Dopé à l’humour et à l’action rocambolesque, L’espion qui m’aimait bénéficie d’une réalisation efficace et d’un casting trois étoiles qui en font assurément le meilleur épisode de la saga durant les années Roger Moore.
Synopsis : Les services secrets anglais chargent leur agent, James Bond, de retrouver deux sous-marins russe et américain ayant mystérieusement disparu. Au cours de son enquête, Bond rencontre un milliardaire qui, à l’aide d’un super-tanker, kidnappe les sous-marins pour en utiliser les bombes atomiques, afin de déclencher une guerre mondiale…
Un James Bond qui n’entretient plus de rapport avec les romans de Ian Fleming
Critique : Alors que la franchise James Bond connaît une sévère chute qualitative au milieu des années 70, le producteur Harry Saltzman est contraint de quitter le navire pour cause de dettes accumulées, laissant ainsi Albert Broccoli seul maître à bord. Contraint par une clause du contrat signé par Ian Fleming de ne plus adapter les romans de la série, le producteur choisit d’utiliser les titres savoureux de la saga littéraire en modifiant l’intégralité de l’intrigue principale.
En cela, L’espion qui m’aimait (1977) est donc le premier James Bond à ne pas être directement issu de l’imagination de Fleming. Cela n’a pas été sans poser problème puisque de nombreux scénaristes se sont passé le flambeau, étendant de manière indéfinie la période de préproduction. Las de tant de tergiversations, le réalisateur Guy Hamilton quitte définitivement la famille Bond après de loyaux services. Il est remplacé par Lewis Gilbert qui a déjà signé dix ans plus tôt On ne vit que deux fois (1967) avec Sean Connery. Au passage, le cinéaste accueille à nouveau le décorateur Ken Adam dans son équipe, ce qui se révèlera un atout considérable pour ce dixième épisode.
De l’humour, de l’action et des jolies filles
Si le scénario, par ailleurs efficace, recycle absolument toutes les figures imposées de la saga et ne constitue assurément pas le point fort de ce nouvel opus, L’espion qui m’aimait n’en demeure pas moins le meilleur épisode interprété par Roger Moore, et également le meilleur d’une décennie en dents de scie. Ainsi, le long-métrage accumule les décisions heureuses, et ceci malgré une production chaotique.
Au lieu d’évacuer l’humour déjà présent dans les précédents volets, Lewis Gilbert pousse Roger Moore à exprimer sa véritable personnalité, sans essayer vainement de ressembler à Sean Connery. Avec un flegme tout britannique, l’acteur s’en donne à cœur joie dans l’humour décalé à base de punchlines bienvenues. L’acteur est entouré d’une armée de James Bond girls marquantes. Si la sculpturale Caroline Munroe marque les esprits grâce à sa plastique impeccable et ses attitudes de garce, on retiendra surtout la belle Barbara Bach qui donne une réelle étoffe à un personnage qui n’est pas qu’une potiche de service. Grâce à la relation que les auteurs tissent entre Bond et son pendant féminin, le film se dote d’un aspect fleur bleue qui fait souvent défaut à une série plus portée sur le machisme.
Des méchants d’anthologie et des décors impressionnants
Du côté des méchants également, le compte est bon grâce au charisme de Curd Jürgens qui incarne un antagoniste imposant. Quant au fameux Jaws (inspiré des Dents de la mer qui venait de triompher au box-office mondial) incarné par le géant Richard Kiel, il reste dans toutes les mémoires par sa carrure impressionnante et ses attributs dentaires hors norme. Si l’idée est évidemment grotesque, il faut bien avouer que ce personnage est nettement plus marquant que les deux tueurs homosexuels des Diamants sont éternels ou le nain de L’homme au pistolet d’or.
Porté par ce casting trois étoiles, le film aligne aussi les morceaux de bravoure comme la séquence inaugurale avec ses incroyables cascades à ski, mais aussi les attaques sous-marines, la destruction du tanker ou encore toutes les scènes se déroulant dans la spectaculaire demeure maritime du méchant. Si le réalisateur s’acquitte de sa tâche avec talent, saluons une fois de plus l’immense contribution du décorateur Ken Adam qui a donné une identité visuelle à toute la saga et s’est surpassé avec ce dixième opus absolument inoubliable.
Le meilleur Bond des années 70
Prenant acte de la Détente qui fait alors place à la guerre froide, L’espion qui m’aimait est également un épisode dont le sous-texte pacifiste tranche sérieusement avec les précédents. Cet appel à la paix semble avoir été du goût du public de l’époque puisque le film a engrangé la modique somme de 185 millions de dollars dans le monde pour une mise de départ de 14M$. La France a également répondu à l’appel en plaçant le film à la troisième marche du podium annuel avec 3 500 993 entrées, tout juste derrière La guerre des étoiles. Une sacrée performance pour une saga vieille alors de plus d’une quinzaine d’années.
La saga James Bond sur CinéDweller
Le blu-ray :
Compléments : 5 / 5
Ils reprennent l’intégralité de ceux déjà disponibles sur les éditions collector et sont absolument indispensables :
- On commence ce petit tour par un commentaire audio passionnant avec entre autres Lewis Gilbert et d’autres membres de l’équipe technique.
- Un documentaire rétrospectif d’environ 40mn qui revient sur l’ensemble de la conception de ce dixième épisode, de la genèse tourmentée au tournage épineux en Egypte, jusqu’à la sortie du film. Indispensable.
- Un documentaire de 20mn sur Ken Adam et sa contribution majeure à l’esthétique générale de la saga des années 60 aux années 70.
- On retrouve Ken Adam dans un petit module de 5mn où le décorateur commente des images du tournage.
- Une comparaison film / storyboard
- Un document d’époque sur l’inauguration du plateau 007 (1mn)
- Un entretien de 4mn avec Roger Moore réalisée sur le plateau de tournage. L’acteur y fait preuve d’un humour à toute épreuve.
- Le tournage en Egypte nous permet durant 6mn d’assister au tournage du film dans des conditions parfois difficiles.
- Une multitude de bandes-annonces, de spots TV, d’affiches promotionnelles et de photographies.
Image : 4,5 / 5
Ce magnifique épisode n’est pas celui qui dispose du plus beau master, même si l’on n’est jamais très loin de la perfection. On remarque quelques plans plus flous que d’autres, tandis qu’un certain grain s’invite sur des plans larges. Attention toutefois, il s’agit de quelques petites secondes dans un ensemble magnifique. Mais la saga nous a habitués à la perfection en matière de haute définition.
Son : 4 / 5
Là encore, il s’agit d’un résultat grandement satisfaisant, mais on peut quand même regretter sur les pistes en DTS HD Master Audio (la version originale notamment) un léger manque de puissance lors des explosions et une curieuse tendance à donner un aspect caverneux à la musique. A noter également sur la version française une trop grande amplitude entre les passages dialogués et les scènes d’action.
Critique de Virgile Dumez