Amère victoire : la critique du film (1957)

Drame, Film de guerre | 1h42min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche d'Amère victoire de Nicholas Ray

  • Réalisateur : Nicholas Ray
  • Acteurs : Richard Burton, Christopher Lee, Raymond Pellegrin, Curd Jürgens, Nigel Green, Ruth Roman
  • Date de sortie: 20 Nov 1957
  • Année de production : 1957
  • Nationalité : Français, Américain
  • Titre original : Bitter Victory
  • Titres alternatifs : Bitter war der Sieg (Allemagne) / Bitter seger (Suède) / Victoria amarga (Espagne) / Cruel Vitória (Portugal) / Gorzkie zwycięstwo (Pologne) / Bitter seier (Norvège) / Vittoria amara (Italie) / Katkera voitto (Finlande) / Bitter sejr (Danemark) / Amargo Triunfo (Brésil)
  • Casting : Richard Burton, Curd Jürgens, Ruth Roman, Raymond Pellegrin, Anthony Bushell, Alfred Burke, Sean Kelly, Ramón de Larrocha, Christopher Lee, Ronan O'Casey, Fred Matter, Raoul Delfosse, Andrew Crawford, Nigel Green, Harry Landis, Christian Melsen, Sumner Williams, Joé Davray
  • Scénaristes : René Hardy, Nicholas Ray, Gavin Lambert, Vladimir Pozner, Paul Gallico
  • D'après : le roman éponyme de René Hardy
  • Monteuse : Léonide Azar
  • Directeur de la photographie : Michel Kelber
  • Compositeur : Maurice Leroux (ou Maurice Le Roux)
  • Chef Maquilleur : René Daudin
  • Chef décorateur : Jean d'Eaubonne
  • Directeur artistique : Jean d'Eaubonne
  • Producteurs : Paul Graetz
  • Producteurs exécutifs : Robert Laffont, Janine Graetz
  • Sociétés de production : Columbia Pictures, Transcontinental Films, Robert Laffont Productions
  • Distributeur : Columbia France
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Sidonis Calysta (DVD et blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 26 septembre 2017
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 2 049 605 entrées / 394 505 entrées
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Noir et blanc / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Venise 1957 : en compétition
  • Nominations :
  • Récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © Georges Kerfyser (affiche) ; Dark Star (jaquette blu-ray). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Columbia Pictures Industries Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Faux film de guerre, Amère victoire offre une réflexion sombre sur une humanité confrontée à sa propre finitude, mais aussi à sa médiocrité. Le résultat, certes un peu inégal, est à réévaluer d’urgence au cœur de l’œuvre de Nicholas Ray.

Synopsis : 1943, l’état-major britannique en Libye envoie un commando s’emparer de documents militaires allemands. A sa tête, le major David Brand, militaire de carrière sans vraiment l’expérience du combat, secondé par la capitaine Leith, archéologue de profession. Les deux hommes, de tempéraments opposés et amoureux de la même femme, se connaissent mais ne s’estiment guère. Le trajet de retour sera long et périlleux.

Amère victoire, un roman polémique à succès

Critique : Publié en 1955, Amère victoire est un roman de l’ancien résistant René Hardy qui a fait beaucoup de bruit en France à cause de la personnalité très controversée de son auteur. Effectivement, le romancier a été accusé à plusieurs reprises d’être à l’origine de l’arrestation de Jean Moulin durant la Seconde Guerre mondiale. Après deux procès retentissants qui se sont achevés par un double acquittement, le doute subsiste quant à son implication dans cette affaire. D’ailleurs, Amère victoire peut se lire également sous le prisme de la culpabilité ou au contraire de l’héroïsme, en fonction du personnage que l’on étudie.

En tout cas, face au succès de librairie, le producteur Paul Graetz achète les droits d’adaptation du bouquin pour le grand écran. Il se met assez rapidement en contact avec le cinéaste Nicholas Ray qui, justement, émet le désir de s’échapper d’Hollywood et trouve le roman passionnant. Dès lors, le travail sur le scénario peut commencer avec Gavin Lambert, puis des script doctors comme Vladimir Pozner et Paul Gallico. Effectivement, la refonte de l’œuvre littéraire n’est pas évidente, d’autant que Paul Graetz s’est engagé auprès de René Hardy sur le fait que son roman serait respecté à la lettre.

