Véritable kaléidoscope historique, Simone, le voyage du siècle revient sur cinquante ans d’histoire européenne avec talent et émotion, tout en développant un message d’alerte nécessaire pour les générations futures.
Synopsis : Le destin de Simone Veil, son enfance, ses combats politiques, ses tragédies. Le portrait épique et intime d’une femme au parcours hors du commun qui a bousculé son époque en défendant un message humaniste toujours d’une brûlante actualité.
Simone, dernier volet d’une trilogie de biopics féminins pour Olivier Dahan ?
Critique : Le cinéaste Olivier Dahan a connu bien des vicissitudes au cours des années 2010 puisqu’il n’a pas réussi à mener à bien deux projets sur lesquels il s’est pourtant engagé pendant plusieurs années. Son dernier long-métrage officiel remontait donc au biopic Grace de Monaco (2014) avec Nicole Kidman. Finalement, en 2019, il décide de revenir à un autre biopic qui complèterait ainsi sa trilogie entamée brillamment en 2007 avec La môme, sur Edith Piaf. Cette fois, il s’attaque à une grande figure de la vie politique française, la grande Simone Veil, dont le nom reste attaché à la loi sur l’IVG.
Le travail sur le scénario est complexe, d’autant que la vie de cette femme exceptionnelle est d’une richesse infinie. Comme pour ses précédents biopics, Olivier Dahan fait le choix de ne pas raconter le destin de cette femme en suivant l’ordre chronologique. Effectivement, il était compliqué de débuter le film par l’expérience traumatisante des camps de la mort, forcément terrible sur le plan émotionnel, pour ensuite laisser le long-métrage raconter les événements politiques de son existence, obligatoirement moins passionnants sur le plan cinématographique.
Une première demi-heure confuse
Dès lors, Simone, le voyage du siècle débute par l’épisode le plus connu de tous à savoir la bataille parlementaire pour instaurer le droit à l’avortement pour les femmes françaises. Cette partie est assurément la moins réussie du métrage, avec un manque de clarté dans l’évocation des faits et des trucs de mise en scène afin de résumer au maximum une situation qu’Olivier Dahan a cru trop connue du grand public. Le cinéaste n’était pas sans ignorer l’existence d’un téléfilm intitulé La loi (Christian Faure, 2014) qui revenait en détails sur cette lutte parlementaire avec Emmanuelle Devos dans le rôle de Simone Veil.
Ce début en demi-teinte est également empêtré dans un montage que l’on peut qualifier de confus, mélangeant toutes les époques et ayant du mal à se fixer sur une seule en particulier. Enfin, les maquillages de vieillissement d’Elsa Zylberstein et d’Olivier Gourmet – ce dernier que l’on reconnaît uniquement par sa voix si particulière – ne sont guère convaincants et figent les expressions des acteurs.
Simone, le voyage du siècle finit par intéresser et émouvoir
Heureusement, après une vingtaine de minutes franchement laborieuses, Simone, le voyage du siècle prend son envol. Le spectateur commence tout d’abord à s’habituer aux différents changements physiques en fonction des époques évoquées, et surtout l’incarnation de Simone jeune fille est d’une belle justesse de jeu. Rebecca Marder forme notamment un beau trio avec Élodie Bouchez et Judith Chemla. Dès que le cinéaste ose fendre l’armure de l’icone de la vie politique et qu’il sonde notamment son trauma lié à sa déportation et à la perte d’une grande partie de sa famille dans les camps, le long-métrage touche et emporte le spectateur. Il n’oublie pas pour autant d’évoquer toutes les grandes actions de la dame entrée au Panthéon en 2018.
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Ainsi, le film insiste sur son combat pour instaurer une plus grande dignité d’incarcération dans les prisons, mais aussi sur son engagement européen, sa volonté de dénoncer les crimes de torture durant la guerre d’Algérie, puis lors des conflits plus tardifs en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Autant de luttes dont le grand public n’est pas forcément au courant et qui renforce un peu plus la stature d’une femme qui a compté dans la vie de la République française. Femme de tête à une époque où rares étaient celles qui s’imposaient dans la vie publique, Simone Veil apparaît ici comme une féministe de la première heure, alors qu’elle-même ne se définissait pas comme tel.
Une dernière demi-heure terrible dans les camps de la mort
Mais bien entendu, c’est assurément la dernière demi-heure du film qui a touché le public puisque le réalisateur ose décrire les camps d’extermination en suivant pas à pas le destin de cette mère et de ses deux filles au cœur de l’univers concentrationnaire. S’il ne montre finalement pas grand-chose à l’écran, le réalisateur souligne le tout d’une musique vrombissante et pesante qui fait de la projection une épreuve pour les sens et les nerfs du spectateur. Ainsi, Olivier Dahan rend un poignant hommage à toutes les victimes du fascisme et du nazisme.
Il en profite également pour livrer un superbe message d’alerte sur la résurgence de ces mouvances dans une Europe très divisée par les populismes. Certes, il choisit ici de reprendre les mots de Simone Veil, mais on sent ici la volonté du réalisateur de prévenir les citoyens français du retour de ce que l’on a appelé « la bête immonde » (expression si imagée que l’on doit au grand Bertold Brecht).
Un vrai objet cinématographique qui a fédéré près de 2,5 millions de spectateurs
Très critiqué pour son aspect formel très travaillé – façon clip vidéo – Simone, le voyage du siècle a pourtant le mérite de ne pas sombrer dans l’académisme et de proposer un objet de cinéma, certes imparfait, mais qui a le mérite de brosser en peu de temps cinquante ans d’histoire européenne à travers le destin d’une femme extraordinaire. Le défi était de taille, et malgré les quelques réserves évoquées ci-dessus, il a été grandement relevé.
Le public ne s’y est pas trompé et a fait un succès de cette œuvre qui a mis du temps à voir le jour à cause de la pandémie de Covid-19. Avec plus de 2,4 millions de spectateurs dans les salles, Simone, le voyage du siècle est un véritable rescapé de la période post-Covid, à l’heure où les salles de cinéma ont bien du mal à se remplir.
Critique de Virgile Dumez
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Affiche Couramiaud / Lufroy. © Marvelous Productions, Warner Bros Pictures
Biographies +
Olivier Dahan, Judith Chemla, Rebecca Marder, Philippe Torreton, Olivier Gourmet, Elodie Bouchez, Bernard Blancan, Sylvie Testud, Guillaume Verdier, Elsa Zylberstein, Laurence Côte, Lubna Azabal, Camille Rutherford, Philippe Lellouche, Bastien Bouillon, Jules Porier, Antoine Gouy, Antoine Chappey, François Créton, Jean-François Gallotte, François Rollin
Mots clés
Biopic, Drame historique, La Seconde Guerre mondiale au cinéma, L’avortement au cinéma, La politique au cinéma