Drame historique un peu trop classique, Le trône de feu est un Jesús Franco soigné, mais quelque peu ennuyeux, uniquement sauvé de la banalité par quelques dérapages bis.
Synopsis : Sous le règne éphémère de Jacques II, le Royaume-Uni est en pleine ébullition politique. Pour mater les rebelles menaçants, le Roi demande au juge George Jeffreys de capturer et de condamner, de façon sanglante, tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à des opposants. Les procès sont donc expédiés et, sous des prétextes futiles et fictifs comme la sorcellerie, de nombreuses personnes sont torturées et exécutées. Ainsi, l’inoffensive Alicia Gray est soumise à la “question”, puis mise à mort, dans le cadre de ces “Assises Sanglantes”. Jeffreys va ensuite s’intéresser à la sœur de la jeune femme, Marie Gray, par ailleurs fiancée avec Harry Selton, rebelle et fils du comte de Wessex…
Jesús Franco embrasse le film de chasse aux sorcières
Critique : A la fin des années 60, le succès de plusieurs films centrés sur des chasses aux sorcières lance une véritable mode. Parmi eux, on compte notamment Le grand inquisiteur (Reeves, 1968) ou encore La marque du diable (Armstrong, 1970). Le producteur opportuniste Harry Alan Towers ne pouvait pas passer à côté de cette nouvelle manne et commande ainsi un script à des scénaristes maison intitulé Le trône de feu (1970).
© 2022 Artus Films. Tous droits réservés.
Devenu un habitué de la maison de production Towers of London, le cinéaste Jesús Franco est approché pour mettre en boîte cette production historique qui se veut prestigieuse, avec un budget plutôt conséquent et une star à son casting, à savoir Christopher Lee. Ce dernier a d’ailleurs déjà tourné sous la direction de l’Espagnol dans deux films mettant en scène le personnage de Fu Manchu et dans Les nuits de Dracula (1970).
Une réalisation académique qui confine à l’ennui
Si le long-métrage se présente initialement comme un pur film de chasse aux sorcières avec la condamnation au bûcher de la belle Margaret Lee, la suite de l’œuvre se conforme davantage à un classique drame historique basé sur des événements réels, et notamment les troubles liés à la Glorieuse Révolution qui a vu le renversement du roi Jacques II d’Angleterre par Guillaume III d’Orange en 1689. Toutefois, ce vernis historique largement mis en avant par le réalisateur n’est guère passionnant car, malgré une séquence de bataille qui tranche fortement avec le cinéma habituel de Jesús Franco, le contexte politique n’est qu’effleuré du doigt. Il est ainsi difficile de comprendre quoi que ce soit aux réels enjeux politiques de la période en visionnant ce film.
Il faut dire que malgré des moyens conséquents, Jesús Franco n’optimise jamais le budget octroyé et livre une réalisation d’un classicisme qui confine parfois à l’académisme. Peu de mouvements de caméras, même lors de l’unique séquence de bataille rangée qui n’est ainsi en rien impressionnante. L’ennui se propage assez rapidement devant la multiplication de tunnels dialogués qui n’ont guère d’intérêt et encore moins de pertinence sur le plan purement historique. Il faut dire qu’hormis Christopher Lee et Leo Genn, deux vraies pointures, les acteurs sont dans l’ensemble peu concernés par ce qu’ils sont en train d’interpréter. Les personnages sont ainsi grossièrement définis par un script que l’on sent peu approfondi.
© 1970 Fénix Cooperativa Cinematográfica – Prodimex Film – Terra-Filmkunst – Towers of London Productions. Tous droits réservés.
Quelques dérapages bis permettent de rester éveillé
Finalement, les seuls moments qui semblent avoir intéressé Jesús Franco sont les quelques passages qui se vautrent avec délectation dans le pur cinéma d’exploitation. Là, le cinéaste semble reprendre plaisir à filmer. Il tourne ainsi quelques efficaces séquences de torture sur des donzelles déshabillées, mais aussi deux ou trois petites scènes à forte valeur érotique, dont une de lesbianisme qui annonce son cinéma futur des années 70. Même si ces moments semblent déplacés dans le contexte sérieux du long-métrage, cela permet de réveiller un spectateur passablement assoupi devant tant de langueur.
Finalement, Le trône de feu (1970) est sans aucun doute le film le plus cohérent de Franco, avec de beaux costumes, des éclairages réussis et des décors luxueux, mais qui est gagné par une terrible torpeur. En réalité, le classicisme ne s’accordait aucunement avec la personnalité volcanique du réalisateur.
© 1970 Fénix Cooperativa Cinematográfica – Prodimex Film – Terra-Filmkunst – Towers of London Productions. Tous droits réservés.
Un film qui existe en différentes versions
Le métrage n’a d’ailleurs pas bénéficié d’une sortie à Paris et s’est contenté d’une courte carrière dans le sud de la France où il a amassé 20 169 entrées. Par la suite, l’éditeur American Vidéo l’a sorti en VHS. On notera aussi la présence sur notre territoire d’un DVD édité au début des années 2010 sous le titre Bloody Judge, le juge sanglant. Le drame historique rejoint la collection Jess Franco d’Artus avec la parution d’un combo DVD / blu-ray au mois de mai 2022.
Comme très souvent avec les œuvres de Jesús Franco, il existe des différences entre les montages présents dans les différents pays. Selon Alain Petit dans son ouvrage sur Jess Franco, le montage français est étrangement l’un des plus timides en matière d’érotisme, le plus profus étant le montage germanique.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 juin 1973
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Jesús Franco, Christopher Lee, Leo Genn, Margaret Lee, Peter Martell, Maria Schell, Maria Rohm, Diana Lorys, Hans Hass Jr.