Les infortunes de la vertu (de Sade) : critique du film et test blu-ray (1970)

Comédie dramatique, Érotique | 2h03min
Note de la rédaction :
5/10
5
Les infortunes de la vertu de Sade, affiche du film de Jess Franco

  • Réalisateur : Jesús Franco
  • Acteurs : Klaus Kinski, Jack Palance, Maria Rohm, Akim Tamiroff, Rosalba Neri, Howard Vernon, Sylva Koscina, José Manuel Martín, Jesús Franco, Mercedes McCambridge, Rosemary Dexter, Romina Power
  • Date de sortie: 04 Mar 1970
  • Nationalité : Américain, Italien, Allemand
  • Titre original : Marquis de Sade : Justine
  • Titres alternatifs : Justine de Sade (titre Alpha France) / Justine ou les infortunes de la vertu (titre français TV et vidéo) / Marquis de Sade's Justine (USA) / Justine and Juliet (UK) / Dulce Justine (Espagne) / Justine ovvero le disavventure della virtù (Italie) / Santuário Mortal (Brésil)
  • Année de production : 1969
  • Scénariste(s) : Harry Alan Towers, Arpad DeRiso, Erich Kronte d'après l'œuvre du Marquis de Sade
  • Directeur de la photographie : Manuel Merino
  • Compositeur : Bruno Nicolai
  • Société(s) de production : Etablissement Sargon, Corona Filmproduktion, Aica Cinematografica S.R.L, American International Pictures (AIP)
  • Distributeur : Les Films Jacques Leitienne
  • Distributeur (reprise) : Alpha France
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : FFCM Vidéo (VHS) / Opening (DVD, 2005) / Artus Films (DVD et blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 1er avril 2005 / 17 mai 2022
  • Box-office France / Paris Périphérie : 450 092 entrées / 95 405 entrées
  • Budget : 150 000 $
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans à sa sortie / 16 ans aujourd’hui
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Loris (affiche 1970) / Benjamin Mazure (jaquette Artus)
  • Crédits : Artus Films
Note des spectateurs :

Sade aurait-il trempé sa plume dans de l’eau bénite ou Les infortunes de la vertu de Jesús Franco est-elle une vision édulcorée du divin marquis ? La deuxième option est malheureusement la bonne.

Synopsis : À la fin du XVIIIe siècle, dans sa cellule, le marquis de Sade se remémore les souvenirs de Juliette et Justine. Les deux sœurs inséparables, après la mort de leur mère et la ruine de leur père, ont grandi dans un couvent. Après l’avoir quitté, elles se rendent à Paris, se faisant engager dans un bordel. Tandis que Juliette s’y sent très à l’aise, Justine préfère fuir et suivre un chemin plus vertueux. Mais elle apprendra que la vertu ne lui sourit guère…

La production la plus coûteuse de la carrière de Jess Franco

Critique : Projet étonnant que Les infortunes de la vertu (1969) basé sur une fausse bonne idée, à savoir la vulgarisation pour un large public de l’œuvre du divin marquis. Incongrue, l’idée même fait frémir, surtout lorsque l’on sait que l’opération est menée par le producteur Harry Alan Towers qui s’est débrouillé pour réunir un budget conséquent, partagé entre trois nations différentes et se payer un casting luxueux incluant Klaus Kinski, Jack Palance, Sylva Koscina et bien d’autres dans le but d’adapter l’une des œuvres les plus sulfureuses de la littérature française.

Justine de Sade, affiche Alpha France

© 1969 Etablissement Sargon – Corona Filmproduktion – Aica Cinematografica S.R.L – American International Pictures (AIP) / Affiche : Loris. Tous droits réservés.

Certes, la censure commence à se relâcher en cette fin des années 60, mais il paraissait impossible de traduire en images la noirceur de l’écrivain sans bouleverser tous les tabous de l’époque. Pourtant, l’idée de confier la réalisation à Jesús Franco était plutôt bonne puisque le réalisateur a toujours montré une inclination naturelle au sadisme. Mais que faire quand tant d’argent est en jeu ?

Sade est-il soluble dans l’eau bénite ?

Toute la contradiction du long-métrage vient de l’impossibilité de créer une œuvre grand public – et donc rentable – à partir des écrits de Sade. A moins de trahir ceux-ci dans les grandes largeurs, ce que les auteurs du présent film n’ont eu de cesse de faire en transformant le propos de l’écrivain, en édulcorant chaque passage jusqu’à l’extrême et en ajoutant in fine une morale chrétienne totalement hors sujet, mais imposée par les coproducteurs américains.

Pourtant, cela démarre plutôt bien avec une première séquence hallucinante où Jésus Franco, sous l’influence de substances qu’on imagine hallucinogènes, se livre à d’incroyables expériences formelles. Le cinéaste filme Klaus Kinski en pleine crise de folie à l’aide de plans flous, décadrés et de zooms hystériques. On se dit alors que le cinéaste va s’adonner à son péché mignon, à savoir l’expérimentation (parfois pour le meilleur, mais pas toujours).

