Le cinéaste Jesús Franco est né à Madrid en 1930. Alors que le régime de Franco s’installe durablement en Espagne, le jeune Jesús apprend le piano au sein du prestigieux conservatoire de Madrid. C’est d’ailleurs en tant que compositeur qu’il aborde la carrière cinématographique en 1954. Il réalise ensuite de nombreux courts pour des entreprises, avant de devenir assistant réalisateur, notamment pour Orson Welles ou encore Nicholas Ray lorsque ceux-ci tournent en Espagne.
Un cinéaste féru de spectacles populaires
Puis, le jeune homme passe le cap de la réalisation d’un long-métrage en 1959 intitulé Tenemos 18 años. Il se spécialise très rapidement dans le cinéma de genre, et notamment le film horrifique. Grâce à des coproductions, souvent tournées en dehors d’Espagne pour éviter les foudres de la censure franquiste, le réalisateur enchaîne les tournages à une vitesse folle.
Il connaît quelques gros succès dès le début des années 60, créant notamment la figure culte du docteur Orlof (L’horrible docteur Orlof en 1961), largement inspiré par le film de Franju Les yeux sans visage. Durant les années 60, il tourne plusieurs films à caractère populaire, voire feuilletonesque, parmi lesquels on peut citer Le diabolique docteur Z (1965), Cartes sur table (1965), Opération Re Mida (1967) et deux films mettant en scène Fu Manchu.
La folie des années 70 : entre sexe, provocations et tournages frénétiques
Jesús Franco succombe également au vampirisme, alors très à la mode, à travers un nombre conséquent de films reprenant les figures classiques du genre, et les assaisonnant de scènes épicées. Autre influence majeure, Sade lui fournit la matière à des œuvres érotiques parfois très sulfureuses (Eugénie en 1970).
A partir de la fin des années 60, Jesús Franco choisit de filmer plus vite que son ombre. Son système lui permet de tourner jusqu’à trois films en même temps, souvent avec les mêmes équipes de fidèles. Malgré une profusion de titres médiocres, le cinéaste est capable de belles fulgurances. Parmi ses réussites, on peut citer Necronomicon (1967), Venus in Furs (1969), Les inassouvies (1969), Crimes dans l’extase (1970), Une vierge chez les morts-vivants (1971), Les démons (1972), Le miroir obscène (1973), La comtesse perverse (1973) et Les possédées du diable (1974).
Franco ou la filmographie impossible
Pour le compte de compagnies fauchées comme Le Comptoir Français du Film ou la mythique Eurociné, il signe des films de plus en plus érotiques, voire pornographiques, au cours des licencieuses années 70. D’une filmographie difficile à établir, on notera la récurrence des thèmes du vampirisme, des orgies saphiques, du sadisme et des femmes incarcérées.
Grâce à sa muse Lina Romay, le cinéaste a tout osé, y compris le ridicule dans des séries Z indignes de son talent initial. La qualité va déclinant au cours des années 70, même si la plupart de ses films ont fait l’objet de sorties en VHS. Mon propre père a ainsi contribué à l’exploitation de son catalogue en éditant un WIP en VHS. Ainsi, Prison de femmes est devenu Les diamants de l’enfer sous la houlette de Las Vegas Vidéo.
Une tentative de retour dans les années 80
En 1983, Jesús Franco sacrifie même à la mode du mort vivant avec le déplorable Abîme des morts vivants. Il revient sur le devant de la scène avec Les prédateurs de la nuit (1988), production René Chateau menée par Brigitte Lahaie et Helmut Berger pour un grand moment de cinéma bis. Il essuie un autre échec avec le film de guerre La chute des aigles (1988). Par contre, il effectue un montage tout à fait pertinent des chutes du Don Quichotte d’Orson Welles et reçoit des louanges de la critique en 1992.
Sauvé de l’oubli par des fans hardcore
Ensuite, il éprouve davantage de difficultés pour tourner au cours des années 90, mais retrouve un semblant d’activité grâce à l’apport financier de fans. Franco tourne jusqu’en 2012 sous divers pseudos des bandes destinées à la vidéo, alternant l’horreur et le X avec un constant amour du travail vite fait. Même si une grande partie de son œuvre reste en réalité à découvrir, Jesús Franco restera dans les mémoires des bisseux du monde entier pour la générosité d’une filmographie entièrement consacrée au cinéma d’exploitation.
Le 2 avril 2013 Jesús Franco s’éteint à l’âge de 82 ans, laissant orpheline toute la communauté des cinéphiles déviants.