Gone Girl est une réflexion grinçante sur le couple, d’une noirceur totale, mais non dépourvue d’un humour salvateur… Rosamund Pike est splendide, Ben Affleck, lui, invisible… Ça tombe bien, c’était voulu par l’auteur de Fight Club, au sommet de son art de manipulateur !
Synopsis : A l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ?
Femme fatale
Critique : Sauvons les apparences… Fincher poursuit un parcours du combattant dans une filmographie sans vraie fausse note, et aborde un sujet que l’on n’attendait pas de lui, fortement épineux, le drame conjugal.
A l’âge des remises en question (52 ans, cela se fête), rien de tel qu’un petit film de 2h30, pour s’interroger sur les rouages du couple et sa façade savamment bâtie qui se fissure avec le temps. Ici, la disparition d’une épouse parfaite, Rosamund Pike, ancienne James Bond girl, beauté fatale à la Hitchcock, emmurée dans un corps frêle et vulnérable, va déclencher une hystérie médiatique américaine.
L’heure est à la télé-réalité et l’on se projette volontiers dans l’image d’une victime extraordinaire (elle est l’auteure d’une franchise littéraire populaire) dont la destinée pathétique (tuée par son époux ? Un ex-psychopathe ?) va lui valoir une popularité posthume insensée. Evidemment, cela se fait au détriment de l’époux, le fade Ben Affleck, premier suspect de fait, que l’on découvre très vite être un goujat de première. L’acteur au jeu fragile est utilisé à bon escient par Fincher qui va trouver en lui le reflet ironique d’une belle façade à la mâchoire carrée et au sourire forcé. In fine, il excelle dans l’ambiguïté demandée.
Un best of du cinéma de David Fincher
Mais chez l’auteur de Fight Club et Seven, qui aime les esprits dérangés et les rebondissements à foison, l’on ne va pas s’arrêter à pareilles banalités, puisque le matériau littéraire initial, Les Apparences, vendu à 2 millions d’exemplaires aux USA, va lui permettre de s’adonner à ses vices narratifs préférés, la manipulation, la paranoïa, le détournement d’intentions… Si le script est signé par l’écrivaine même du livre, l’Américaine Gillian Flynn, qui s’est engagé à développer de façon stupéfiante la fin de son roman, on retrouve bien aux manœuvres le Fincher que l’on adule, au croisement de ses œuvres. Le dédoublement de personnalité de Fight Club, les secrets familiaux glacés de Millénium, l’horreur viscérale de Seven qui accouche ici d’une esthétique morbide digne du meilleur de Brian De Palma, lors d’une scène de crime d’anthologie… Fincher est partout, évoquant même son passif de vidéaste pour MTV, avec de nombreuses références au vidéo-clip de Madonna, Bad Girl.
Gone Girl, une œuvre d’une beauté diaphane
Si Fincher s’est calmé sur l’esthétique de ses débuts, sa réalisation n’en demeure pas moins brillante, d’une beauté diaphane parfaitement retranscrite par l’affiche irréelle qui vend le produit. Son aisance visuelle s’accompagne d’une audace de conteur. Filmer le beau, des protagonistes aux traits de héros de conte de fées, pour y apposer en oxymore le laid. Une image grinçante du couple après le mariage, érodé après quelques mois, qui revêt ici les formes spectrales d’un polar angoissant, mais jubilatoire, et le linceul d’un humour noir qui prend le spectateur à rebrousse-poil.
Un triomphe du thriller américain
Elégant, intrigant, passionnant, Gone Girl et sa bande originale hypnotique (on reconnaît la patte de Trent Reznor et Atticus Ross) s’impose comme un objet filmique inattendu, et donc forcément à la hauteur des attentes du cinéphile, masochiste et consentant, qui ne voulait rien d’autre que d’être trituré pareillement par l’esprit dément d’un cinéaste en pleine possession de ses talents.
Un grand film, tout simplement.
Box-office :
Véritable triomphe au box-office mondial, Gone Girl a engrangé pas moins de 369 000 000$, malgré son sujet mature et sa violence intrinsèque. Aux USA, Fincher empoche 167 000 000$ et en France, le cinéaste culte, mais pas toujours suivi par le public, sabre le champagne : 1 921 102 d’entrées, soit le 3e plus gros hit du cinéaste derrière Seven (4 945 838) et L’étrange histoire de Benjamin Button (2 595 615). C’est d’autant plus remarquable que Gone Girl ne bénéficiait pas d’un casting solide. Rosamund Pike était inconnue du grand public. Quant à Ben Affleck, sa popularité a toujours été contrastée.
Gone Girl sortira un 8 octobre dans 429 cinémas en France. Il conserva cette combinaison 5 semaines en raison de la satisfaction des exploitants. Il démarre convenablement à 539 178 curieux pour se maintenir encore au-dessus de la barre des 100 000 en 6e semaine. Le bouche-à-oreille a été des plus convaincants.
Critique & Box-office : Frédéric Mignard
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