Porté par un duo d’acteurs formidables, Un coup de maître est une comédie savoureuse qui flingue le monde de l’art, tout en livrant une touchante histoire d’amitié. A découvrir.
Synopsis : Propriétaire d’une galerie d’art, Arthur Forestier représente Renzo Nervi, un peintre en pleine crise existentielle. Les deux hommes sont amis depuis toujours et, même si tout les oppose, l’amour de l’art les réunit. En panne d’inspiration depuis plusieurs années, Renzo sombre peu à peu dans une radicalité qui le rend ingérable. Pour le sauver, Arthur élabore un plan audacieux qui finira par les dépasser… Jusqu’où peut-on aller par amitié ?
Un coup de maître, remake d’un film argentin
Critique : Depuis plusieurs années maintenant, on assiste à une tendance lourde qui est à la création de remakes de films européens à succès. Ainsi, Le jeu (Fred Cavayé, 2018) était la version française du film italien Perfetti sconosciuti (Paolo Genovese, 2016), puis Irréductible (Jérôme Commandeur, 2022) était le pendant français de la comédie ritale Quo vado ? (Gennaro Nunziante, 2016) et Menteur (Olivier Baroux, 2022) celui de la comédie québécoise éponyme Menteur (Émile Gaudreault, 2019). Autant d’exemples d’un manque évident de prise de risque quand il s’agit de porter à l’écran une histoire qui a déjà fait ses preuves sur un marché. Le phénomène n’est pas nouveau, certes, mais il prend de l’ampleur ces dernières années.
Avec Un coup de maître (2023), Rémy Bezançon rejoint donc la cohorte de ceux qui exploitent un succès étranger puisqu’il signe ici le remake d’Un coup de maître (Gastón Duprat, 2018), comédie venue d’Argentine par le réalisateur de L’homme d’à côté (2009), Citoyen d’honneur (2016) et Compétition officielle (2021). Il retrouve par la même occasion un univers artistique qu’il a déjà exploré dans l’intéressant Le mystère Henri Pick (2019) avec l’excellent Fabrice Luchini, situé dans le milieu littéraire.
Vincent Macaigne / Bouli Lanners, un duo formidable
Cette fois, il réunit les acteurs Vincent Macaigne et Bouli Lanners pour une comédie satirique assez jubilatoire prenant pour cible le marché de l’art contemporain et son hypocrisie manifeste. Il s’agit pour les auteurs de dézinguer un milieu qui a petit à petit été gangrené par le capitalisme, au point de n’être plus qu’une machine à investir son argent dans des valeurs refuges. L’art n’est donc plus considéré pour sa valeur artistique intrinsèque, mais bien par sa validité commerciale et fiduciaire. Contrairement aux siècles précédents, les mécènes n’entendent plus subventionner les artistes, mais capitaliser sur des œuvres qu’ils pourront enfermer dans leurs coffres à la banque.
Pour décrire cet état de fait, les auteurs suivent donc les pas d’un artiste peintre misanthrope – excellent Bouli Lanners, très drôle – et de son fidèle galeriste et ami qui se bat pour le faire reconnaître – formidable Vincent Macaigne à l’interprétation toujours lunaire. La très grande force du long-métrage vient de l’osmose parfaite entre les deux comédiens qui se donnent la réplique avec gourmandise. Ils composent un duo d’ami que l’on voit finalement rarement à l’écran car faite d’une fidélité sans faille, sans pour autant sombrer dans la moindre ambiguïté sexuelle. Les deux compères sont finalement totalement complémentaires, et en réalité aussi dingues l’un que l’autre.
Un gentil coup de canif contre le capitalisme
Film qui critique ouvertement la dérive capitaliste d’une société uniquement intéressée par l’argent, Un coup de maître chante donc la liberté des êtres face à un système entièrement sclérosé par l’appât du gain. Les deux personnages principaux, que l’on imagine comme étant d’anciens soixante-huitards sur le retour, ne se reconnaissent plus du tout dans ce monde matérialiste, mais ils succombent aussi parfois à l’attrait du confort bourgeois, avant de reprendre leur liberté.
Multipliant les rebondissements inattendus, Un coup de maître est une comédie souvent savoureuse qui touche juste. Non seulement le film s’avère très drôle, notamment lorsque le meurtre est un temps envisagé comme une possibilité de s’en sortir, mais il est aussi touchant par la description de cette amitié indéfectible – qui n’empêche nullement les prises de bec, elles aussi euphorisantes.
Réalisé avec talent par un Rémy Bezançon toujours très à l’aise dans la direction d’acteurs, le long-métrage bénéficie aussi d’une belle composition musicale électronique de Laurent Perez Del Mar, à la fois discrète, mais également étonnante dans ce genre de film. Elle enrobe judicieusement les images de Philippe Guilbert et contribue donc à la réussite générale de cette comédie qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile.
Critique de Virgile Dumez
Notes sur le film :
Un coup de maître est l’adaptation du film argentin éponyme qu’Eurozoom avait distribué dans les cinémas français en février 2019. Son auteur, Gaston Duprat (Citoyen d’honneur, 2017), allait d’ailleurs connaître une sortie conséquente en 2022, avec Compétition officielle, qui mettait en scène Antonio Banderas, Penélope Cruz, et Oscar Martínez, en 2022, dans une satire du milieu du cinéma.
Pour le cinéaste Rémi Bezançon, il s’agit d’explorer avec sa coscénariste Vanessa Portal (4e collaboration ensemble depuis Un heureux événement, 2011) le milieu de l’art, un peu de la même façon que Le mystère Henri Pick (2019) qui avait introduit celui des écrivains. Ce dernier, en utilisant la dynamique de l’investigation, avait permis à Fabrice Luchini et Camille Cottin de trouver un succès magistral (889 000 entrées), permettant à l’auteur de rebondir après le four de Nos futurs (186 000, 2015).
Histoire d’amitié de deux compères de plusieurs décennies, dans le milieu de la peinture, Un coup de maître carburera à la personnalité forte de Bouli Lanners et celle plus lunaire de Vincent Macaigne, pour une sortie dans les cinémas français posée au 9 août 2023.
Le distributeur Zinc., né en 2022, déploiera ainsi la 6e sortie d’un catalogue franco-français très porté sur la province (Les petites victoires, Des mains en or).
Notes sur le film de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 9 août 2023
Affiche : Le Cercle Noir pour Silenzio – Photo Thomas Nolf. © Mandarin & Compagnie. Tous droits réservés.
Biographies +
Rémi Bezançon, Bouli Lanners, Vincent Macaigne, Aure Atika, Bastien Ughetto, Anaïde Rozam
