Prototype du film sur l’Organisation, La mafia fait la loi est un polar efficace doublé d’un drame humain poignant. La réalisation classique et le jeu inspiré des acteurs en font un film toujours plaisant de nos jours.
Synopsis : À peine arrivé dans une petite ville de Sicile, le capitaine Bellodi se charge de mener une enquête sur l’assassinat d’un entrepreneur local en froid avec la mafia. Seule une femme, témoin du meurtre, est susceptible de l’aider.
Critique : Au cœur des années 60, l’écrivain sicilien Leonardo Sciascia devient un auteur incontournable. Ses romans, ainsi que ses livres-enquêtes sont autant de précieuses descriptions du fonctionnement de la mafia, ce qui passionne le public d’alors. L’auteur n’hésite pas à dénoncer l’omerta qui entoure l’Organisation et qui lui permet de perdurer et de prospérer. Il n’en fallait pas plus pour que le cinéma s’empare de ce sujet brûlant.
En 1967, Elio Petri signe A chacun son dû qui rencontre un bel écho au festival de Cannes. De quoi motiver les producteurs qui mettent en chantier l’adaptation du premier roman policier de Sciascia publié en 1961, à savoir Le jour de la chouette (qui deviendra en France La maffia fait la loi, puis La mafia fait la loi).
Coproduction italo-française, ce polar est l’occasion pour le réalisateur Damiano Damiani de se confronter pour la première fois de sa carrière au thème de la mafia, qu’il a ensuite développé dans de très nombreux films jusque dans les années 80. Il faut dire que le cinéaste est très à l’aise pour mettre en scène ce drame à la théâtralité parfaitement assumée. Le lieu même est parfaitement choisi puisque la place du village sicilien met face à face le poste de police et la maison du maître incontesté de la région, un certain Don Mariano.
Si Damiani reprend les recettes de Francesco Rosi en essayant de rester globalement fidèle à la réalité du fonctionnement des mafieux, il s’autorise toutefois des envolées plus dramatiques en suivant les pas d’un beau personnage féminin incarné par l’excellente Claudia Cardinale. Loin d’être réduite au cliché de la femme sicilienne soumise, celle-ci représente plutôt une forme de détermination farouche à retrouver à la fois son mari et sa dignité de femme.
Elle-même convaincue du bien-fondé de la loi du silence instaurée par tous, elle finit par se détacher progressivement de cette règle tacite pour mieux prendre son indépendance. Ce personnage féminin incarne à lui seul l’espoir du cinéaste en un changement possible dans la région.
A ses côtés, l’auteur place un jeune carabinieri ambitieux interprété avec charisme par Franco Nero. Toutefois, l’homme n’hésite pas à employer des méthodes douteuses pour parvenir à ses fins, parfois au mépris de la loi. Il n’arrive de toute façon à rien puisque la pieuvre a des ramifications jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat. C’est d’ailleurs en cela que le long-métrage s’avère assez subversif. Peut-être n’est-il pas encore suffisamment explicite dans ses attaques, comme le seront les œuvres des années 70 plus offensives.
Par contre, La mafia fait la loi peut être vu aujourd’hui comme un des prototypes des films de mafia qui déferleront durant la décennie suivante. On y retrouve en tout cas tous les thèmes en gestation et tous les questionnements essentiels sur la société italienne des années 60.
Réalisé avec beaucoup de talent par un cinéaste inspiré, La mafia fait la loi pâtit peut-être d’un certain classicisme et d’une musique de Giovanni Fusco un peu passe-partout. Mais le jeu des acteurs compense aisément ces faiblesses. On apprécie particulièrement l’interprétation de l’Américain Lee J. Cobb.
Sorti en France deux ans après sa réalisation, le film n’a pas fait d’éclat au box-office national en n’attirant que 141 022 spectateurs dans tout l’Hexagone. Il n’en demeure pas moins une œuvre essentielle à redécouvrir pour qui veut explorer les failles de la société italienne de l’époque.
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Critique du film : Virgile Dumez
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