Fortement influencée par Bertrand Blier, Sac de nœuds est une comédie fort sympathique et qui demeure d’actualité dans ses thématiques sociales. Josiane Balasko y fait ses premiers pas derrière la caméra.
Synopsis : Croyant avoir tué son mari, une jeune femme débarque chez sa voisine qui veut se suicider. Un type poursuivi par la police monte dans leur voiture. Voilà un drôle de trio en cavale sur les routes de France…
La première réalisation de Josiane Balasko
Critique : En 1984, deux membres éminents de la bande du Splendid sont passés avec succès derrière la caméra. Gérard Jugnot a dégainé son Pinot simple flic (1984) qui a raflé 2,4 millions d’entrées, mais c’est surtout Michel Blanc qui a explosé les compteurs avec son Marche à l’ombre (1984) ayant bénéficié de la force de frappe commerciale de Christian Fechner avec plus de 6 millions de spectateurs hilares. De quoi motiver Josiane Balasko à passer elle aussi à la vitesse supérieure, d’autant que la comédienne rencontre de très beaux succès au théâtre, notamment avec sa pièce Nuit d’ivresse.
© 1985 Oliane Productions / © 2009 LCJ Editions. Tous droits réservés.
Son premier long-métrage de réalisatrice intitulé Sac de nœuds (1985) a été coécrit avec Jacques Audiard dont on connaît pourtant le goût pour le cinéma noir. D’ailleurs, si l’on fait abstraction des dialogues et de quelques quiproquos, le script du film pourrait très bien être tourné comme un terrible drame social. On y parle effectivement de femme battue, de meurtres, de trafics dans les banlieues, de viol ou encore de prostitution.
Un petit air de Bertrand Blier
Toutefois, la réalisatrice s’inspire surtout de l’univers décalé de Bertrand Blier dont on ressent l’ombre tutélaire à plusieurs reprises. Tout d’abord, l’intrigue met en scène un trio de losers magnifiques dont une Isabelle Huppert qui semble sortie de La femme de mon pote (Blier, 1983). Ensuite, les dialogues épicés ne peuvent qu’évoquer le maître de la provocation made in 70’s. Enfin, certaines rencontres quasiment surréalistes pourraient également se trouver au cœur d’un film de Blier. Pas étonnant que Balasko et lui se soient finalement rencontrés sur Trop belle pour toi quelques années plus tard.
© 1985 Oliane Productions / Affiche : Philippe. Tous droits réservés.
Déjà préoccupée de thématiques sociales, Josiane Balasko donne un sacré coup de neuf à la comédie française et aborde des sujets douloureux et d’actualité qui n’ont pas vieilli. Ainsi, comme dit précédemment, elle débute son long-métrage par une scène terrible de violence conjugale. Sans jamais se faire pontifiante, la réalisatrice évoque ainsi le drame des femmes battues qui reste malheureusement tristement d’actualité. Ensuite, elle situe le début de son histoire dans les cités de banlieue où se développe déjà une forme d’insécurité et de misère sociale. Enfin, elle s’inscrit dans un mouvement de libération des mœurs post-soixante-huitarde en créant un trio improbable qui se finira par la naissance d’un enfant qui sera élevé par deux mamans, encore une thématique novatrice pour l’époque.
De l’art du dialogue percutant !
Bien entendu, Sac de nœuds ne peut aucunement se réduire à ces thématiques sérieuses puisque l’objectif est de faire rire le spectateur à partir de situations sordides. Le but est fréquemment atteint, même si on trouve quelques facilités d’écriture. Les dialogues particulièrement vulgaires ont choqué à l’époque, mais parviennent à déclencher le rire encore de nos jours. Certains quiproquos et running gags – la petite famille de beaufs en vacances nous font bien marrer – sont sans doute un peu faciles, mais il fallait bien alimenter la comédie en moments désopilants.
En fait, le film fonctionne surtout par l’alchimie parfaite entre les acteurs.
© 1985 Oliane Productions / Affiche : Philippe. Tous droits réservés.
Balasko est évidemment parfaite en « moche » paumée et suicidaire, tandis qu’Isabelle Huppert confirme sont talent dans la comédie. Farid Chopel impose aussi une belle présence à l’écran. On appréciera enfin la courte apparition de Coluche en maquereau sans scrupule. Toutefois, le plus beau rôle est attribué au grand Jean Carmet qui parvient à nous émouvoir en pharmacien rebelle qui a connu la déportation. Ce passage plus sombre révèle déjà le talent de Balasko pour aborder des scènes plus intimes.
Une déception au box-office
Tout n’est pas parfait dans Sac de nœuds, avec notamment un flottement dans l’intrigue au bout d’une heure de projection. On peut aussi regretter l’usage un peu trop fréquent d’une musique rock qui se voulait moderne à l’époque, mais ancre irrémédiablement le long-métrage dans son époque. Le recours à la chanson de Gérard Blanchard semble même faire écho à celle de Renaud pour Marche à l’ombre. Enfin, la réalisation de l’ensemble s’avère essentiellement fonctionnelle, permettant tout de même de valoriser le jeu des comédiens.
Sorti dans un contexte chargé (le triomphe des Spécialistes et l’incroyable continuité du phénomène des Ripoux), Sac de nœuds a déçu les attentes avec un score plutôt moyen situé à 633 220 entrées. Sans être catastrophique, la comédie est loin d’être un phénomène et Josiane Balasko n’a pu rivaliser avec les débuts fracassants de ses anciens potes Jugnot et Blanc. Pas de quoi l’empêcher de réitérer quelques temps plus tard avec Les keufs (1987) qui fut cette fois un succès, dans un contexte déprimé pour la comédie française.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 20 mars 1985
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© 1985 Oliane Productions / Affiche : Philippe. Tous droits réservés.
