Chien de la casse est la chronique douce-amère d’une amitié virile et rurale, servie par une bande de jeunes comédiens que l’on n’est pas près d’oublier.
Synopsis : Dog et Mirales, deux amis d’enfance vivent dans un petit village du sud de la France. Ils passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog jusqu’à en faire son souffre-douleur. Mais cet été-là, Dog rencontre Elsa avec laquelle il vit une histoire d’amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir et trouver sa place…
Chien de la casse, trio atavique en Occitanie
Critique : Derrière ce titre énigmatique (Chien de la casse est une expression argotique apparue au milieu du XXe siècle pour désigner un chien de garde féroce et bagarreur qui vit dans un univers de terrains vagues) se cache un film à la fois violent et sensible.
Ayant grandi dans un petit village de l’arrière-pays sétois, le réalisateur, choisit pour son premier long-métrage, un sujet qu’il connaît bien : celui de l’ennui qui ronge la jeunesse de ces campagnes oubliées, de ces rapports très particuliers que la vie dans l’espace restreint d’un village engendre, à mi-chemin entre fraternité violente et fidélité maladroite.
Miralès (Raphaël Quenard) et Dog (Anthony Bajon) se sont rencontrés à l’école. Est ainsi née une amitié pas forcément choisie, juste parce que l’on prend l’habitude de traîner ensemble, de jouer au foot, de boire des coups ou de fumer du shit. Bref, de tuer le temps dans ces contrées un peu abandonnées où il ne se passe pas grand-chose. Miralès, qui porte beau, qui parle beaucoup et semble à l’aise en toutes circonstances a eu tôt fait de prendre l’ascendant sur son copain Dog, un gentil taiseux à l’air renfrogné qui ne sait pas se protéger de l’arrogance et même de la violence de celui qu’il considère comme son grand frère. C’est pourtant lui qui va séduire Elsa, une jeune étudiante rennaise, venue se mettre au vert financièrement dans la maison de sa tante. Un élément perturbateur qui va les révéler l’un à l’autre, d’autant que la jeune femme ne manque ni de charisme, ni de détermination.
Un premier film fort d’une psychologie tempétueuse
Plongeant ses héros au cœur d’une ambiance ambigüe, le réalisateur colle sa caméra au plus près de leurs visages et multiplie les plans frontaux, pour les maintenir dans le cadre et permettre au spectateur de s’imprégner de leur nature intrinsèque.
Notre chef de gang arrogant cache un être cultivé. Il lit beaucoup, capable de citer Baudelaire ou Dostoïevski. Il admire sa mère, certes névrosée mais peintre de talent. Enfin, il apporte régulièrement quelques-unes de ses pâtisseries faites maison à une voisine âgée qui l’a initié à la musique et qui continue de le régaler de ces gammes classiques. Sous ses airs de voyou à la gueule d’ange se dévoile peu à peu un garçon solitaire et sensible qui peine à trouver sa place dans le monde. A l’inverse, Dog est un garçon simple (dans le meilleur sens du terme) qui attend son incorporation dans l’armée pour s’extirper de son village et sait profiter, sans se poser de questions, des petits bonheurs (comme sa rencontre avec Elsa) que lui offre la vie.
Raphaël Quenard explose à l’écran
La mise en scène âpre et sans concession met en exergue ces contrastes habilement entretenus qui habillent d’une intéressante profondeur ces personnages dotés du cette magie à être toujours là où on ne les attend pas. Entre réalité et grandiloquence, des dialogues vifs toujours teintés d’humour déroulent une histoire complexe mais passionnante où s’affrontent brutalité et poésie, tandis que le lyrisme de la musique égrène quelques notes de douceur. Mais la plus belle surprise de ce premier long-métrage reste la présence de Raphaël Quenard. Après quelques apparitions dans des séries et plus récemment dans quelques long-métrages (Fumer fait tousser, La cour des Miracles, Novembre), il trouve ici un premier grand rôle à la mesure de son talent. Tantôt détestable, tantôt touchant, tantôt gouailleur, tantôt érudit, il livre une prestation impressionnante par son jeu tout en nuances et son insatiable bagou. S’il crève l’écran, il a l’élégance de ne pas étouffer ses camarades de jeu (Galatéa Bellugi et Anthony Bajon) qui, tout en s’adaptant à sa cadence, tirent allégrement leur épingle du jeu.
Du sang neuf pour donner un coup de fouet à notre cinéma parfois en manque d’imagination, Chien de la casse est une nouvelle réjouissante.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 19 avril 2023
Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand, affiche du film (2023) © Benjamin Seznec / Troïka d’après une photo de Camille Sonally. © 2023 Insolence Productions. Tous droits réservés / All rights reserved
Biographies +
Jean-Baptiste Durand, Anthony Bajon, Raphaël Quenard, Galatea Bellugi, Bernard Blancan, Dominique Reymond