Aussi étonnant et grisant qu’un tour de magie réussi, Insaisissables est un thriller à tiroirs qui multiplie les chausse-trapes pour mieux dissimuler sa totale vacuité. Divertissement assuré.
Synopsis : « Les Quatre Cavaliers », un groupe de brillants magiciens et illusionnistes, viennent de donner deux spectacles de magie époustouflants : le premier en braquant une banque sur un autre continent, le deuxième en transférant la fortune d’un banquier véreux sur les comptes en banque du public. Deux agents spéciaux du FBI et d’Interpol sont déterminés à les arrêter avant qu’ils ne mettent à exécution leur promesse de réaliser des braquages encore plus audacieux. Ils font appel à Thaddeus, spécialiste reconnu pour expliquer les tours de magie les plus sophistiqués. Alors que la pression s’intensifie, et que le monde entier attend le spectaculaire tour final des Cavaliers, la course contre la montre commence.
Pour l’amour du twist
Critique : Joli succès aux Etats-Unis, le film de Louis Leterrier tente d’insuffler un sang neuf dans le domaine du thriller grâce à une intrigue à tiroirs qui joue sans cesse sur les faux-semblants. Ecrit par Ed Solomon (Men in Black) et Boaz Yakin (Safe) d’après une histoire originale d’Edward Ricourt, le script est un modèle de construction puisqu’il s’appuie intégralement sur la dissimulation du motif réel des quatre casseurs, seulement dévoilé vers la fin après toute une série de twists qui laissent le spectateur pantois.
Si certains risquent bien de ne pas apprécier cette constante manipulation de la part d’un scénariste démiurge, le grand public a dans sa large majorité (plus de 3 millions d’entrées en France) plébiscité un scénario qui change des intrigues kleenex attachées habituellement aux blockbusters made in Hollywood.
Suspension d’incrédulité nécessaire
Bien évidemment, pour apprécier Insaisissables, il vous faudra accepter le postulat selon lequel un être humain est capable de tout prévoir dans les moindres détails, un peu sur le modèle des pièges orchestrés par Jigsaw dans la saga horrifique des Saw. Tout comme dans Trance de Danny Boyle, il vous faudra également croire en la puissance réelle de l’hypnose, ici appelée mentalisme pour faire plus mode. Toutefois, une fois cette suspension d’incrédulité acquise, il n’est pas interdit de goûter aux charmes de ce spectacle d’une redoutable efficacité, à défaut d’être d’une grande finesse.
Ne vous attendez donc pas à une réflexion intéressante sur les rapports entre la magie et le cinéma (dont l’ancêtre s’appelait d’ailleurs la lanterne magique) comme avait pu l’ébaucher Christopher Nolan dans son excellent Prestige, et encore moins une mise en abîme profonde comme celle menée par Antonioni dans Blow up. Louis Leterrier ne s’est jamais présenté comme un auteur, mais bien comme un habile technicien au service d’une histoire divertissante. Il nous prouve d’ailleurs une fois de plus son savoir-faire technique et sa capacité à raconter une histoire grâce à une réalisation ample (on ne compte plus le nombre de panoramiques qui permettent de rendre chaque scène dynamique).
Un film gadget aussi divertissant que vain
Au lieu de sur-découper au montage comme bon nombre de ses confrères, Leterrier privilégie la lisibilité de ses séquences et permet ainsi l’implication du spectateur, même lors des passages les plus trépidants (la très bonne course-poursuite en voiture en est un exemple frappant). Toutefois, cette belle fidélité envers le script et cette application constante dans la mise en image ne suffisent pas à faire d’Insaisissables autre chose qu’un objet ludique, dont on peine à saisir le sens global.
Totalement corseté dans son script gadget, le long-métrage échoue à faire vivre ses personnages qui se résument tous à une suite d’archétypes plus ou moins classiques. Se refusant à la moindre psychologie, les auteurs se contentent donc d’aligner les morceaux de bravoure sans jamais rien approfondir. A l’image de la magie, Insaisissables est donc un objet souvent stimulant, parfois grisant, qui tient de la pure illusion d’optique afin de dissimuler sa parfaite vacuité.
Notons par ailleurs que le film a fait l’objet d’une suite en 2016 judicieusement intitulée Insaisissables 2, réalisée par Jon M. Chu et nettement moins enthousiasmante.
Critique de Virgile Dumez