Des relations compliquées entre le réalisateur et son producteur

Ainsi, dès le départ, des tensions apparaissent entre Nicholas Ray et son producteur, d’autant que ce dernier lui tend un sale coup en établissant seul le casting du film. Initialement choisi pour jouer le major Brand, Richard Burton se retrouve dans le rôle du capitaine Leith, tandis que Brand est incarné par Curd Jürgens. Une incongruité quand on sait que le major Brand est décrit comme un pur Britannique dans le roman et que le comédien est germanique. La pirouette sera de faire de lui un Anglais venu d’Afrique du Sud afin d’expliquer son accent. Pour compléter le trio, Paul Graetz sélectionne l’Américaine Ruth Roman pour interpréter une Anglaise bon teint. Et tout le casting est à l’avenant, avec par exemple, un Raymond Pellegrin engagé pour jouer un Arabe.

Furieux, Nicholas Ray est contraint de composer avec ces impératifs, d’autant qu’il obtient tout de même de tourner dans le désert de Libye, une exigence qui n’allait pas forcément de soi à une époque où bon nombre de longs métrages étaient encore réalisés entièrement en studio. La différence saute d’ailleurs aux yeux dès que le commando aborde les portes du désert, avec des images splendides magnifiées par le Cinémascope.

Nicholas Ray, entre alcoolisme et démon de la drogue

Mais ce lieu de tournage original possède aussi de nombreuses contraintes. Les prises de vues d’Amère victoire deviennent vite un enfer pour l’intégralité de l’équipe, d’autant que les relations entre Ray et son producteur ne s’améliorent aucunement. Déjà tenté par le démon de l’alcoolisme depuis plusieurs années, Nicholas Ray sombre en même temps dans la drogue qui circule assez librement dans la Libye de la fin des années 50. En mauvais point, le réalisateur est souvent surpris en train de dormir pendant la journée de tournage, ce qui n’augure à priori rien de bon.

Amère victoire, jaquette blu-ray

© 1957 Columbia Pictures Industries Inc. / Design jaquette : Dark Star. Tous droits réservés.

Pourtant, un petit miracle se produit finalement lorsque l’on redécouvre ce faux film de guerre de nos jours. Loin d’être une énième épopée héroïque comme on en tournait au kilomètre durant cette décennie, Amère victoire porte merveilleusement bien son titre. Il s’agit en réalité d’un duel psychologique et idéologique entre deux hommes que tout oppose alors qu’ils doivent mener une mission dangereuse à son terme.

Une première demi-heure qui pose brillamment les bases du drame à venir

D’un côté, Curd Jürgens incarne un haut gradé qui est resté confiné dans un bureau durant toute la guerre et qui va s’apercevoir une fois sur le terrain qu’il est un lâche. De l’autre, le jeune capitaine joué avec beaucoup d’intelligence par Richard Burton est un homme d’action dont le bras ne faiblit pas. Entre les deux hommes se dresse également une femme (Ruth Roman, correcte sans faire d’étincelles) qui est la femme du gradé, mais aussi l’ex-petite amie du capitaine.

Si le long métrage commence de manière classique en racontant les préparatifs de la mission commando, il pose aussi de manière très habile les bases de ce triangle amoureux qui refuse de dire son nom. Tout ici passe par des regards entendus, sans que le dialogue ne soit trop explicite. La maestria visuelle de Nicholas Ray se retrouve également lors de la scène d’action située à Benghazi, d’une belle efficacité et d’une parfaite lisibilité pour le spectateur. Mais la mission est terminée en moins d’une demi-heure de projection et Amère victoire suit donc la fuite du commando au cœur du désert libyen durant une heure entière. Quelques passages semblent ici moins réussis que d’autres, mais le cinéaste insiste énormément sur les moments en creux qui permettent de faire ressentir le poids de la guerre sur les hommes.

