la critique du film (1990)

Drame, Aventures | 2h18min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
Un thé au Sahara, l'affiche

  • Réalisateur : Bernardo Bertolucci
  • Acteurs : John Malkovich, Veronica Lazar, Nicoletta Braschi, Campbell Scott, Debra Winger, Tom Novembre, Timothy Spall, Jill Bennett, Éric Vu-An
  • Date de sortie: 21 Nov 1990
  • Nationalité : Britannique, Italien
  • Titre original : The Sheltering Sky
  • Titres alternatifs : Himmel über der Wüste (Allemagne) / Den skyddande himlen (Suède) / El cielo protector (Espagne) / Um Chá no Deserto (Portugal) / Pod osłoną nieba (Pologne) / Refugio para el amor (Argentine) / Med himmelen som tak (Norvège) / Il tè nel deserto (Italie) / Oltalmazó ég (Hongrie) / O Céu que nos Protege (Brésil)
  • Année de production : 1990
  • Autres acteurs : Éric Vu-An, Amina Annabi, Philippe Morier-Genoud, Sotigui Kouyaté, Paul Bowles
  • Scénaristes : Mark Peploe, Bernardo Bertolucci
  • D'après le roman éponyme de Paul Bowles
  • Monteuse : Gabriella Cristiani
  • Directeur de la photographie : Vittorio Storaro
  • Compositeur : Ryūichi Sakamoto
  • Cheffe maquilleuse : Lynda Armstrong
  • Chefs décorateurs : Ferdinando Scarfiotti, Gianni Silvestri
  • Directeur artistique : Andrew Sanders
  • Producteur : Jeremy Thomas
  • Producteur exécutif : William Aldrich
  • Sociétés de production : Aldrich Group, Film Trustees Ltd., Recorded Picture Company, Sahara Company, TAO Film
  • Distributeur : AAA
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeurs vidéo : CBS Fox (VHS, 1991) / G.C.T.H.V. (VHS, 2003) / BAC Vidéo (DVD, 2010, 2012) / Bac Vidéo (blu-ray, 2014)
  • Dates de sortie vidéo : 1991 (VHS) / 2003 (VHS) / 7 avril 2010 (DVD) / 6 janvier 2014 (blu-ray)
  • Budget : 25 000 000 $ (soit 58 370 000 $ au cours de 2023)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 618 654 entrées / 255 719 entrées
  • Box-office nord-américain : 2 075 084 $ (soit 4 860 000 $ au cours de 2023)
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur / Son : Dolby
  • Festivals : -
  • Nominations : Golden Globes 1991 : 2 nomination pour meilleur réalisateur et meilleure musique / BAFTA 1991 : 2 nominations pour meilleure photographie et meilleurs décors
  • Récompenses : Golden Globes 1991 : Meilleure musique pour Ryûichi Sakamoto / BAFTA 1991 : Meilleure photographie pour Vittorio Storaro
  • Illustrateur/Création graphique : © Philippe (affichiste) - Andrzej Malinowski (affichiste) - Tactics. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Recorded Picture - Company (RPC) - Aldrich Group - Film Trustees Ltd. - Sahara Company - TAO Film. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : -
  • Tagline : -
Note des spectateurs :

Drame intimiste sur fond de paysages grandioses, Un thé au Sahara est une œuvre audacieuse qui mérite largement d’être redécouverte aujourd’hui, malgré ses quelques défauts.

Synopsis : 1947. Port et Kit sont mariés depuis dix ans, mais ne vivent plus pleinement leur amour. Ils décident d’entreprendre un voyage au Sahara avec leur compagnon Tunner. Port espère, loin de toute civilisation, trouver une solution à leur problème mais leur fuite du passé se soldera par un échec.

Comment rebondir après Le dernier empereur ?

Critique : En 1987, le cinéaste Bernardo Bertolucci remporte un succès mondial grâce à sa fresque sur la Chine intitulée Le dernier empereur (1987) produite par Jeremy Thomas, déjà à l’origine du Furyo (1983) de Nagisa Oshima. Couronné de succès dans le monde entier, Le dernier empereur a également triomphé aux Oscars où la magnifique fresque a décroché neuf statuettes dont les plus prestigieuses (meilleur film et meilleur réalisateur, notamment).

