Bernardo Bertolucci est l’auteur d’une œuvre majeure jalonnée de films aussi emblématiques que 1900 ou Le Dernier empereur.
Un cinéaste majeur, auteur engagé et esthète audacieux
N’en déplaise aux censeurs et moralistes en tout genre, les mêmes qui s’obstinent à dénigrer les films de Polanski, Kechiche ou Brisseau, au nom de la réprobation d’agissements privés ou publics des artistes qui selon eux doit entraîner le boycott de leur œuvre, Bernardo Bertolucci était l’un des plus grands cinéastes de son temps. Esthète et politique, intellectuel et doté d’un sens du spectacle, merveilleux directeur d’acteurs et actrices, le cinéaste a une filmographie essentielle. Ancien assistant de Pier Paolo Pasolini, il connut la notoriété dès son second long métrage, Prima della rivoluzzione, « œuvre à la première personne, intime et engagée, narcissique et profondément politique, kaléidoscopique et d’une totale limpidité » (Claude Rieffel). Il poursuivit ses recherches expérimentales avec La Stratégie de l’araignée (1970). La même année, il se vit confier un budget plus important, et un casting prestigieux, pour adapter un fameux roman d’Alberto Moravia.
Ce fut le génial Le Conformiste, radioscopie d’un cas d’adhésion au fascisme. Jean-Louis Trintignant y trouvait l’un de ses meilleurs rôles, et le cinéaste s’y livrait à de fulgurantes audaces narratives et esthétiques : on se souvient notamment de la scène dans laquelle un jeune chauffeur (Pierre Clémenti) séduisait le protagoniste enfant, ou celles qui donnaient à voir de sulfureuses étreintes entre Dominique Sanda et Stefania Sandrelli. Cinéaste de la transgression, Bertolucci connut un beau succès de scandale avec le subversif Dernier tango à Paris (1972), sublime poème autour de l’amour entre un homme mur (Marlon Brando) et une jeune femme (Maria Schneider), une célèbre scène de sodomie ayant suscité la controverse, à l’époque mais aussi plus de quarante ans après la sortie du film, compte tenu du traumatisme qu’elle aurait entraîné sur sa sublime interprète.
L’apogée de l’art de Bernardo Bertolucci
En 1976, Bertolucci se vit confier la réalisation d’une vaste fresque de cinq heures, 1900 : un projet grandiose sur un demi-siècle d’histoire italienne, relatant la montée du fascisme, sur fond d’amitié entre un jeune bourgeois (Robert De Niro) et un fils de paysans (Gérard Depardieu). Ce film maudit, sans doute son chef-d’œuvre, était porté par un souffle épique, magnifié par la photo du fidèle Vittorio Storaro, la musique d’Ennio Morricone, et un casting de légende, du vétéran Burt Lancaster à la divine Dominique Sanda, en passant par Donald Sutherland et Laura Betti en odieux couple de métayers fascistes. L’insuccès commercial du film condamna Bertolucci à des projets plus modestes, comme La Luna (1979, avec Jill Clayburgh), ou La Tragédie d’un homme ridicule (1981, avec Ugo Tognazzi). Mais le triomphe international du Dernier empereur, lauréat de neuf Oscars, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur, devait assoir la consécration du cinéaste.
La vie de Pu Yi, dernier empereur de Chine, monté sur le trône en 1908, à l’âge de trois ans, mort au début de la Révolution culturelle, fut à l’origine d’une œuvre magistrale, même si l’on peut penser que Bertolucci se moulait quelque peu dans le moule d’un académisme culturel international. La suite de sa filmographie fut moins prestigieuse mais on put trouver de réelles qualités à des productions mineures telles Beauté volée (1996, avec Liv Tyler) ou même Innocents (2003, avec Eva Green, Louis Garrel et Michael Pitt). Bernardo Bertolucci présida le jury du Festival de Cannes 1990 qui attribua une audacieuse Palme d’or à Sailor et Lula de David Lynch et fut lui-même récompensé par une Palme d’or d’honneur en 2011. Il rejoint le paradis des virtuoses du cinéma transalpin et international.