Le vampire de Düsseldorf s’attache à décrire la folie meurtrière d’un homme au cœur d’une Allemagne basculant dans le nazisme. Si le sujet est plutôt bien traité, la réalisation trop classique de Robert Hossein ne lui rend pas totalement hommage. A découvrir tout de même avec intérêt.
Synopsis : Allemagne, le début des années 1930. Tandis que les nazis resserrent leur étau sur toute la société, l’ouvrier Peter Kürten semble mener une existence banale. Rien n’indique qu’il pourrait être le tueur de femmes que la presse surnomme « le vampire de Düsseldorf ». Épris d’Anna, une chanteuse de cabaret, c’est pourtant lui ce redoutable prédateur qui séduit ses victimes avant de les assassiner…
Robert Hossein fait son M le maudit
Critique : Lorsqu’il se penche sur l’écriture du Vampire de Düsseldorf en 1964, l’acteur Robert Hossein n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il s’agit déjà de sa dixième réalisation en seulement dix ans. Notons d’ailleurs que la plupart de ses films ont glané autour d’un million de spectateurs, son plus gros succès étant Toi, le venin (1958) avec 1,8 millions de reptiles dans les salles. Alors qu’il vient de remporter un véritable triomphe en grand héros romantique dans Angélique, marquise des anges (Borderie, 1964), Robert Hossein choisit donc de prendre le contre-pied de ce rôle flamboyant et coloré en signant une œuvre sombre, en noir et blanc, où il interprète un détraqué qui assassine les femmes.
En fait, ce personnage de Peter Kuerten n’est aucunement un inconnu pour les cinéphiles puisque le véritable assassin a déjà inspiré Fritz Lang pour son M le maudit (1931), puis Joseph Losey dans son remake éponyme de 1951. Il s’agissait en fait d’un tueur en série ayant traumatisé l’Allemagne de Weimar et qui a d’ailleurs été surnommé Le vampire de Düsseldorf par la presse de l’époque. Que ceux qui s’attendent donc à voir surgir des canines ensanglantées passent leur chemin puisque Robert Hossein a souhaité ici retracer l’affaire dans une ambiance sombre rendant hommage à l’expressionnisme allemand.
Le vampire de Düsseldorf ou la naissance du nazisme
Dès le début du long-métrage, Robert Hossein a l’intelligence de nous proposer des images d’archives qui expliquent le contexte très tendu de l’Allemagne de la fin des années 20. Minée par une crise économique folle, l’Allemagne est parcourue de contestations violentes, aussi bien de la part des communistes qui souhaitent renverser le pouvoir et installer un régime à la Soviétique, que de la part de l’extrême droite qui s’organise autour de la figure d’Adolf Hitler. C’est ainsi au détour de dialogues, mais aussi de quelques courtes séquences que Robert Hossein brosse le portrait d’un pays en pleine déliquescence.
Il démontre notamment que la violence y est devenue quotidienne, au point qu’un meurtrier comme Kuerten passe finalement inaperçu. Ainsi, Le vampire de Düsseldorf réfléchit de manière pertinente sur la notion de violence et de légalité. On n’hésite pas ici à condamner à mort un homme qui est sans aucun doute malade, tandis que peu de temps après, le peuple va élire à la tête de l’Allemagne un autre individu qui va envoyer des millions d’êtres humains à la mort.
Une réalisation épurée, mais sans doute trop sage pour un tel sujet
Toutefois, Robert Hossein se garde bien de théoriser son propos et offre au spectateur une froide exploration de la psyché désordonnée d’un homme qui semble bien sous tous rapports le jour, mais qui se transforme en un redoutable assassin la nuit. L’homme obéit à des pulsions que Hossein ne cherche ni à expliquer, ni à excuser, mais qu’il montre à l’œuvre au sein d’une société tout aussi désorientée que lui. Pour cela, le comédien s’est doté d’une démarche étrange qui suggère un homme effrayé et replié sur lui-même. Il en fait sans doute un peu trop et livre une prestation assez théâtrale qui contraste fortement avec le naturel dont fait preuve la toute jeune Marie-France Pisier.
Même si le couple était également ensemble à la ville comme à l’écran, leurs deux conceptions différentes du jeu se complètent assez mal. Cela n’empêche toutefois pas le film de fonctionner puisque les deux êtres s’opposent sur bien des plans. On peut aussi regretter un certain classicisme de la réalisation qui s’appuie beaucoup sur le noir et blanc d’Alain Levent pour donner un sentiment d’accomplissement. Pour autant, les plans sont souvent trop banals, même si les critiques de l’époque saluèrent un certain sens de l’épure qui est bien réel.
Tourné à Madrid, alors que l’ensemble est censé se dérouler en Allemagne, Le vampire de Düsseldorf parvient à faire illusion, même si tout le monde s’exprime en Français, souvent avec un accent de titi parisien qui jure dans une ambiance censément germanique. Toutefois, on ne chipotera pas car Le vampire de Düsseldorf demeure une œuvre fort intéressante qui peut être considérée comme la meilleure de son auteur. Robert Hossein lui-même estimait qu’il s’agissait de son meilleur film.
Le vampire de Düsseldorf a suscité la curiosité
Lorsqu’il sort dans les salles parisiennes le 7 avril 1965, Le vampire de Düsseldorf atteint la troisième place du box-office hebdomadaire derrière les triomphes du Corniaud de Gérard Oury, en troisième semaine et de Goldfinger de Guy Hamilton, en septième semaine. Malgré le choix du noir et blanc et son sujet sombre, le métrage a attiré 41 034 noctambules dans les 5 cinémas le projetant : le Balzac, l’Helder, la Scala, le Vivienne, et le Delambre.
En deuxième semaine, le nouveau film de Robert Hossein glisse en 5e place, notamment en raison de l’arrivée de Major Dundee. L’acteur-réalisateur attire toutefois 36 730 curieux face à un duo de tête inchangé en raison de leur caractère phénoménal.
Le vampire commence à se tasser en 3e semaine (25 440 entrées, 7e). Puis, ce sont 22 439 maniaques supplémentaires, toujours dans le circuit de 5 salles qui lui a été alloué originellement, qui viendront clore cette première exclusivité à 125 643 spectateurs sur Paris en 4 semaines.
Sur le reste de la France, Le vampire de Düsseldorf, il faut attendre le 27 avril 1965 pour que le film commence à voyager en province où il se place à la 11ème marche du box-office national, encore porté par les chiffres parisiens.
Cela a permis au film de cumuler 755 695 entrées au long d’une carrière très étalée dans le temps.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 7 avril 1965
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Marie-France Pisier, Robert Hossein, Tanya Lopert, Roger Dutoit, Annie Anderson
Mots clés
Biopic, Thrillers français, Les tueurs fous au cinéma, Les nazis au cinéma