Déplorable de bout en bout, Deux espionnes avec un petit slip à fleurs est une comédie sexy sur fond de traite des blanches catastrophique. Pas le meilleur film de son auteur, loin de là.
Synopsis : Une traite de blanches est organisée pour de riches clients. Le sénateur Connoly propose la mission à Cécile et Brigitte en échange de leur libération de prison. Sous de faux noms, elles se font engager dans un cabaret pour débuter leurs investigations.
Une énième production fauchée d’Eurociné
Critique : Après une petite pause de quelques années, le cinéaste Jesús Franco retrouve sa muse Lina Romay (ici sous le pseudonyme de Line Castel ou de Candy Coster en fonction des versions) pour une petite production Eurociné montée conjointement avec l’Espagne et le Portugal. Le but de Deux espionnes avec un petit slip à fleurs (1978) était de retrouver l’esprit léger et pétillant de la comédie policière Opération lèvres rouges (1960) en suivant les pas de deux héroïnes dans le démantèlement d’un réseau de traite des blanches. Déjà assez peu inspiré sur le film des années 60, Jesús Franco semble se moquer comme d’une guigne du divertissement qu’il est censé mettre en boite.
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Tourné en grande partie aux îles Canaries, Deux espionnes avec un petit slip à fleurs ne risque pas de réconcilier Franco et ses détracteurs puisque le long-métrage est réalisé avec une incroyable désinvolture. Non content de ne jamais se soucier de la cohérence de l’histoire qu’il est censé raconter, Jesús Franco délaisse également tout l’aspect technique, ainsi que le jeu des acteurs.
Outre des cadrages aléatoires et parfois peu compréhensibles, le cinéaste ne prend même pas la peine de faire le point et livre donc des plans flous, généralement bourrés de faux raccords. Ainsi, d’un plan à l’autre, on peut très bien passer d’un jour radieux à une pénombre embarrassante. Certaines scènes sont carrément sous-exposées, tandis que d’autres présentent un aspect esthétique complètement différent au point que l’on a parfois l’impression de regarder plusieurs films différents.
Un nanar mal réalisé et mal joué
A cela, il faut ajouter une musique jazzy composée par Daniel White, cette fois-ci sans aucune imagination, lui qui était un habitué de la musique au mètre. Et que dire de la composition déplorable de l’ensemble d’un casting mal dirigé, puis atrocement mal doublé. La pauvre Lina Romay n’est absolument pas à son avantage dans un rôle censément comique où elle n’est pas à l’aise, d’autant qu’elle se double elle-même et que son accent rend ses dialogues souvent inintelligibles.
Face à elle, les autres interprètes tentent d’occuper l’écran sans vraiment y parvenir. Le cinéaste ne nous épargne pas le cliché du personnage gay qui est représenté comme une folle, avec une voix efféminée forcée et des gestes outranciers qui ne suscitent que l’embarras. Comme il n’a rien à raconter, Jesús Franco occupe le temps en multipliant les numéros de cabaret, tous plus ringards les uns que les autres. Non seulement la musique y est atroce, mais les comédiennes se dandinent sans aucune grâce ou soupçon de sensualité. L’ennui n’est donc jamais très loin.
Deux espionnes avec un petit slip à fleurs, affiche alternative, Eurociné
Pourtant, à y regarder de plus près, Deux espionnes avec un petit slip à fleurs aurait pu être éminemment sympathique sur le papier puisque le script propose une vision contestataire de la société des années 70 sentant bon l’esprit libertaire proche de la Movida qui émerge en cette fin des années 70 dans l’Espagne postfranquiste. Franco s’en prend notamment aux puissants qui sont corrompus, tandis que les héros du long-métrage sont des prostituées, un homosexuel, un transsexuel et même une communauté hippie. Le réalisateur se range donc une fois de plus du côté des marginaux qu’il décrit avec une certaine tendresse. Malheureusement, la forme totalement désinvolte du film conduit le spectateur à se moquer de ce qui se passe sur l’écran.
Une sortie en catimini en juillet 1982
Sorti seulement quatre ans après son tournage car le film a d’abord été totalement interdit sur le territoire français en 1980, le métrage a débarqué dans les salles françaises en juillet 1982 dans un montage spécifique à notre territoire. La comédie érotique a trouvé deux écrans pour l’accueillir au Cinévog St Lazare et au Ritz. Il réalise 4 348 entrées en première semaine sur Paris, essentiellement au Ritz, et sera retiré de l’affiche à l’issue de sa deuxième semaine de programmation au Cinévog, où il attroupe 629 amateurs de productions Eurociné, pour un total de 4 977 entrées.
On notera qu’il existe une version espagnole différente intitulée Opalo de fuego avec pas moins de trente minutes de scènes alternatives. Cela peut changer profondément la donne et selon la version visionnée, il est possible de changer d’avis sur le métrage.
En France, le film est d’abord sorti en VHS sous le titre Espionnes au soleil, avant de totalement disparaître de la circulation jusqu’à sa résurrection effectuée par Artus Films qui ne propose toutefois que la version française de ce nanar très mineur.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 juillet 1982
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