Delirium de Lamberto Bava est un giallo tardif d’un cinéaste en perte de vitesse. Le divertissement inscrit dans son époque est agréable pour peu que l’on apprécie se replonger dans le cinéma de genre italien pomponné et flashy de l’époque Berlusconi.
Synopsis : Gloria, ancienne mannequin et dirigeante d’un magazine pour homme, reçoit les photos des cadavres défigurés de ses employés, prises devant les clichés de ses propres portraits.
Critique : 1987. C’est la fin pour Lamberto Bava – cinéaste.
L’industrie cinématographique italienne est amorphe, anéantie par l’avènement de la télévision de Berlusconi. Plus rien de bon n’émerge des salles que les Italiens fuient désormais après avoir été à la tête de la plus puissante cinématographie d’Europe pendant des décennies.
Pour le cinéma de genre horrifique dont Lamberto Bava était l’un des habiles représentants entre 1981 et 1986, avec entre autres le malsain Baiser macabre (1980), et surtout le film d’horreur et d’action diabolique Démons, l’année 1987 marque la fin de toutes ses prétentions de cinéaste.
Son film Delirium a bénéficié d’un budget convenable et fait suite à Démons 2 en 1986 qui n’a pas été un mauvais bougre sur un plan commercial. Loin de là ! Il était même sorti un peu partout dans le monde et se vendra en VHS, DVD et Blu-ray pendant des décennies. Mais Delirium, alias Le foto du Gioia en version originale, connaît pour sa part une carrière express dans les cinémas italiens, au mois d’avril 1987, et aura bien du mal à connaître, sur les autres marchés, une existence autre qu’en VHS ou à la télévision (comme en France, sous le titre de Sentences de mort). Le fils de Mario Bava ne s’en remettra pas et n’officiera plus, par la suite, que dans le giron de la télévision, avec de nombreux téléfilms sympathiques comme Graveyard Disturbance, Until Death, The Ogre et Dinner With a Vampire, diffusés chez nous sur La Cinq, sous les titres de L’Antichambre de l’enfer, L’Auberge de la vengeance, La Maison de l’ogre et Le Château de Yurek. De délicieux souvenirs.
Delirium de Lamberto Bava, photo d’exploitation © 1986 Filmes International S.R.L., Danial Film S.R.L., Medusa Distribuzione S.R., National Cinematografica S.R.L. Tous droits réservés
Delirium est un pur raté d’époque, très sympathique au demeurant pour ceux qui apprécient macérer dans les marais approximatifs des thrillers à bimbos d’une époque à l’esthétique pub, aussi léchée que le genre qu’il mettait en scène : le thriller violent et érotique.
Slasher ou délire de vengeance avec quelques hallucinations visuelles qui offrent de beaux moments, le thriller Delirium s’empare de la photographie comme d’une arme létale au sein d’une rédaction de charme tenue par une femme armée d’une poitrine démesurée. Ce n’est pas de Sabrina Salerno, la chanteuse de Boys Boys Boys, dont on parle (celle-ci apparaît sublimement lors d’une scène de meurtre qui ne manque pas de miel), mais de la diva Serena Grandi, pur produit du terroir rital, dont la plastique avait fait le succès de Miranda du cinéaste cochon Tinto Brass (1985). Si elle vient d’apparaître dans la comédie chorale de Sergio Corbucci, Rimini Rimini en février 1987, entre Miranda et Delirium, ses apparitions déshabillées, dans des thrillers pervers, ne lui ont pas permis de retrouver toute l’attention qu’elle recherchait. Pour elle, l’occasion de tourner avec un cinéaste plus bankable, au cinéma, comme Lamberto Bava, va donc s’avérer décevante tant ses caprices sur le plateau et sa mauvaise entente avec le réalisateur, donne à l’écran un caractère téléfilmesque à l’ensemble. Avec son visage de soap opera aussi artificiel que superficiel (elle évoque énormément Victoria Principal, la Pamela du feuilleton Dallas, mais en version Playboy), la jeune femme semble moins intéressée par l’intrigue que par sa plastique poseuse qui ne sera pas suffisante pour faire accourir les spectateurs qui ne sont pas en mal de sexe débridé, avec la démultiplication de la pornographie en VHS ou sur les chaînes payantes.