Une vision sombre et sans concession de l’héroïsme

Dans Amère victoire, il n’est jamais facile de tuer un homme et aucune action n’est véritablement héroïsée. En gros, pour Nicholas Ray, la guerre est sale et globalement inutile. Cela se ressent d’autant plus que la musique composée par Maurice Le Roux étonne par ses tonalités sombres, tandis que les envolées guerrières relèvent d’une musique plus heurtée et contemporaine. Le résultat souligne encore un peu plus la noirceur du propos.

Lors du retour à la base, celui qui ne mérite absolument pas les honneurs peut épingler une belle médaille à sa boutonnière, tandis que ses hommes le considèrent avec mépris et qu’il a finalement tout perdu dans cette mission qui devait être le couronnement de sa carrière militaire. Le constat est troublant et parfaitement maîtrisé par un cinéaste qui était encore au sommet de sa création, malgré ses errements personnels. Ainsi, dans Amère victoire, on reconnaît volontiers l’immense talent de l’auteur des Amants de la nuit (1947), de Johnny Guitare (1954), de l’inoubliable La fureur de vivre (1955) et de Derrière le miroir (1956).

Outre une sensibilité à fleur de peau, Amère victoire transcende le genre du film de guerre pour livrer une réflexion quasiment métaphysique sur la place de l’homme dans le monde, ainsi que sur la relativité des normes sociales.

Box-office parisien et français d’Amère victoire

Sorti à Paris en grande pompe à partir du 20 novembre 1957 après une présentation en compétition officielle au Festival de Venise 1957, Amère victoire se hisse dès sa première semaine au top du box-office de la capitale avec 67 295 entrées, preuve de la grande notoriété du livre. La semaine suivante, le film de guerre séduit 41 845 retardataires et passe en deuxième position derrière Une manche et la belle d’Henri Verneuil avec Mylène Demongeot. Après cette première exposition, le métrage finira par cumuler 394 505 entrées à Paris.

Diffusé dans quelques villes de province dès sa semaine de sortie parisienne, Amère victoire se hisse à la quinzième place du box-office national avec 105 803 combattants. Grâce à une diffusion provinciale plus large, le métrage grimpe jusqu’à la cinquième place du box-office et cumule plus de 200 000 entrées en quinze jours. Début décembre, il progresse encore avec une quatrième position remarquable et près de 150 000 spectateurs supplémentaires en une seule septaine.

Une carrière sur la durée

A l’approche de Noël, Amère victoire franchit la barre des 500 000 mercenaires. A partir du mois de janvier 1958, le film va commencer son tour des villages de France où il continue à cartonner et rapidement tutoyer les 700 000 clients. Fin janvier, le distributeur Columbia relance la carrière du film qui s’élance à nouveau vers les sommets en étant 8ème national. Décidément indéboulonnable, le film de guerre passionne encore les Français et dépasse le million de spectateurs à la mi-février 1958.

Au terme d’une très longue exploitation, Amère victoire a réussi à cumuler 2 049 605 entrées pour se situer à la 39ème marche de l’année 1957. Une belle performance au vu d’une œuvre pas forcément facile d’accès et qui pouvait éconduire le grand public par sa complexité psychologique, loin des blockbusters hollywoodiens formatés.

Par la suite, le métrage est longtemps tombé dans l’oubli avant d’être plus récemment réévalué, comme bon nombre de films de son auteur. Sa sortie en blu-ray chez l’éditeur Sidonis Calysta en 2017 lui a offert un bel écrin grâce à une copie impeccable et des interventions pertinentes de Patrick Brion et Bertrand Tavernier.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 novembre 1957

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Affiche d'Amère victoire de Nicholas Ray

© 1957 Columbia Pictures Industries Inc. / Affiche : Georges Kerfyser. Tous droits réservés.

Biographies +

Nicholas Ray, Richard Burton, Christopher Lee, Raymond Pellegrin, Curd Jürgens, Nigel Green, Ruth Roman

Mots clés

Cinéma français, Cinéma américain, L’Afrique au cinéma, Le désert au cinéma, La Seconde Guerre mondiale au cinéma, Les commandos au cinéma

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Affiche d'Amère victoire de Nicholas Ray

Bande-annonce d'Amère victoire (VO)

Drame, Film de guerre

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