Des acteurs en roue libre et une héroïne fade

Las ! Après ce début tonitruant, Franco compose son image avec soin, joue avec les lumières et met en valeur décors et costumes, oubliant trop souvent de raconter une histoire ou de diriger ses acteurs, la plupart du temps en roue libre. Là où l’on s’attend à un drame bien pervers visant à salir l’innocence chrétienne, le cinéaste se roule dans la fange d’une comédie roublarde et pesante. Les acteurs roulent des yeux, modifient leur démarche pour accentuer un peu plus la caricature et partent dans des dialogues parfois improvisés, souvent incohérents. La palme revenant à un Jack Palance totalement lâché dans la nature.

Jaquette de Justine de Sade, Jess Franco en DVD

Copyright : Flower Holdings – Euro Ciné Paris

Le casting féminin est également peu convaincant, mais la fadeur de Romina Power ne peut être reprochée à Jesús Franco puisque celui-ci ne la voulait pas dans le rôle principal. La plupart ne sont là que pour être effeuillées, de manière bien chaste d’ailleurs. Finalement, le film apparaît aujourd’hui comme étonnamment sage, et même assez ennuyeux. Signalons toutefois que cette critique se base sur la version la plus longue (de plus de deux heures), alors que la plus courante n’est que de 90 minutes. Cette version longue est également celle du blu-ray Artus.

Un beau livre d’images, trop sage par rapport à son sujet

Etirant au-delà du raisonnable certaines séquences inutiles, mais passant trop rapidement sur des éléments fondamentaux de l’intrigue, le montage des Infortunes de la vertu est pour beaucoup dans l’échec du long-métrage. Cette grosse production – la plus luxueuse de toute la carrière du cinéaste espagnol – a le mérite de prouver que Jésus Franco n’est vraiment pas à l’aise dès qu’il s’agit de faire des concessions et que ses meilleurs travaux sont plutôt à chercher du côté des petites productions indépendantes bricolées avec deux ou trois bouts de ficelles.

Ici, l’auteur habitué aux œuvres sulfureuses défiant la censure ne livre qu’un produit joliment emballé et visuellement chatoyant, sorte de version affadie du plus illustre écrivain de l’ignominie. C’est donc une déception à la mesure de l’attente générée. D’ailleurs, Franco s’étant senti entravé dans ses volontés n’a eu de cesse de retrouver le divin marquis au sein de productions plus modestes, mais finalement bien plus fidèles, au moins dans l’esprit à l’écrivain sulfureux.

Sorti au cinéma en France en mars 1970 sous le titre Les infortunes de la vertu, le long-métrage a obtenu un certain succès en cumulant sur l’ensemble de la France 450 092 petits voyeurs. Dans la capitale, sa carrière s’est étalée sur une dizaine de semaines, cumulant en fin de parcours 95 405 curieux. Par la suite, le film a été retitré Justine ou les infortunes de la vertu lors de son exploitation vidéo. Titre repris aujourd’hui par l’éditeur Artus Films.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 4 mars 1970

Acheter le DVD / blu-ray du film sur le site de l’éditeur

Les infortunes de la vertu de Sade, affiche du film de Jess Franco

© 1969 Etablissement Sargon – Corona Filmproduktion – Aica Cinematografica S.R.L – American International Pictures (AIP) / Affiche : Loris. Tous droits réservés.

Biographies +

Klaus Kinski, Jack Palance, Maria Rohm, Akim Tamiroff, Rosalba Neri, Howard Vernon, Sylva Koscina, José Manuel Martín, Jesús Franco, Mercedes McCambridge, Rosemary Dexter, Romina Power

Le test du blu-ray :

Une édition visuellement puissante du film le plus cher tourné par Jesús Franco.

Compléments & packaging : 3,5 / 5

Comme les autres titres de la collection Franco, le film possède un joli fourreau qui permet de découvrir un digipack contenant les deux disques (DVD et blu-ray) avec comme illustration les affiches italienne et allemande du film. C’est simple, mais fort joli.

Au niveau des suppléments vidéo, c’est la déception qui l’emporte avec un unique entretien avec Stéphane du Mesnildot qui ne propose pas beaucoup d’informations sur la conception houleuse du film. Il oublie d’évoquer les compromis effectués par Franco pour pouvoir terminer le film sous peine d’être remercié par les coproducteurs américains et se livre plutôt à une défense acharnée du long-métrage. Outre le fait qu’on n’est pas nécessairement aussi enthousiaste que lui, il n’apporte pas grand-chose au cinéphile durant la vingtaine de minutes de son intervention. Reste à consulter un diaporama avec des affiches étrangères du film et des photographies d’exploitation et quelques bandes annonces de la collection.

L’image du blu-ray : 5 / 5

C’est assurément le gros point fort de cette édition puisque l’image proposée par l’éditeur a bien été restaurée en 2K avec une luminosité assez impressionnante, des couleurs chatoyantes et même resplendissantes, ainsi qu’une précision chirurgicale des images qui font honneur au support blu-ray. Il faut dire que la photographie de Manuel Merino est de toute beauté.

Le son du blu-ray : 4 / 5

Deux pistes sonores sont proposées ici avec une version anglaise dont le mixage LPCM 2.0. mono s’avère très efficace et respectueux de la musique emphatique de Bruno Nicolai. La version française est un peu plus en retrait, même si on notera un doublage tout à fait convaincant.

Test blu-ray de Virgile Dumez

Les infortunes de la vertu, jaquette blu-ray

© 2022 Artus Films. Conception graphique : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

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Les infortunes de la vertu de Sade, affiche du film de Jess Franco

Bande-annonce de Les infortunes de la vertu (VF)

Comédie dramatique, Érotique

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