Cela ne pouvait que faciliter la mise en chantier d’un nouveau long-métrage pour le cinéaste italien au faîte de sa gloire. Pour adapter le livre Un thé au Sahara écrit par Paul Bowles en 1949, Bernardo Bertolucci a retrouvé son complice Mark Peploe, tandis que le producteur Jeremy Thomas est à nouveau à la manœuvre pour trouver l’argent nécessaire à la réalisation d’un film se déroulant intégralement en Afrique. Il faudra au total 25 millions de dollars (soit l’équivalent aujourd’hui de 58,3 millions de billets verts) pour compléter les prises de vues de ce nouveau long-métrage plus difficile à vendre aux spectateurs du monde entier.

Un thé au Sahara, une gageure logistique

Effectivement, la particularité d’Un thé au Sahara vient du fait qu’il s’agit d’une simple histoire de couple en proie à l’usure du temps, mais qui est située lors d’une période historique précise (l’après Seconde Guerre mondiale) et dans un cadre spécial – le Sahara – qui nécessite l’emploi d’une masse de techniciens dans un lieu éloigné de toute civilisation.

Tournée entre 1989 et 1990, Un thé au Sahara est une œuvre très ambitieuse sur le plan logistique puisque les figurants ne peuvent pas être numérisés, que les paysages ne sont pas retouchés à la palette graphique et que les pays du Maghreb étaient notoirement connus pour la faiblesse de leurs infrastructures. Autant dire que tourner un film comme Un thé au Sahara relevait à l’époque de la gageure la plus totale.

L’art de la fuite en avant

En l’état, le long-métrage constitue donc un très coûteux film d’auteur qui ne pouvait guère satisfaire les envies d’évasion du grand public. La nature même de l’intrigue confronte au contraire les spectateurs occidentaux à une civilisation encore marquée par la pauvreté, la maladie et l’indigence à tous les niveaux. Le voyage de Port et Kit, le couple d’Américains qui souhaite se perdre dans l’immensité africaine, ne peut qu’être déceptif pour le spectateur puisqu’il l’est également pour les protagonistes.

Ceux-ci cherchent à fuir leurs problèmes de couple usé par dix ans de vie commune dans un voyage qui pourrait bien être sans retour, comme le signale habilement une affiche de film au titre explicite visible en arrière-plan dès les cinq premières minutes. Débarquant en Afrique du Nord avec un nombre incommensurable de valises qui représentent le superflu de notre civilisation occidentale matérialiste, le couple devra finalement abandonner une à une leurs affaires pour ne plus être que deux corps étrangers dans un milieu hostile à leur présence.

Un casting judicieusement employé

Le malaise s’immisce dès le début du film par la présence d’un troisième larron interprété par Campbell Scott. Cet ami de l’épouse jouée par la charismatique Debra Winger multiplie les œillades complices et lui fait honteusement la cour devant son mari – le toujours excellent John Malkovich.

Ce triangle amoureux se double d’une vision particulièrement sombre d’une Afrique qui ne correspond aucunement à la carte postale vendue aux touristes. Le cinéaste insiste bien sur la chaleur éprouvante, la misère des peuples contraints au vol et à la prostitution, mais aussi sur la crasse et les problèmes sanitaires. Tous ces éléments étant bien réels dans ces pays durant les années 40. Jamais avare pour critiquer ses contemporains, Bertolucci se moque également des Occidentaux en décrivant deux touristes racistes (une mère et son fils) joués par les très pittoresques Jill Bennett et Timothy Spall.

Est-il possible de se fuir soi-même ?

L’ambiance n’est donc pas à la rigolade, d’autant que le couple se dissous devant nos yeux et que le voyage se double d’un aller simple vers la mort. Le cinéaste s’appuie sur la superbe bande originale de Ryuichi Sakamoto et les images magnifiques de son fidèle complice Vittorio Storaro. Mais derrière la belle image se dissimule toujours l’ombre de la mort et la question essentielle de la solitude de l’Homme face à l’immensité du désert, et donc de l’univers puisque le long-métrage se dote d’une pure dimension métaphysique. Ce couple en voie de dissolution n’est-il pas simplement désespéré de n’être rien face à l’immensité et au vide laissé par un monde sans Dieu ? Autant de questions ouvertes par cette œuvre brillamment écrite, magnifiquement réalisée – la grâce des longs travellings et des vastes mouvements de grue laisse pantois – et interprétée avec beaucoup de nuances par des acteurs au firmament.

