Coplan sauve sa peau : la critique du film (1968)

Action, Aventures, Espionnage | 1h50min
Note de la rédaction :
6/10
6
Coplan sauve sa peau, l'affiche

  • Réalisateur : Yves Boisset
  • Acteurs : Klaus Kinski, Margaret Lee, Jean Servais, Bernard Blier, Aldo Canti, Jean Topart, Claudio Brook, Hans Meyer
  • Date de sortie: 21 Fév 1968
  • Nationalité : Français, Italien, Turc
  • Titre original : Coplan sauve sa peau
  • Titres alternatifs : Coplan Saves His Skin (titre international) / Der Teufelsgarten (Allemagne) / The Devil's Garden (UK) / El asesino tiene las horas contadas (Espagne) / Coplan ratuje swoją skórę (Pologne) / L'assassino ha le ore contate (Italie) / O Assassino Tem as Horas Contadas (Brésil)
  • Année de production : 1968
  • Scénariste(s) : Claude Veillot, Yves Boisset
  • Directeurs de la photographie : Pierre Lhomme, Alain Derobe
  • Compositeur : Jean-Claude Pelletier / Chanson : Mara/Eva, chantée par Toulaï
  • Société(s) de production : Comptoir Français du Film, Ciné Socolo
  • Distributeur (1ère sortie) : Comptoir Français du Film Production (CFFP)
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Super Vidéo Productions (VHS) / Film Office (VHS)
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-périphérie : 614 414 entrées / 95 996 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Beaugendre
  • Crédits : StudioCanal
  • Franchise : 6ème et dernier segment de la saga Coplan au cinéma.
Note des spectateurs :

Faux Coplan, mais vrai premier film d’Yves Boisset, Coplan sauve sa peau est un eurospy plutôt original par son atmosphère quasiment fantastique et ses multiples références cinématographiques. Une œuvre étrange et bis à (re)découvrir.

Synopsis : À Istanbul, Francis Coplan répond à l’appel d’une femme qu’il a connue jadis, Mara. Mais le soir de leur rencontre, elle est assassinée et jetée dans le Bosphore. La sœur de Mara, Eva, met Coplan sur la piste de ce crime et de ce qu’il cache : un château médiéval, perdu en plein désert, renferme un savant fou qui a décidé de pulvériser la planète pour la sauver du mal et lui rendre sa pureté originelle.

Comment Stark devient Coplan ?

Critique : L’histoire de la conception de Coplan sauve sa peau (1968) qui est à la fois le dernier épisode de la saga mettant en scène cet espion et le premier film réalisé par Yves Boisset est pour le moins tortueuse. Comme le rappelle le réalisateur dans ses mémoires La vie est un choix (Plon, 2017) :

Robert de Nesle était un personnage pittoresque […] Comme c’était la mode à l’époque, il finançait ses films à la chaîne avec des coproductions italiennes de la même farine. […] La règle du jeu était simple. Il s’agissait de tourner en Turquie un petit film d’action dans la limite des fonds que ses associés locaux souhaitaient exfiltrer du territoire. Pour le reste, il me laissait pratiquement carte blanche en ce qui concernait l’écriture et la réalisation du film.

Yves Boisset, qui n’a été jusque-là qu’assistant, en profite donc pour écrire un script original avec son complice Claude Veillot, intitulé Les jardins du diable. Son but était bien entendu de livrer à la fois un petit film d’espionnage typique de la vague de l’eurospy depuis le triomphe des aventures de James Bond, tout en en profitant pour rendre hommage à plusieurs films qui ont marqué sa jeunesse de cinéphile. Ainsi, il donne à son héros le nom de Stark (en référence au personnage de Lee Marvin dans Le point de non-retour de John Boorman) et entraîne celui-ci dans une intrigue folle qui débouche sur un ersatz des Chasses du comte Zaroff (Pichel, Schoedsack, 1932). D’autres références plus pointues sont également disséminées tout au long d’un long-métrage au propos qui flirte sans cesse avec le fantastique et la bande dessinée.

Un film indépendant rattaché in extremis à la saga Coplan

Si le tournage a été émaillé de quelques épisodes truculents – dont quelques ennuis avec les autorités locales à cause de l’exhibitionnisme de Klaus Kinski – et de difficultés liées à des températures extrêmes, l’épreuve du feu fut plutôt satisfaisante pour Yves Boisset. Il faut dire qu’il dispose d’un casting plutôt correct avec les participations flamboyantes de Margaret Lee, Bernard Blier, Jean Servais, Hans Meyer et Kinski, donc. La douche froide est intervenue lors du retour à Paris lorsque Robert de Nesle a estimé que le film était invendable en l’état. Dès lors, le producteur a décidé de rattacher le long-métrage à la saga Coplan dont il détenait les droits d’adaptation.

