Comédie politique plutôt bien écrite, Bernadette repose sur l’interprétation magistrale de la grande Catherine Deneuve qui nous rejoue la partition de Potiche pour notre plus grand plaisir. Amusant.
Synopsis : Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours oeuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche en devenant une figure médiatique incontournable.
Bernadette, un faux biopic orienté vers l’humour
Critique : Fille du journaliste Nicolas Domenach qui fut un spécialiste de Jacques Chirac, la réalisatrice et documentariste Léa Domenach était apparemment toute désignée pour s’emparer de la vie de Bernadette Chirac, même si celle-ci n’en partage pas forcément le point de vue politique. C’est après avoir découvert le documentaire Bernadette Chirac, mémoire d’une femme libre d’Anne Barrère que la réalisatrice s’est penchée sur la vie de l’ancienne première dame. Effectivement, elle a apprécié son franc parler, ainsi que son sens de l’humour, tranchant avec l’image d’austérité qu’elle pouvait avoir d’elle.
Dès lors, elle a choisi d’écrire un biopic qui serait avant tout une comédie politique reprenant les grands événements de la présidence Chirac en les détournant par un humour savamment dosé, entre caricature et satire. Ainsi est né le projet Bernadette (2023) qui, honnêtement, ne nous séduisait pas particulièrement puisque nous n’avons jamais apprécié les membres du clan Chirac et tout ce que représente cette manière de concevoir la politique.
De l’incompétence notoire en politique
Pourtant, Léa Domenach se tire plutôt bien de cet exercice difficile puisqu’elle a trouvé un angle d’attaque assez juste et que le ton adopté est sans cesse amusant. Ainsi, elle n’épargne pas la Chiraquie qui en prend fortement pour son grade. Lorsqu’elle décrit l’entourage politique de Jacques Chirac, elle ne cesse de clamer l’incompétence de tous ces hommes de pouvoir gonflés de leur propre importance. Elle assassine donc littéralement l’ancien président, mais aussi Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy à travers des saynètes souvent drôles qui jouent notamment sur le manque de clairvoyance vis-à-vis du peuple et de son évolution.
Photo : Laurent Champoussin © Karé Productions, Warner Bros Pictures
En contrepartie, les auteures tentent de démontrer un sens politique plus affuté chez celle qui fut longtemps reléguée au rang de potiche. Avalant des couleuvres à cause des nombreuses infidélités de son président de mari, Bernadette Chirac est présentée comme une femme attachée aux traditions et d’une rigueur totale, au point d’être dure et autoritaire avec le petit personnel. Là où le film devient bel et bien une comédie, c’est lorsque cette femme peu aimable et impopulaire commence à travailler son image au point d’acquérir une popularité plus grande que celle de son époux. Cette revanche d’une femme sans cesse rabaissée s’avère souvent drôle et pertinente grâce à un grand respect des événements historiques.
Bernadette ou la revanche d’une “potiche”
Mais surtout, le point fort de Bernadette vient assurément de la contribution de la grande Catherine Deneuve qui nous rejoue la partition féministe de Potiche (François Ozon, 2010) avec la même énergie et le même aplomb. Réalisé de manière classique, mais avec un grand soin dans les éclairages, les costumes et les décors, Bernadette vaut surtout le coup d’œil pour la facétie de son actrice principale, d’autant qu’elle est épaulée par des acteurs souvent savoureux. Michel Vuillermoz ose la caricature en incarnant un Jacques Chirac aussi opportuniste qu’odieux envers son épouse. On aime également Denis Podalydès, un maladroit conseiller en communication qui va devenir le complice de cette femme acariâtre mais dont on peut comprendre le caractère, sans l’excuser totalement pour autant.
Suivant le procédé de Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994), Léa Domenach a réussi à incruster de manière convaincante ses acteurs au sein d’archives réelles issues du catalogue de l’INA pour davantage de véracité. Plus politique qu’il n’y paraît de prime abord, le film intéressera donc forcément ceux qui aiment pénétrer dans la coulisse, tout en sachant qu’une grande part de liberté a été consentie ici afin de ne pas risquer de procès de la part de la famille Chirac qui n’a pas été consultée pour ce projet. Cette liberté de ton fait tout le prix de cette comédie politique souvent drôle et au regard affuté.
Une sortie portée par la grande Catherine Deneuve
Sorti au début du mois d’octobre 2023 la même semaine que Le règne animal (Thomas Cailley), Bernadette a attiré 267 041 spectatrices sur ses sept premiers jours. Il s’agit d’un début correct, mais loin d’être mémorable. Heureusement, le long métrage n’a coûté que 6 200 000 euros. En deuxième semaine, la chute est assez importante (avec 182 928 retardataires), mais cela est compensé par une troisième septaine plutôt stable (165 925 féministes de plus). Ainsi, la comédie a dépassé les 600 000 tickets en une vingtaine de jours, preuve d’un bouche à oreille plutôt correct. Au bout d’un mois, le métrage franchit les 700 000 tickets, mais chute à nouveau violemment durant les semaines suivantes.
Affichant 802 359 entrées à son compteur, Bernadette confirme l’aspect clivant de son protagoniste principal qui ne pouvait guère espérer fédérer au-delà de ce seuil. Il fallait bien toute la puissance de frappe de Catherine Deneuve pour faire de ce premier film une petite réussite. On notera que le film a obtenu une nomination aux César en 2024 parmi les meilleurs premières œuvres. Toutefois, la statuette a été attribuée à Chien de la casse (Jean-Baptiste Durand), métrage bien plus valeureux et original.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 4 octobre 2023
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Affiche : Rysk – Photo : Laurent Champoussin © Karé Productions, Warner Bros Pictures
Biographies +
Léa Domenach, Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Maud Wyler, Sara Giraudeau, Michel Vuillermoz, Laurent Stocker, Lionel Abelanski, Artus
Mots clés
Cinéma français, Biopic, La politique au cinéma, La revanche des femmes au cinéma, César 2024