Film inédit en France, Un homme à genoux fait pourtant partie des belles réussites de Damiano Damiani, cinéaste toujours à l’aise lorsqu’il aborde la thématique mafieuse. Il livre ici une œuvre originale et implacable, magistralement interprétée.
Synopsis : Sorti de prison, Nino, un petit truand sans envergure, a décidé de se ranger. Mais quand il se rend compte que, dans son quartier, rôde un tueur à gages, il est convaincu d’en être la cible. Il va devoir renouer avec son passé criminel pour faire face à ce danger.
Retour aux affaires mafieuses pour Damiano Damiani
Critique : Après l’échec commercial de Goodbye & Amen (1977) qui était pourtant une tentative d’embrasser un cinéma moins politisé, le cinéaste Damiano Damiani se doit de revenir aux affaires sérieuses avec son projet suivant. A priori tout prédisposait Un homme à genoux (1979) à connaître un beau succès. Tout d’abord, le film est porté par un casting de stars, dont un Giuliano Gemma au sommet et un Michele Placido en pleine ascension. Ensuite, le sujet choisi n’est aucunement étranger à Damiani puisqu’il retrouve ici les terres siciliennes et les agissements de la mafia, comme dans son séminal La maffia fait la loi (1968). Pourtant, Un homme à genoux fut un échec commercial lors de sa sortie italienne, au point que le métrage est resté totalement inédit en France jusqu’à la sortie du DVD / Blu-ray chez Artus Films.
On peut d’ailleurs crier à l’injustice tant Un homme à genoux s’impose comme une œuvre importante à l’intérieur de la riche filmographie du cinéaste. Effectivement, l’auteur ose prendre le spectateur au dépourvu en faisant du personnage de Nino Peralta incarné avec conviction par Giuliano Gemma un anti-héros qui subit l’action plutôt qu’il ne l’initie. En fait, Un homme à genoux ausculte les ravages de l’omerta sicilienne qui fait que les protagonistes sont tous au courant des agissements des truands, mais uniquement à coups de rumeurs et de on-dit.
Giuliano Gemma en anti-héros
Ainsi, le point de départ du film est plutôt audacieux puisque le personnage est persuadé qu’il est traqué par un tueur implacable (magnifique Michele Placido), mais il ignore totalement pour quelle raison. Tout d’abord, Damiano Damiani nous met sur la piste d’une éventuelle paranoïa du protagoniste principal, avant de révéler la raison passablement absurde qui explique la présence du petit malfrat sur une liste de personnes à éliminer. Dès lors, toute l’intrigue tourne autour des tentatives plus ou moins heureuses du personnage de s’en sortir indemne.
Pour cela, il tente de soudoyer le tueur à gages qui le traque, avant de s’apercevoir que tout le monde cherche à arnaquer l’autre. Même les figures apparemment amicales – le prolétaire sicilien interprété avec aisance par Tano Cimarosa – peuvent se révéler plus ambiguës que prévu. Petit à petit se dessine un portrait peu aimable d’une Sicile entièrement gangrenée par le crime et l’emprise de la pieuvre. Dans le rôle du grand parrain, l’excellent Ettore Manni se régale en jouant sur une apparente bonhommie qui cache bien une implacable volonté de domination. On adore notamment la scène de soumission qui donne son titre au film, particulièrement puissante dans ce qu’elle recèle d’humiliation.
Une vision très sombre de l’humanité
Dans la rébellion finale du héros, on retrouve là le goût du cinéaste pour les personnages qui osent s’opposer aux règles ineptes de la société. Pourtant, cela se teinte nécessairement d’amertume puisque cela suppose d’éliminer au passage des innocents. Ainsi, Un homme à genoux a la particularité de proposer une vision très sombre de l’humanité – la séquence finale dans la brume en dit long sur ce point. Visiblement, Damiano Damiani n’avait plus guère d’espoir quant à la capacité de la société italienne à évoluer. Au moins présente-t-il une petite famille plutôt unie. Il signe quelques jolies scènes entre le mari et son épouse (très juste Eleonora Giorgi) ou avec son fils (excellent Fabrizio Forte, déjà repéré dans le génial Padre Padrone, des frères Taviani).
Réalisé avec un talent éprouvé dans un style proche du documentaire, Un homme à genoux bénéficie aussi d’un joli thème musical signé Franco Mannino (qui est toutefois sous-employé). Beau film de mafia qui s’attache essentiellement aux dommages collatéraux sur les êtres humains, cet inédit mérite donc largement l’achat. On vous le conseille chaudement.
Critique de Virgile Dumez
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Damiano Damiani, Giuliano Gemma, Ettore Manni, Nazzareno Zamperla, Eleonora Giorgi, Michele Placido, Tano Cimarosa
Mots clés
Cinéma italien, Mafia, La Sicile au cinéma, Les tueurs à gages au cinéma