Un génie, deux associés une cloche tente de réitérer le succès phénoménal de Mon nom est Personne sans y parvenir, la faute à de nombreux choix discutables.
Un génie, deux associés une cloche tente de réitérer le succès phénoménal de Mon nom est Personne sans y parvenir, la faute à de nombreux choix discutables.
Synopsis : Joe Thanks, un sympathique voyou, s’associe à un couple de petits truands dans le but de subtiliser un butin de trois cents mille dollars. Cette somme, initialement destinée aux Indiens, doit être transmise par un abject major de la cavalerie, qui compte bien tout garder pour lui.
Critique : Séduit par l’esprit du film Les valseuses de Bertrand Blier, et conforté par le succès de Mon nom est personne, Sergio Leone se mit en tête d’en produire une déclinaison à la sauce western spaghetti. C’est ainsi qu’Un génie, deux associés, une cloche débarqua au début de l’année 1976 sur les écrans français. Sur le papier, toutes les conditions sont là pour aboutir à nouveau à un grand western comique, au vu des noms figurant au générique du film. Pourtant, le choix de Damiano Damiani à la réalisation s’est révélé hasardeux.
Si ce dernier est un grand réalisateur excellant dans le thriller politique, il se révèle beaucoup moins intéressé par la comédie. De fait, le faible sous-texte politique du film, à savoir, la spoliation des richesses des Indiens par les Américains, le motivait davantage que les passages comiques. Pour Leone et le producteur Fulvio Morsella, le réalisateur, aussi talentueux qu’il fut, n’avait aucun sens de l’humour. Ajoutez à cela des opinions politiques divergentes, et vous obtenez des conflits d’égo qui nuisent à un métrage qui se voulait léger.
Quand bien même le tout fut apparemment exécuté sans passion, la mise en scène de Damiani demeure impressionnante. De beaux plans filmés à la grue, et de scènes d’action très lisibles, parmi lesquelles se démarque l’attaque de la diligence, caractérisent ce succès du cinéma des années 70. Cerise sur le gâteau, Sergio Leone lui-même a réalisé la scène d’ouverture. On y retrouve son style si caractéristique jouant sur la dilatation du temps. Le film bénéficie d’un budget confortable, ce qui est visible de par les magnifiques paysages de l’Arizona, qui crèvent l’écran, et la générosité des scènes d’action. Une fois de plus, la patte du talentueux Carlo Simi, collaborateur récurrent de Leone, se ressent dans l’excellent travail réalisé au niveau des costumes et décors.
Si la photographie de Giuseppe Ruzzolini, qui avait déjà fait ses preuves sur Mon nom est Personne, n’est pas en reste, un fâcheux incident ternit la qualité globale du film. En effet, peu après la fin du tournage, on subtilisa les pellicules originales du film. En conséquence, aux dires du producteur, le film se compose principalement de chutes. Cela se traduit à l’écran par une qualité d’image dégradée sur certains passages.
Le principal défaut du métrage réside plutôt dans son scénario. Ce dernier, extrêmement confus, suscite l’ennui puisqu’il ressemble à une sorte de collage de sketches manquant de liant. In fine, le métrage est assez peu drôle car trop bavard. Certes, le film ne se complaît pas dans les dérives vulgaires du western « fayot », mais le spectateur esquissera à peine quelques sourires le temps de la projection. On est bien loin de l’esprit frondeur des dialogues des Valseuses, qui furent ici sûrement édulcorés pour ne pas choquer le public familial des films de Terence Hill, ici égal à lui-même. Charlebois et Miou-Miou assurent leurs rôles avec brio, et Patrick McGoohan incarne un antagoniste ridicule que l’on adorera détester. A noter que l’on aperçoit également Klaus Kinski et Mario Brega dans de petits rôles, pour le plaisir des amateurs du genre.
Si l’ensemble des acteurs nous propose de fort sympathiques performances, ces derniers ne parviennent pas à sauver un film qui fait pâle figure face à Mon nom est Personne, qui aurait dû rester l’authentique adieu au genre de Leone. Ce n’est pas non plus la partition de Morricone, agréable, mais clairement mineure dans l’œuvre du maestro, qui changera la donne. En définitive, si Un génie, deux associés, une cloche est loin d’être un désastre, il se dégage du visionnage de ce film un sentiment de déception et de gâchis, partagé par Leone lui-même. Ce dernier fit retirer son nom des crédits du film, et jura que l’on ne l’y reprendrait plus jamais à produire un western.
Critique : Kevin Martinez
Sorti sur Paris le 21 janvier 1976, soit une semaine avant la plongée des Dents de la mer dans le grand bain, Un génie, deux associés, une cloche profitait du souvenir délicieux des 4 732 000 entrées de Mon nom est personne qui avait emballé la France en décembre 1973. Le film de Damiano Damiani en sera loin au final, avec un score pas forcément médiocre de 1 939 079 spectateurs et 410 439 spectateurs sur la capitale et sa périphérie. Cela sera l’un des meilleurs score de l’année pour le distributeur, AMLF.
Parmi les nouveautés, le film doit faire face à la concurrence du Bon et les méchants de Claude Lelouch, de L’horizon de Jacques Rouffio, Je, tu, il, elle de Chantal Akerman, et La flûte à six Schtroumpfs.
Un génie, deux associés, une cloche profite du circuit UGC et notamment du Grand Rex pour sa première semaine. On peut le découvrir également à l’Elysées Cinéma, l’UGC Ermitage, le St-Michel, la Rotonde, l’UGC Gobelins, le Mistral, le Magic Convention, Les 3 Murat et le Paramount Maillot, ainsi que sur de nombreux écrans de périphérie.
Sa première semaine lui permet d’accueillir 126 067 clients sur la capitale, pour une baisse à 71 140 entrées en deuxième semaine, attaqué dans sa chair par le squale de Steven Spielberg qui le déboulonne de la première place, avec 309 158 baigneurs. En 3e semaine, Un génie, deux associés, une cloche séduit encore 56 105 spectateurs mais chute en 5e place face à l’appétit carnassier des Dents de la mer (241 160 entrées en première semaine) et du documentaire de Frédéric Rossif, La fête sauvage (60 877).
Un génie, deux associés, une cloche restera à l’affiche sur la capitale pendant 12 semaines, notamment grâce à la complicité du Rex.
A l’échelle nationale, le western ne parviendra pas à détrôner Docteur Françoise Gailland avec Annie Girardot de la première place, mais restera tout de même 8 semaines dans le top 10, et voyagera très longtemps dans la France profonde. Après un démarrage à 254 446 entrées sur l’Hexagone (contre 1 110 000 pour Jaws), Terence Hill réussira à se hisser sur la durée jusqu’à 1 939 079 amateurs de cinéma spaghetti.
En raison de sa réputation médiocre, Un génie, deux associés, une cloche ne connaîtra a priori qu’une édition VHS, en 1982, chez Sara Films, et une édition DVD, en 2008, chez Pathé (distributeur salle initial, sous l’appellation d’AMLF).