Plein soleil : la critique du film (1960)

Policier, Drame | 1h54min
Note de la rédaction :
9/10
9
L'affiche de Plein Soleil, avec Alain Delon (reprise 2013)

Note des spectateurs :

Plein soleil est le meilleur film de René Clément, et un polar culte, véritable écrin pour ses trois interprètes : Alain Delon, Marie Laforêt, et Maurice Ronet.

Synopsis : Tom Ripley est chargé par un milliardaire américain, M. Greenleaf, de ramener à San Francisco son fils Philippe qui passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge. Tom entre dans l’intimité du couple et devient l’homme à tout faire de Philippe qui le fait participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser.

L’état de grâce de trois comédiens dans un polar captivant

Critique : Plein soleil a été réalisé par René Clément au moment où la Nouvelle Vague prenait son envol. Celle-ci préconisant l’écriture relâchée et le dédain du scénario serré, le film a pu paraître à contre-courant. En dépit du souffle de jeunesse apporté par Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, l’œuvre fut accueillie avec estime mais sans louanges, celles-ci étant réservées aux jeunes Turcs des Cahiers. Les laudateurs de Godard et Truffaut parlèrent, au mieux d’ « un film agréable », et c’est encore avec condescendance que certains évoquent cette réussite majeure du cinéma français. Il faut dire que René Clément, réalisateur inégal, était considéré à l’époque comme un représentant d’un cinéma dépassé, symbolisé par les académiques Jeux interdits ou Gervaise, quand Monsieur Ripois tourné en 1954 dans les rues de Londres avec Gérard Philipe avait prouvé qu’il pouvait être aussi un auteur majeur. Plein soleil n’a rien à envier aux perles des polars américains de l’époque, ceux des Delmer Daves, Samuel Fuller et autres Nicholas Ray. C’est l’adaptation d’un thriller de Patricia Highsmith, qui inspirera également le médiocre Le Talentueux M. Ripley (Anthony Minghella, 1998). Tom (Alain Delon) est chargé par un riche industriel américain de ramener son fils Philippe (Maurice Ronet) à la maison. Tom retrouve son ancien camarade en Italie, menant une vie joyeuse avec son amie Marge Duval (Marie Laforêt) et n’ayant aucune envie de rentrer. Tom, estimant sa mission accomplie, en profite pour passer ses vacances auprès du jeune couple. Mais les choses se gâtent rapidement…

Alain Delon dans Plein soleil de René Clément (restauration, reprise 2013)

© 1960 STUDIOCANAL – TITANUS S.P.A. Tous droits réservés.

Le sommet du film est une escapade foireuse en bateau, qui voit Tom harcelé par Philippe. Delon, torse nu et regard perçant, d’une beauté parfaite, joue à merveille la (fausse) innocence outragée, teneur de chandelle humilié chargé de manœuvrer le gouvernail quand Philippe et sa belle font l’amour dans la cabine. Exposé au soleil sur un radeau pour avoir commis une maladresse technique, il est l’objet du dédain de son (faux) ami et de la compassion de Marge. On songe aux rapports explosifs mais ambigus entre Dewaere et Bouchitey, arbitrés par Christine Pascal dans La Meilleure façon de marcher (Claude Miller, 1976), l’homosexualité des deux garçons n’étant que très implicitement suggérée dans le film de Clément. Plein soleil est aussi une réflexion pertinente sur le dédoublement de personnalité : Tom porte les habits de Philippe et imite sa voix et sa signature.

Plein soleil a bien mérité son statut de film culte

Alain Delon et Marie Laforêt, tendus dans le thriller Plein Soleil

© 1960 STUDIOCANAL – TITANUS S.P.A. Tous droits réservés.

Mais il a conscience de ses actes, ce qui ne sera pas le cas de Sissy Spacek ursupant l’identité de Shelley Duvall dans Trois femmes (Robert Altman, 1977). Il est aussi son propre Pygmalion, contrairement à Judy (Kim Novak), transfigurée en Madeleine par James Stewart dans Vertigo de Hitchcock, tourné l’année précédente.

René Clément s’avère ici un virtuose de la mise en scène. Qu’il filme la foule dans les rues d’une station balnéaire, une virée nocturne en calèche, une bagarre mortelle en mer ou les répétitions d’un spectacle musical, son art révèle un sens du cadrage et du montage saisissants, loin de la réputation de simple artisan ou technicien auquel on a parfois voulu le réduire depuis son premier film, La Bataille du rail. Plein soleil est aussi l’une des premières productions hexagonales à s’inscrire délibérément dans le cadre d’un cofinancement entre deux pays, avec diversité des langues et sous-titrage de certaines séquences. La mise en abyme linguistique et nationale est ici d’autant plus frappante que Delon est censé incarner un Américain, tandis que l’Écossais Bill Kearns parle lui le français avec un fort accent. Ave Ninchi interprète une domestique italienne s’exprimant dans sa langue et Viviane Chantel une touriste belge draguée par deux Français. On y croise même une certaine Romy Schneider, à l’époque jeune star allemande venue faire un caméo sur le tournage de son fiancé… Et Une mention sera accordée à la géniale franco-roumaine Elvire Popesco, rejetant avec dégoût un plat de poissons et commandant d’un ton autoritaire « spaghetti per tutti »…

Maurice Ronet dans Plein Soleil de René Clément

© 1960 STUDIOCANAL – TITANUS S.P.A. Tous droits réservés.

Plein soleil a bien mérité son statut de film culte et se doit d’être (re)découvrir, le métrage semblant même se bonifier avec les ans. Sa restauration en 2013 a mis en valeur la splendide photo couleur de Henri Decae et la bande-son, dont la musique mélodieuse de Nino Rota, alors en pleine effervescence créatrice avec Fellini.

Critique de Gérard Crespo

Les sorties de la semaine du 10 mars 1960

L'affiche de Plein Soleil, avec Alain Delon (reprise 2013)

© 1960 StudioCanal – Titanus – S.P.A. Tous droits réservés. Affiche : Dark Star

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L'affiche de Plein Soleil, avec Alain Delon (reprise 2013)

Bande-annonce de Plein soleil

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