Démarcation de la saga Ilsa, Greta, le pénitencier des femmes perverses est un WIP outrancier qui amusera tous les amateurs de films d’exploitation orduriers. A voir exclusivement en version française pour profiter de dialogues épicés.
Synopsis : Dans un pays d’Amérique Latine, la doctoresse Greta soigne les perversions sexuelles et les nymphomanes. Cupide et sadique, elle viole et torture les jeunes filles et en profite pour tourner des snuff movies qu’elle revend dans un marché parallèle. Mais une patiente, Rosa, s’échappe et prévient le docteur Arcos en parlant de mauvais traitement. Ramenée, l’évadée est ensuite assassinée. La sœur de Rosa, Abigael, décide d’enquêter et s’introduit dans la clinique.
Greta, comme un air d’Ilsa…
Critique : La filmographie pléthorique de Jesús Franco peut facilement être découpée en tranches, en fonction des producteurs qui ont bien voulu l’engager. Ainsi, au milieu des années 70, alors que sa carrière est au plus bas, le réalisateur espagnol signe un contrat le liant au producteur suisse Erwin C. Dietrich et sa société Elite Film. Ainsi, de 1975 à 1977, Jess Franco a multiplié les œuvres de commande destinées à satisfaire les exigences de son producteur spécialisé dans le cinéma d’exploitation. Après tout, les budgets ne sont pas faméliques et l’esprit mal tourné de Franco s’y retrouve.
Greta, le pénitencier des femmes perverses (1977) a donc été réalisé en même temps que plusieurs autres films qui succombent au plaisir du Women In Prison, genre bis s’il en est. Toutefois, un élément tranche avec les autres segment de ce corpus, à savoir la présence au générique de la sculpturale Dyanne Thorne dans un rôle assez similaire à celui qu’elle tenait dans sa saga culte des Ilsa.
Une palanquée de titres alternatifs, à en perdre son latin
Pour mémoire, l’actrice à la poitrine imposante venait effectivement de triompher avec Ilsa, la louve des SS (Edmonds, 1975) et sa suite Ilsa, gardienne du harem (Edmonds, 1976). En embauchant l’actrice, Erwin C. Dietrich voulait donc exploiter sa soudaine popularité en lui faisant incarner Greta, une autre gardienne perverse. Toutefois, pour bien distinguer ce personnage du précédent, Dyanne Thorne orne une perruque rousse. Cela n’a aucunement empêché certains distributeurs et éditeurs de changer le titre original Greta – Haus ohne Männer en un plus lucratif Ilsa, ultimes perversions (chez Assaut Vidéo en France).
En réalité, il y a bien une différence majeure entre ce Greta et la saga culte d’Ilsa, puisque Jess Franco n’est pas un amateur de cinéma gore et qu’il oriente donc son WIP vers l’érotisme et le sadisme sexuel, au grand dam de Dyanne Thorne qui semble avoir regretté cette intrusion dans l’univers de l’Espagnol déviant, si l’on en croit plusieurs entretiens.
Des outrances que l’on ne peut pas prendre au sérieux
Pourtant, on a connu pire au sein de l’œuvre pléthorique de Jesús Franco que ce Greta plutôt sympathique à suivre pour peu que l’on regarde l’ensemble avec l’œil amusé et malicieux du bisseux. N’oubliant pas les passages obligés du genre – les séquences de douche, les sévices corporels, les attouchements saphiques – Franco se régale également en signant des scènes outrancières qui ravissent l’amateur d’étrangetés cinématographiques. On se souviendra notamment d’une séance d’acuponcture particulière, mais aussi l’usage d’électrochocs. Enfin, lorsque les prisonnières finissent par se révolter contre leur tortionnaire, la séquence finale donne lieu à un grand moment de gore qui vient estomaquer le spectateur après un spectacle plutôt tiède dans ce domaine.
Bien entendu, Greta, le pénitencier des femmes perverses – à ne pas confondre avec Le pénitencier des femmes/Quartier disciplinaire pour femmes de Brunello Rondi (1974), doit impérativement être visionné en version française puisque les doubleuses et doubleurs s’en sont donnés à cœur joie dans le trash et la vulgarité gratuite. Cela participe totalement à l’aspect jouissif d’un spectacle déviant que l’on ne peut jamais prendre au sérieux. Il s’agit donc ici de rire à gorge déployée devant tant d’outrances et non de disserter sur le petit message politique déployé par Franco. Effectivement, l’auteur en profite pour dénoncer le fascisme qui minait à l’époque les pays d’Amérique latine, avec le consentement tacite des Etats-Unis. Mais la teneur même de son film vient contredire son propos et le décrédibiliser.
Des actrices très impliquées
Dans ce pur film d’exploitation, on saluera l’implication de toutes les actrices dont l’impressionnante Dyanne Thorne qui s’en alla tourner un dernier Ilsa (Ilsa, la tigresse du goulag, LaFleur, 1977), avant de progressivement disparaître de la circulation. Dans le rôle d’une prisonnière perverse, Lina Romay est toujours aussi peu farouche devant la caméra de son conjoint Jess Franco qui s’est octroyé le rôle d’un docteur révolutionnaire. Enfin, on signalera la bonne prestation de Tania Busselier dans le rôle de la jeune femme qui vient enquêter sur cette institution très particulière.
Inédit dans les salles françaises, Greta est sorti directement en VHS sur notre territoire sous les titres de Greta, le pénitencier des femmes perverses et aussi sous l’attribution mensongère d’Ilsa, ultimes perversions. Quant au titre souvent indiqué de Greta, la tortionnaire de Wrede, il s’agit de la dénomination belge, devenue avec le temps un titre français alternatif, notamment sur les plateformes de diffusion hexagonales.
Critique de Virgile Dumez
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Biographies +
Dyanne Thorne, Jesús Franco, Lina Romay, Tania Busselier, Eric Falk
Mots clés
Women In Prison, Nanar, La dictature au cinéma, La torture au cinéma, Cinéma érotique