L’Insoumis : la critique du film (1964)

Drame | 1h43min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche de L'Insoumis d'Alain Cavalier (1964)

  • Réalisateur : Alain Cavalier
  • Acteurs : Alain Delon, Lea Massari, Camille de Casabianca, Georges Géret, Robert Castel, Robert Bazil
  • Date de sortie: 25 Sep 1964
  • Année de production : 1964
  • Nationalité : Français, Italien
  • Titre original : L'Insoumis
  • Titres alternatifs : Have I the Right to Kill (USA), The Unvanquished (Royaume-Uni, international), Eho dikaioma na skotoso? (Grèce), Il ribelle di Algeri (Italie), ¿Tengo el derecho de matar? (Amérique latine), Die Hölle von Algier (Allemagne), O Indomável (Portugal), La Muerte no deserta (Espagne), Kostajat (Finlande), Flykten (Suède), Непокоренный (Union-Soviétiqu), Forræderen (Danemark), Terei o Direito de Matar? (Brésil), Desertøren (Norvège)...
  • Autres acteurs :
  • Scénaristes : Alain Cavalier
  • Dialoguiste : Jean Cau
  • Monteur : Pierre Gillette
  • Directeur de la photographie : Claude Renoir
  • Compositeur : George Delerue
  • Maquilleuse : Maud Begon
  • Chef décorateur : Bernard Evein
  • Producteurs : Alain Delon, Jacques Bar
  • Producteur délégué : Georges Beaume
  • Sociétés de production : C.I.P.R.A., Cité Films, Delbeau Productions Paris, P.C.M. Rome
  • Distributeur : Metro-Goldwyn-Mayer
  • Distributeur reprise : Park Circus Film Films (2018)
  • Date de sortie reprise : 14 février 2018
  • Editeur vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 711 339 entrées / 173 425 entrées
  • Box-office France / Paris-Périphérie (reprise) : 2 503 entrées / 2 503 entrées
  • Classification : Tous publics (Visa 28 382)
  • Formats : 1.66 : 1 / Noir et Blanc (35 mm, DCP 2K reprise 2018) / Mono
  • Festivals : -
  • Nominations : -
  • Récompenses : -
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Metro-Goldwyn-Mayer, Park Circus. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Sujet polémique pour un film bouleversant sur le destin d’un déserteur, magnifié par un Alain Delon au sommet de son talent.

Synopsis : A la fin de la guerre d’Algérie, un soldat déserteur passé à l’OAS participe à l’enlèvement d’une avocate qui doit défendre des membres du FLN. Pourtant, séduit par la jeune femme, il décide de la libérer. S’ensuit une traque sans fin.

Critique : L’insoumis (1964) est le deuxième long métrage d’Alain Cavalier et sa seconde incursion dans un sujet pourtant très controversé à l’époque, à savoir la guerre d’Algérie. Même si elle apparaît seulement en filigrane au début du métrage, on ne peut s’empêcher, aujourd’hui, de voir l’histoire de ce déserteur totalement paumé comme une métaphore d’une France particulièrement déboussolée par une guerre qui a brouillé tous les repères idéologiques traditionnels. Ainsi, le parcours de ce soldat est intéressant à plus d’un titre car le cinéaste n’a pas choisi la facilité : il nous oblige à suivre pas à pas l’itinéraire d’un homme qui nous apparaît vil, désagréablement individualiste au début du film. Puis, par petites touches impressionnistes, finit par se dresser le portrait d’un homme pétri de défauts, mais finalement très attachant jusque dans ses failles.
L’atout principal du metteur en scène réside dans le choix de son interprète principal. Alain Delon irradie l’écran par sa beauté, par la profondeur de son regard, parvenant à en dire beaucoup avec un minimum de moyens. Il rend son personnage de faux mauvais garçon touchant et lui insuffle une grandeur qui touche au sublime lors des bouleversantes scènes finales. Dès qu’il apparaît à l’écran, il éclipse littéralement ses partenaires pour capter notre attention. Cela s’appelle la grâce.

Il est aidé en cela par un cinéaste talentueux, montrant une réelle efficacité lors des scènes de traque, où le suspense est bien présent. Mais qui transcende son scénario lors des passages intimistes où chaque geste est étudié avec minutie et sublimé par une grande science du cadre et de l’atmosphère. La musique inspirée de George Delerue est utilisée avec parcimonie mais toujours à bon escient pour souligner les séquences les plus dramatiques.
L’échec commercial retentissant de cette œuvre a malheureusement condamné Alain Cavalier au silence durant de nombreuses années, et l’ont obligé à signer quelques œuvres de commande avant de pouvoir s’atteler à un projet plus personnel, près de douze ans plus tard. Le temps rendra pourtant justice à son travail, irréprochable sur cet Insoumis.

Critique de Virgile Dumez

L'insoumis, affiche espagnole

L’insoumis, affiche espagnole ©MGM. All Rights Reserved.

Box-office de L’Insoumis et les 40 ans de la MGM

L’Insoumis sort la semaine du 23 septembre 1964. Une belle date à laquelle on célèbre également les 40 ans de la M.G.M., distributeur français du film d’Alain Cavalier.