Delirium de Lamberto Bava, photo d’exploitation 2 © 1986 Filmes International S.R.L., Danial Film S.R.L., Medusa Distribuzione S.R., National Cinematografica S.R.L. Tous droits réservés
En France, la VHS de Le foto du Gioia paraît sous son titre international de Delirium, en 1987, avec l’estampille Festival Avoriaz en vidéo et la caution de Lionel Chouchan, chez l’éditeur vidéo Sergio Gobbi. D’autres grands cinéastes italiens comme Lucio Fulci avec son Murder Rock ou Umberto Lenzi avec La maison du cauchemar y avaient atterri également, sans y trouver grande gloire.
Mais le film de Bava méritait-il mieux? Pas vraiment. Pour son retour au thriller après La maison de la terreur et Midnight Horror, Lamberto Bava peinait à filmer juste et à insuffler du rythme à son produit légèrement grotesque et forcément racoleur. On ne lui en voudra pas, avec le recul de plusieurs décennies qui nourrissent une forme de tendresse malsaine pour les péchés d’hier que l’on ne considère plus comme capitaux dans l’œuvre d’un auteur dont on n’attend plus rien.
Avec son script brouillon et sa musique emblématique de son époque, Delirium n’est pas un mauvais bougre, mais un plaisir coupable pour les bisseux d’un sous-genre que l’éditeur Carlotta, en 2024, a décidé de remettre au goût du jour, avec la parution d’un double blu-ray, comprenant également, un autre Bava mineur, des années 90 cette fois-ci, Body Puzzle, avec Joanna Pacula (Gorky Park, The Kiss). On peut se laisser tenter. Evidemment. Mais en connaissance de cause.
Delirium de Lamberto Bava en VHS, en France, chez Sergio Gobbi Vidéo © 1986 Filmes International S.R.L., Danial Film S.R.L., Medusa Distribuzione S.R., National Cinematografica S.R.L. Tous droits réservés – Design visuel : L’Etoile Graphique
Le test blu-ray de Delirium (Carlotta, 2024)
Compléments & packaging : 3.5 / 5
Le packaging proposé par Carlotta est superbe. Historiquement, dès l’affiche italienne au cinéma et en VHS, les visuels de Delirium ont toujours été foireux et les éditions blu-ray étrangères l’ont confirmé par la suite. Aussi, pour la première fois, le film de Lamberto Bava, qui était devenu rare en France, bénéficie d’un somptueux packgaging, désigné par L’Etoile Graphique. Cela lui confère un aspect collector très appréciable, alors que deux films du cinéastes y sont représentés, puisque figure également dans le lot le plus inégal Body Puzzle.
On sera beaucoup moins élogieux concernant la discussion entre les deux auteurs de l’ouvrage Lamberto Bava, conteur né (Éditions Carlotta, 2024). L’exercice poseur de 22 minutes est insipide, dépourvu d’informations, on n’apprend rien sur le film alors qu’il s’agit de deux spécialistes du cinéaste. Forcément très décevant tant peu de suppléments existent en France sur ce sympathique Lamberto Bava. Bref, cela ne donne pas envie de découvrir leur ouvrage dont pourtant on avait très envie.
© 1986 Filmes International S.R.L., Danial Film S.R.L., Medusa Distribuzione S.R., National Cinematografica S.R.L. Tous droits réservés – Design visuel : L’Etoile Graphique
L’image : 4.5 / 5
Très belle définition HD, le transfert est nettement supérieur à celui des éditions étrangères des années 2010. Ici, la haute-définition regorge de qualités qui confèrent à la projection un réel caractère cinématographique que l’on ne connaissait pas au métrage. La précision du master permet de mieux appréhender la mise en scène et l’espace, et l’on profite énormément des couleurs et éclairages qui dynamisent le visionnage.
Le son : 4 / 5
Tourné en Dolby Stéréo dans les années 80 et non en Mono, contrairement à bien des films de genre de l’époque, Sentences de mort jouit de pistes audio subtilement upgradées en DTS HD Master Audio. Evidemment, la bande-son détonne, avec Simon Boswell aux commandes d’une musique datée et kitsch, mais efficace.
Le film a été visionné en version italienne. Une VF et une version anglaise accompagnent celle-ci.
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Giallo, Les tueurs fous au cinéma
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