Pourtant, tout n’est pas parfait dans ce bijou trop méconnu. Ainsi, le réalisateur met en place un climax parfaitement réussi, mais qui est suivi par un trop long épilogue où Bertolucci semble se perdre dans les sables du Sahara. L’épopée de Kit au cœur d’une caravane Touareg laisse un goût d’inachevé à cause d’un rythme plus languissant, d’une profusion d’images de couchers de soleil sur les dunes et d’un manque de ressort dramatique fort après le climax si réussi déjà évoqué précédemment. Certes, le film se termine de bien belle façon par une boucle temporelle passionnante, mais le mal est fait et les vingt dernières minutes d’Un thé au Sahara sont probablement de trop dans un ensemble qui tenait jusque-là du chef d’œuvre pur et simple.

Un échec programmé aux Etats-Unis

Cela explique sans doute en partie la réception plus mesurée du film auprès des critiques et surtout du grand public. Après le triomphe rencontré par Le dernier empereur, les attentes autour de ce nouveau film étaient immenses et ont déçu. Non seulement le film a été un très gros échec aux Etats-Unis (seulement 2 millions de dollars de recettes, soit une misère pour une telle production), ce qui était logique au vu du propos qui n’avait rien pour séduire le public local, mais le drame a également connu une carrière décevante en Europe.

A Paris, Un thé au Sahara arrive en deuxième position du box-office hebdomadaire lors de sa semaine de sortie fin novembre 1990 avec 85 142 voyageurs à son bord. Le démarrage est plutôt encourageant, preuve de la popularité du cinéaste après le coup de tonnerre du Dernier empereur. La semaine suivante est déjà plus compliquée avec une chute remarquable à 53 954 touristes. Toujours dans un circuit de salles identique, Un thé au Sahara chute encore à 35 368 entrées et ne parvient toujours pas à franchir la barre des 200 000 spectateurs en trois semaines. Le contexte de fin d’année n’est guère favorable au drame intimiste qui perd de nombreuses salles et s’écroule en quatrième semaine à 18 327 spectateurs.

Un bouche-à-oreille décevant pour une œuvre peu aimable au premier abord

Le bouche-à-oreille ne fonctionne visiblement pas bien et le film chutera encore dans le classement pour finir sa carrière avec 255 719 curieux à Paris. La province n’a guère été plus convaincue puisqu’elle a généré 618 654 entrées au total. On est ici à des années-lumière des résultats obtenus en France par Le dernier empereur qui a séduit 4,7 millions de Français en 1987. Certes, le film de 1990 est bien moins commercial, mais il a surtout été désavoué par une grande partie du public qui s’y est visiblement ennuyé.

Depuis lors, le film a fait l’objet de plusieurs sorties en VHS, DVD et même en blu-ray, sans jamais recevoir les honneurs d’une sortie définitive, avec pléthore de bonus. Pourtant, il mérite largement d’être réévalué tant il représente le haut du panier d’une production européenne alors ambitieuse et capable de créer des œuvres majeures à l’aide de budgets colossaux.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 21 novembre 1990

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Un thé au Sahara, l'affiche

© 1990 Recorded Picture – Company (RPC) – Aldrich Group – Film Trustees Ltd. – Sahara Company – TAO Film / Affiche : Philippe (affichiste) – Andrzej Malinowski (affichiste) – Tactics. Tous droits réservés.

Biographies +

Bernardo Bertolucci, John Malkovich, Veronica Lazar, Nicoletta Braschi, Campbell Scott, Debra Winger, Tom Novembre, Timothy Spall, Jill Bennett

Mots clés

Le couple au cinéma, L’Afrique au cinéma, Le colonialisme au cinéma, Le voyage au cinéma

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Un thé au Sahara, l'affiche

Bande annonce d'Un thé au Sahara (VOstf)

Drame, Aventures

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