Dark Harvest est le 4e film de David Slade, le sulfureux réalisateur d’Hard Candy avec Eliott Page. Le conte d’Halloween, sombre et léché, tiré du best-seller de Norman Partridge, ne démérite pas malgré une caractérisation superficielle. Une belle surprise horrifique qui séduira les adolescents et même les adultes amateurs de cinéma de genre.
Synopsis : Dans une petite ville du Midwest, un sombre rituel a lieu tous les ans lorsque Jack Dents-de-Scie prend vie et menace les garçons de la ville. Une cruelle course à la survie s’engage alors.
Dark Harvest un roman à l’adaptation compliquée en temps de COVID-19
Critique : En 2006, le romancier Norman Partridge marque la littérature horrifique pour adolescents avec un roman court mais inspiré, destiné à faire les facings des librairies lors des fêtes d’Halloween, Dark Harvest.
Fantasmé par beaucoup pour le cinéma, le projet connaîtra de nombreux soubresauts avec New Regency (The Creator, Gone Girl, Heat, Bohemian Rhapsody) qui abandonna à raison le film à MGM, à l’arrivée du nouveau PDG Michael de Luca qui a tout de suite cru en cette acquisition au potentiel de franchise réel. Le réalisateur David Slade, qui avait pris ses distances d’avec Hollywood à la suite du Twilight le plus réussi de la saga, Hésitation (le numéro 3), reste derrière la caméra, fort de ses succès télévisuels, notamment sur Black Mirror : Bandersnatch.
Malheureusement, la crise de la COVID-19 et l’avènement des plateformes de SVOD vont considérablement changer la donne. Au tout début de la pandémie, quand la France en est à son premier mois complet de confinement, MGM annonce la date de sortie salle de Dark Harvest fixée au 24 septembre 2021.
Finalement, le projet est stoppé, suivant le mouvement de l’économie cinématographique américaine, quand les Etats-Unis de Donald Trump comptent leurs morts et se divisent sur les masques, vaccins et gestions des écoles.
Lorsque le 24 septembre 2021 arrive enfin, le tournage de Dark Harvest vient finalement de démarrer, à peine un mois auparavant. Désormais la MGM, associée à United Artists Releasing pour la distribution américaine, prévoit une exploitation exclusive sur le grand écran le 9 septembre 2022.
Casey Likes, héros de Retour vers le futur le musical, domine le casting
Le casting est méconnu, avec Casey Likes, acteur-danseur-chanteur, impliqué sur plusieurs gros projets à Broadway, notamment l’adaptation en musical de Presque célèbre de Cameron Crowe et, plus tard, en 2023, dans Retour vers le futur, le musical où il y interprètera le rôle culte de McFly. A ses côtés, le jeune acteur d’Arizona peut compter sur une seule contrepartie féminine, le casting étant essentiellement masculin, la jeune Emyri Crutchfield, la vingtaine comme lui, mais bien plus méconnue que ne l’est Casey Likes qui progresse à grand pas dans la notoriété.
Pour les adultes du cast, MGM ne va pas chercher des poids lourds. Jeremy Davies et Elizabeth Reaser sont des visages connus, mais sûrement pas des forces d’attraction. D’ailleurs, leur jeu limité sera également l’un des points faibles de l’ensemble, avec une interprétation télévisuelle et sans charisme. Reaser et Jeremy Davies n’en sont pas à leur premier projet commun, et quant à la comédienne, elle connaît bien David Slade, pour avoir été plusieurs fois dirigée par ce dernier notamment dans Twilight, chapitre III : Hésitation où elle interprète la mère du vampire maigrelet et blafard joué par Robert Pattinson.
Quand Amazon Studios rachète la MGM, Dark Harvest le film de cinéma devient produit de SVOD
Dans un paysage d’exploitation en profonde mutation aux USA, de très nombreux films achevés sont écartés des circuits de distribution traditionnelle. Dark Harvest en fait partie. En 2021 et 2022, le business hollywoodien est en souffrance et MGM, dans l’une de ses 1001 crises d’identité, est absorbée par Amazon. La naissance du géant Amazon MGM Studios, amené à embrasser le catalogue d’Amazon Originals et le répertoire historique de la MGM, rabat les cartes.