Le studio mythique américain, a priori fort du triomphe du remake de Ben-Hur (13 856 000 en 1960) et de La conquête de l’Ouest, en 1962 (3 600 000), n’avait pas connu une belle année 1964 en France, puisqu’aucunes de ses nouveautés, à un titre prêt, n’étaient parvenues à dépasser le million, que ce soit Le défi de Tarzan de Robert Day (802 000), Pas de lauriers pour les tueurs avec Paul Newman et même notre Micheline Presle (742 000), ou La chevauchée des Outlaws de Michael Carreras (556 000). Et ce ne sont pas La nuit de l’Iguane de John Huston (401 000) et Hercule, Samson et Ulysse (912 000) qui allaient leur remplir les poches.

Mais est-ce que les pontes du géant américain pouvaient compter sur Alain Delon pour essayer de leur redonner le sourire localement ? Delon à cette époque, c’est Le Guépard et ses 3 684 000 entrées en 1963, La Tulipe Noire et ses 3 107 000 entrées en février 1964. C’est aussi une collaboration qui démarre avec la M.G.M. de façon tonitruante en 1963, avec Mélodie en sous-sol (3 518 000 spectateurs ). Malheureusement, en juin 1964, le choc de la rencontre entre notre Delon national et Jane Fonda, dans Les Félins de René Clément, n’est pas le sommet espéré : 1 414 000 entrées contre 2 400 000 pour Plein Soleil, l’auteur du Père tranquille, La bataille du rail, Jeux Interdits, et Gervaise, en espérait plus. M.G.M. aussi.

L’Insoumis, c’est aussi une sortie qui correspond à l’annonce par la M.G.M. du début de tournage du premier film américain d’Alain Delon, Les tueurs de San Francisco/Once a Thief de Ralph Nelson, sous le titre de Scratch a Thief. Un futur flop.

Les Tueurs de San Francisco, avc Alain Delon et Ann-Margret (1965)

Premier film américain d’Alain Delon – Les tueurs de San Francisco – Illustrateur : G. Allard – © 1965 MGM. Tous droits réservés / All rights reserved

Delon, omniprésent sur tous les tournages (la comédie à sketch britannique de la M.G.M. La Rolls-Royce jaune d’Anthony Asquith), alors numéro 1 du box-office à Bruxelles avec Les Félins, va connaître toutefois un échec foudroyant avec L’Insoumis d’Alain Cavalier. Le magnifique film des deux Alain, au final implacable et inoubliable qui marquera l’histoire jusqu’à la pochette d’un album de The Smiths, ne trouve que 711 000 spectateurs en fin de carrière, vouant la tragédie progressiste et humaine d’Alain Delon à l’un des bides personnels les plus injustes pour l’acteur tant son jeu y est remarquable de précision, notamment dans sa procession finale. Effectivement, le mercenaire déserteur se meurt dans les salles de cinéma de façon cruelle. Le déserteur Delon, c’est politiquement fort, mais également symboliquement pertinent puisque la désertion de Delon sera effective pendant deux longues années loin des projets français de l’artiste, ce qui lui vaudra une remise en question. L’exception étant Les Centurions ( 4 300 000 entrées en France, en 1966, le même mois que Paris brûle-t-il de René Clément qui frôlera les 5 millions d’entrées).

Alain Delon : l’Insoumis politique et historique, c’est lui

En septembre 1964, la distribution de L’insoumis était un risque pour tout le monde. Et in fine, les spectateurs préfèreront se ruer sur la continuation du Gendarme de Saint-Tropez (43 000 entrées à Paris, en 3e semaine), monter sans hésiter dans Le Train de John Frankenheimer (75 036 entrées en semaine 1) et découvrir non sans plaisir le divertissement d’Edouard Molinaro, La chasse à l’homme, avec un autre pan de la jeunesse française : Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Mireille Darc, Jean-Claude Brialy et un certain Jean-Paul Belmondo.

Avec 24 982 spectateurs dans 4 salles (Le Moulin Rouge, le Paris, le Français et le Miramar), L’Insoumis se maintient en 2e (23 456) et 3e semaines (17 670), mais ces scores sont trop bas pour justifier la continuation de l’exclusivité qui s’achève alors.

Il faudra deux longues années pour qu’Alain Delon puisse enfin retrouver sa place au sommet du box-office, avec Les Centurions de Mark Robson, avec Anthony Quinn. Un autre film dont le champ de bataille est… la guerre d’Algérie. Quant à L’Insoumis, qui ne connaîtra que quelques petites reprises en salle, dont une en HD en 2018, et de rares passages à la télévision, le pamphlet ne sera pas exploité en VHS et en DVD. Bref, cette œuvre de cinéma majeure est toujours passée sous silence. Elle a pourtant les moyens de mettre tout le monde d’accord. Alain Delon était un homme complexe et un acteur immense. L’Insoumis  historique et politique, c’était lui, et personne d’autre.

Analyse du box-office : Frédéric Mignard

Mots clés :

Les films de 1964, Mort d’Alain Delon,  La guerre d’Algérie au cinéma, Noir et blanc, Les pamphlets anti-guerre, Tragédie

Sorties de la semaine du 22 septembre 1964

Affiche de L'Insoumis d'Alain Cavalier (1964)

© 1964 Warner Bros – Parkus Circus. Tous droits réservés / All rights reserved

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