Désormais titré Coplan sauve sa peau, Les jardins du diable est postsynchronisé de façon à changer le nom de Stark en celui de Coplan. Enfin, Robert de Nesle déniche le seul livre de la saga Coplan qui se déroule en Turquie et intitulé Coplan paie le cercueil. Il déclare qu’il s’agit d’une adaptation du roman, ce qui n’est aucunement le cas. Finalement, ce sixième épisode de Coplan est donc un simple coup commercial de la part d’un producteur prêt à tout pour mieux vendre son produit.

Un pur film d’exploitation, généreux en idées farfelues

N’entretenant donc aucun rapport avec les autres films de la saga – de toute façon très disparate – Coplan sauve sa peau se présente surtout sous la forme d’un pur film d’exploitation où l’on sent qu’Yves Boisset se fait plaisir pour recycler des recettes vieilles comme le monde. Tout d’abord, il optimise les magnifiques paysages turcs, aussi bien les rives du Bosphore que le désert proche du Krak des Chevaliers, à l’aide de plans cadrés avec soin. Certes, son intrigue est quelque peu alambiquée et propose même des digressions étonnantes qui peuvent plonger le spectateur dans une certaine perplexité, mais l’ensemble se veut justement fantaisiste et cet humour au second degré fonctionne plutôt bien.

Loin de chercher le réalisme, Boisset chausse les pas des feuilletonnistes et des magazines pulp américains pour livrer un produit fun, avec quelques jolies pointes de sadisme (les meurtres parfois assez graphiques) et de perversité (plusieurs références à l’inceste, notamment).

Une dernière partie à la lisière du cinéma fantastique

Alors que la première partie s’inscrit pleinement dans le style de l’eurospy de l’époque, avec ses meurtres et courses-poursuites dans Istanbul, c’est surtout la dernière demi-heure qui interpelle le cinéphile et le fan de cinéma bis. Faisant fi de toute forme de crédibilité, Coplan sauve sa peau part en vrille et décrit un univers fantasmatique à base de forteresse médiévale, de chasse à l’homme dans les décors naturels imposants de la Turquie désertique et de vamps qui peuvent s’avérer létales. On a même le droit à une meurtrière en bikini blanc qui évoque forcément  James Bond contre Dr. No de Terence Young.

Passablement absurde, l’ensemble est toujours divertissant pour peu qu’on laisse son esprit cartésien au vestiaire et que la fantaisie cinématographique devienne la seule référence. Dans le rôle principal, Claudio Brook (un habitué des films de Luis Buñuel) assure plutôt bien, tandis que les seconds rôles sont tous bien campés dans un style archétypal. On apprécie par exemple le méchant incarné par Hans Meyer, très bondien, là encore.

Coplan sauve sa peau, mais pas son argent

Finalement, on se moque que le projet initial ne soit pas réellement rattaché à la saga Coplan puisque le résultat est globalement amusant et fun. Bien entendu, Yves Boisset ne fut guère satisfait du traitement réservé à son premier film qu’il souhaitait ambitieux et se trouvait rattaché à une saga populaire globalement médiocre. Cela a toutefois permis d’attirer quelques spectateurs dans les salles lors de sa sortie au mois de février 1968.

Toutefois, lors de sa semaine d’investiture parisienne, Coplan sauve sa peau n’entre qu’en 13ème position avec seulement 17 566 spectateurs. Effectivement, en 1968, la surabondance de produits du même style commence à lasser le grand public et le sous-genre marque le pas. Le film se maintient bien la deuxième semaine, mais perd rapidement des entrées ensuite. Il termine à Paris sous la barre symbolique des 100 000 (95 996 entrées). La province est toujours plus favorable à ce type de divertissements, mais le long-métrage échoue quand même autour de 614 414 entrées, ce qui en fait le film de la saga Coplan le moins lucratif.

Le dernier vrai faux épisode d’une saga à bout de course

De quoi expliquer la fin de la saga sur ce vrai faux épisode pourtant loin d’être désagréable pour peu que l’on aime le cinéma bis des années 60. Il faudra ensuite attendre la fin des années 80 pour qu’une série télévisée voie le jour avec ce héros créé par Paul Kenny (en réalité, un duo d’auteurs belges nommés Jean Libert et Gaston Vandenpanhuyse).

Loin d’être déshonorant, ce tout premier film étrange a permis à Yves Boisset de rencontrer d’autres producteurs et de passer à la vitesse supérieure avec son film suivant, Cran d’arrêt (1970).

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 21 février 1968

Voir le film en VOD

Coplan sauve sa peau, l'affiche

© 1968 StudioCanal / Affiche : Beaugendre. Tous droits réservés.

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