Dark Harvest est officiellement l’ultime film distribué aux USA par la MGM, avant la mise en place d’Amazon MGM Studios. En salle, de façon symbolique (et promotionnelle), il connaît une exploitation lors d’une soirée dans les cinémas de la chaîne Alamo Drafthouse, le 11 octobre, avant une exploitation mondiale sur la plateforme Prime Vidéo à partir du 13 octobre 2023, 15 jours avant Halloween.
Alors que vient de débarquer en salle le ratage artistique total de L’Exorciste Dévotion, et que Paramount a favorisé sa plateforme pour le prequel médiocre de Simetierre, Bloodlines, Dark Harvest rassure. David Slade n’a pas perdu la main et relève même nettement le niveau dans ce que l’univers des productions de cinéma tristement débauchées par la SVOD.
Des défauts inhérents à son époque de formules inclusives
Dark Harvest est loin d’être une réussite et un must-see pour les adultes, le réalisateur de 30 jours de nuit avec Josh Hartnett s’est compromis dans l’univers de Twilight, et il n’a donc aucun hésitation à assurer un spectacle avec des protagonistes parfois fades et d’apposer à la folie collective d’un conte macabre de Stephen King, à l’écriture contemporaine des productions netflixienne. Le scénariste Michael Gilio (Donjons & Dragons : l’honneur des voleurs) ne cherche pas à étoffer son script en le parant d’une psychologie de coming of age movie aux contours balisés. Il aborde des thèmes comme les droits civiques dans l’Amérique du Midwest de 1963 et le féminisme via la peinture d’une société patriarcale violente où la femme est invisibilisée, de façon canonique, ce sont des sujets systémiques dans ce type de productions et donc des écarts narratifs maladroits car d’une banalité éprouvante.
Par ailleurs, les explications narratives de Dark Harvest laissent beaucoup de points d’interrogation et ouvrent la perspective de développement via des suites ou une série télévisée.
Un vrai beau conte d’Halloween, sombre et resplendissant d’esthétique terreuse
Mais qu’importe les éléments médiocres d’une époque fade, David Slade n’en rate pas pour autant son 4e long métrage. Focalisé sur la construction d’un pur conte d’Halloween, sombre et sans ambages humoristiques, il capte l’attention de par sa peinture en scope d’une Amérique du Midwest iconique, magnifiée par une photographie somptueuse. Cet écrin de terreur atavique, au milieu des champs de maïs, compte de nombreuses visions de cinéma fortes et propose sa propre mythologie, autour de sacrifices d’adolescents annuels, lors d’une course contraignant tous les jeunes mâles de la contrée à être jetés à la rue, affamés, pour se ruer sur le monstre des champs, épouvantail au design de Pumpkinhead, à l’apparition annuelle, qu’ils doivent massacrer avant qu’il ne puisse atteindre l’Eglise. Il se repaîtront alors, tels des animaux, de ses viscères de sucre.
L’histoire tordue, qui évoque Ray Bradbury, Stephen King, des œuvres récentes comme Le Labyrinthe mâtinée d’American Nightmare (The Purge), Twin Peaks et Wayward Pines, est séduisante dans ses arcanes. Elle n’est pas sans audace, puisque parfois gore, ce qui a valu à ce spectacle un classement R aux USA et un 18+ sur Prime France.
Dark Harvest : le Pumpkinhead des années 2020?
Avec un talent dont Mike Flanagan, perdu à jamais dans les productions Netflix, ne sait plus vraiment faire montre, David Slade épouse les recoins les plus terreux du conte horrifique, et supplante le Scary Stories d’André Øvredal en dépit d’une production chaotique qui vouait le film à l’outrage de l’insipidité.
Dark Harvest, peinture d’un fantastique étrange qui n’a pas encore révélé tous ses mystères, est un film de monstre comme jadis en leur temps des séries B gothiques comme The Unnamable d’après Lovecraft, Pumpkinhead de Stan Winston et RawheadRex d’après Clive Barker, qui étaient des produits vidéo guère estimables, mais que l’on appréciait pour leurs créatures.
On retrouve dans Dark Harvest une filiation certaine avec ces séries B et cela n’est pas pour nous déplaire. Les jeunes de 2020 y trouveront matière à nostalgie pour les décennies à venir et aujourd’hui, la promesse d’un film de saison bien troussé.
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David Slade, Jeremy Davies, Casey Likes, Emyri Crutchfield, Elizabeth Reaser