Body Puzzle représente à lui tout seul le déclin du cinéma de genre italien de la fin des années 80 avec esthétique télévisuelle et acteurs en mode encéphalogramme plat. Heureusement, quelques fulgurances viennent égayer le spectacle.
Synopsis : Une jeune veuve est terrorisée par un serial-killer qui semble particulièrement bien connaître ses habitudes. Pendant ce temps, les meurtres se multiplient. Les enquêteurs s’aperçoivent que le mystérieux tueur ampute ses victimes de nombreux organes…
Body Puzzle, un thriller sexy pas très folichon
Critique : Toujours comparé à son père, le grand Mario Bava, Lamberto Bava n’a certes jamais eu le talent visuel de son géniteur, mais il faut mettre à sa décharge le fait qu’il s’est lancé dans la réalisation au moment du déclin de l’industrie cinématographique italienne. Complice de Dario Argento sur le diptyque Démons, Lamberto Bava a progressivement dû abandonner le cinéma pour se consacrer à la télévision. L’un de ses derniers efforts fut un Body Puzzle dégoupillé en 1992, alors que le thriller sexy commençait à devenir une valeur sûre aux Etats-Unis et dans le reste du monde occidental, notamment avec le triomphe de Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992).
Les auteurs reprennent ici des figures classiques du giallo, mais contreviennent à une règle fondamentale du genre en dévoilant l’identité du tueur dès les premières minutes. Une fausse bonne idée qui rend le film original de prime abord, mais qui tend à rendre l’enquête un brin routinière. Toutefois, le cinéaste est suffisamment habile pour distiller une ambiance trouble mettant le spectateur sur la piste d’un éventuel twist qui aura effectivement lieu en toute fin de parcours.
Comme un air de téléfilm…
Certes, le réalisateur s’inspire clairement de la réalisation de Dario Argento lorsque la caméra évolue au sein d’une maison gigantesque – on est en plein Ténèbres à plusieurs reprises – il ne parvient jamais à se hisser au niveau du maître, plombé par une esthétique télévisuelle qui allait contaminer l’ensemble du cinéma italien des années 90. Bien sûr, Bava a également en tête l’excellent Body Double de Brian De Palma, mais là encore il ne lui arrive en rien à la cheville.
© 1992 P.A.C. Produzioni Atlas Consorziate S.R.L. . Tous droits réservés.
Si l’enquête traine un peu la patte, elle est parsemée de quelques fulgurances qui raviront les amateurs de cinéma bis rital. La plupart des meurtres sont imaginatifs et surtout bien pervers, la palme revenant à celui de l’institutrice assassinée devant une classe entière de gamins de huit ans, tous atteints de cécité. La confrontation directe entre l’innocence à l’état pur et la violence la plus brutale donne lieu à une scène marquante et hallucinante comme seul le bis transalpin savait en fournir.
Quelques meurtres épicés viennent réveiller le spectateur
On aime également le meurtre dans les toilettes publiques et celui dans la piscine. Peu importe ici la crédibilité de ces échafaudages savants puisque ce qui compte pour le spectateur est bien la mise en scène d’une mort programmée d’avance. Il est aidé ici par un score synthétique plutôt correct de Carlo Maria Cordio, le tout agrémenté par un extrait d’Une nuit sur le mont Chauve de Moussorgski qu’écoute le tueur à chacun de ses méfaits. Efficacité garantie, même si Lamberto Bava avait initialement sélectionné le Carmina Burana de Orff, avant de devoir retirer ce morceau des copies existantes à cause d’un obscur problème de droits.
Malheureusement, entre ces passages épicés, l’intrigue peine à passionner, d’autant qu’elle apparaît rapidement hautement improbable. Autre point noir, l’interprétation est bien loin d’être fulgurante. Joanna Pacula trimballe son physique avantageux et mystérieux sans avoir l’air d’y croire tout à fait. Mais le pire vient de Tomas Arana qui n’a absolument pas les épaules pour porter un rôle aussi important sur ses seules épaules. Même d’anciennes gloires du cinéma d’exploitation comme Gianni Garko ou encore Erika Blanc ne semblent pas particulièrement impliqués dans leurs personnages.
L’agonie du cinéma d’exploitation italien
Il faut dire que Lamberto Bava n’a jamais été un grand directeur d’acteurs et cela éclate à l’écran à chaque seconde de ce Body Puzzle, véritable chant du cygne d’un genre autrefois pourtant si fécond. Ni totalement désastreux, ni pleinement satisfaisant, le métrage souffre de toutes les tares d’un cinéma italien de genre alors à l’agonie, mais conserve un certain charme pour tous ceux qui adorent cette cinématographie aux audaces narratives et thématiques précieuses.
Après un passage rapide en salles en Italie où il a subi une lourde interdiction aux moins de 18 ans, le film n’a eu qu’une exploitation limitée en Allemagne et en Espagne, tandis que le site Encyclociné indique une incursion dans les salles françaises de province sans que l’on puisse l’attester avec certitude. Dans tous les cas, Body Puzzle demeure aujourd’hui un parfait représentant de cette cinématographie bis italienne qui était tout bonnement moribonde.
Devenu rare depuis sa première exploitation française en VHS, Body Puzzle est désormais proposé en blu-ray couplé avec Delirium dans une copie inégale par Carlotta Films.
Critique de Virgile Dumez
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Biographies +
Lamberto Bava, Tomas Arana, Gianni Garko, Erika Blanc, Giovanni Lombardo Radice (John Morghen), Sebastiano Lo Monaco, Joanna Pacula, François Montagut
Mots clés
Cinéma italien, Giallo, Films d’horreur des années 90, Les tueurs fous au cinéma, La folie au cinéma, La violence faite aux femmes