Mort bouleversante d’Alain Delon. Il était la légende du cinéma. Ses films, sa carrière, sa beauté sont éternels. Un monstre qui nous a façonnés dans notre amour du 7e art. Delon était. Il est et restera l’histoire du cinéma.
En nous quittant le 18 août, Alain Delon nous prend de court dans nos vacances estivales ; il bouleverse agendas et esprits et marque un temps d’arrêt dans nos vies qui opèrent l’exercice pas toujours aisé de la rétrospective. L’acteur a façonné tant de cinéphilies, marqué tant de générations, au cinéma ou à la télévision où son œuvre est l’une des plus diffusées. Il y a du Delon dans chacun d’entre nous. Un héritage troublant qui dépasse largement le terme banal d’influence.
© 1967 Pathé Production – Filmel – Fida Cinematografica / Illustration : René Ferracci. Tous droits réservés.
Diminué et malade depuis de nombreuses années, l’acteur de légende s’était retiré de la vie mondaine et du 7e art depuis des années, pour une vie de star ultime, à l’image des géants hollywoodiens, de ceux qui n’ont pas besoin de paraître pour demeurer au firmament. Qu’importe ses dérapages verbaux, sa prétention d’opéra, sa part d’ombre cocasse, il demeure inébranlable dans son rapport à notre intimité.
Sa beauté foudroyante ne l’a pas rangé parmi les acteurs fades de notre répertoire, mais a contribué à façonner une image magnifique d’icone au moment où le cinéma français des années 60 s’engage sur une nouvelle génération d’acteurs et de cinéastes, certains s’orientant vers la Nouvelle Vague que Delon refuse d’embrasser puisqu’il ne tournera pour son chantre, Jean-Luc Godard, en 1990, dans l’ultime soubresaut médiatique du genre, qui reprend sobrement comme titre le nom du mouvement. Oui, Delon n’était pas petit.
Marie Laforêt et Alain Delon dans Plein Soleil © 1960 STUDIOCANAL – TITANUS S.P.A. Tous droits réservés.
Alain Delon, qui explose dans Plein Soleil de René Clément, en 1960, a tourné avec des auteurs impressionnants, dans des registres variés, puisque la star Delon se refusera à exister dans un seul genre.
René Clément (Les Félins), mais aussi Luchino Visconti (Rocco et ses frères, Le Guépard), Michelangelo Antonioni (L’Eclipse), Henri Verneuil ( Mélodie en sous-sol, Le Clan des Siciliens), Jean-Pierre Melville (Le Samouraï, Le cercle rouge), Julien Duvivier (son ultime film, Diaboliquement vôtre), Joseph Losey (L’Assassinat de Trotsky, Monsieur Klein), José Giovanni (Deux hommes dans la ville, Le Gitan…), Bertrand Blier (Notre histoire) et même Alain Cavalier (L’Insoumis).
© 1976 StudioCanal Image – Titanus Distribution / affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2019. Tous droits réservés.
A l’image de Jean-Paul Belmondo, l’autre légende française issue des années 50 qui allait, avec lui, rebattre les cartes, son statut de super star prendra un peu le dessus dans les années 70, avec de nombreux polars ou thrillers, souvent tournés par Jacques Deray, formatés pour le sommet du box-office : La Piscine, Borsalino et sa suite, Flic Story, Le gang, Trois hommes à abattre... cette litanie de films commerciaux, à laquelle s’ajoute des films d’aventure comme le Zorro de Duccio Tessari, destiné à séduire les foules dans un divertissement plus léger, n’empêche nullement Delon d’alterner avec un cinéma d’auteur plus sombre ou avec des thématiques sociétales qui imprègnent les états d’esprit d’une France agitée. Le déclin rural, la peine de mort, l’antisémitisme et la déportation. Delon prenait des risques, entre son pays et l’Italie, il ne s’agissait pas d’être là où on l’attendait, même si les années 80 lui seront fatales avec des œuvres parfois grotesques (Le Battant qu’il réalise lui-même, Parole de flic et Ne réveillez pas un flic qui dort, de José Pinheiro). On les oublie volontiers.
© 1969 SNC / Affiche : © Jacques Vaissier
Certes, Alain Delon scrutait le box-office, dans une sorte de concurrence médiatique avec son ami Jean-Paul Belmondo, mais surtout voulait signifier une certaine grandeur à travers une carrière exceptionnelle qui compte quelques-uns des chefs d’œuvre des années 60 et 70.
L’œuvre de Delon englobe des monuments comme Plein Soleil, Le Samouraï, Le Guépard, Monsieur Klein, Rocco et ses frères, Le Clan des Siciliens, Le Cercle Rouge, Mélodie en sous-sol… Plus qu’aucun acteur contemporain ne pourra jamais le désirer. Car au-delà de la beauté féline, c’est bien le talent qui caractérisait cette personnalité qui préférait les psychologies cabossées à la suffisance de la médiocrité qu’il exécrait.
Et toute la médiocrité de ses derniers films, on l’oublie instantanément, éblouis que nous sommes face à l’homme Delon, aussi puissant que son répertoire, dans notre construction de cinéphiles.
Si Dieu existait au cinéma, il serait ténébreux et sévère, il serait Alain Delon.
Alain Delon dans Plein Soleil © 1960 STUDIOCANAL – TITANUS S.P.A. Tous droits réservés.