D’une étrangeté assez fascinante, Shining Sex est une œuvre qui navigue sans cesse entre érotisme facile et onirisme poétique. Dommage que l’ensemble soit si fauché.
Synopsis : Après son numéro, la jeune et jolie strip-teaseuse Cynthia est invitée à finir la soirée par un couple libertin. La femme, Alpha, profite de l’ivresse de Cynthia pour lui enduire le sexe d’une substance brillante. A partir de ce moment, cette dernière est littéralement contrôlée par Alpha, qui lui ordonne d’exécuter ses moindres désirs.
Un tournage pour deux films
Critique : En 1975, Jesús Franco tourne plusieurs films pour le compte de la compagnie Eurociné des frères Lesoeur spécialisée dans le cinéma d’exploitation. Comme à son habitude, Franco dispose du budget nécessaire pour tourner un unique film, mais il se débrouille pour livrer à la fois une œuvre de commande, la comédie érotique Midnight Party, et en même temps un film plus difficile et plus artistique intitulé Shining Sex. Réalisés en même temps, avec les mêmes techniciens et les mêmes acteurs dans les mêmes lieux, les deux films s’avèrent très dissemblables par leur ton.
Autant Midnight Party est une œuvre légère, autant Shining Sex est une ode désespérée à la femme qui prend de plus en plus de place dans le cœur de Jesús Franco, à savoir l’actrice Lina Romay, pourtant toujours en couple avec Ramon Ardid (ici visible en acteur sous le nom Raymond Hardy). Le script reprend dans les deux films la même situation de départ, à savoir une strip-teaseuse qui est enlevée par des truands. Sauf que dans Shining Sex, le film évolue progressivement vers une œuvre de science-fiction complètement barrée qui ne ressemble à rien d’autre qu’elle-même.
Une première demi-heure ennuyeuse, sous le signe d’un érotisme corsé
Malheureusement, pour arriver à un début d’intrigue, il faut patienter durant une première demi-heure totalement en roue libre où le cinéaste multiplie les effeuillages de ses actrices, ainsi que les séquences érotiques, souvent saphiques, mais étonnamment explicites. L’ennui pointe donc inexorablement le bout de son nez, et ceci malgré l’emploi judicieux de décors naturels étranges (en réalité tournés dans les constructions alors modernes de La Grande-Motte). Le seul élément qui nous tient en éveil est l’utilisation d’une musique séduisante de Daniel White, ainsi que de sons étranges et bruitistes sur la bande-son. Toutefois, l’ensemble paraît bien long pour une amorce de film.
Heureusement, l’histoire contée est ensuite suffisamment structurée et cohérente (dans sa logique absurde de SF bien entendu) pour interpeller le spectateur. Le rythme est ensuite toujours aussi lent, mais la durée excessive de nombreux plans donne au film une allure d’œuvre arty qui séduit petit à petit, d’autant plus que le personnage tragique incarné avec beaucoup de présence par Lina Romay finit par émouvoir. Devenue une arme sexuelle létale aux mains d’êtres venus d’une autre dimension, elle apparaît comme une victime de sa sexualité extravertie. Certains ont d’ailleurs vu ici une anticipation des futurs ravages du sida, ce qui est tout de même assez tiré par les cheveux.
Un film très bis, mais qui bénéficie d’une ambiance particulière, entre rêve et cauchemar
Si Shining Sex souffre assurément de ses conditions de tournage avec un budget qu’on imagine rachitique, le métrage fait plutôt partie des œuvres ambitieuses de Jesús Franco, et ceci malgré un nombre trop important de scènes érotiques qui brisent le rythme général. Il faut en tout cas être clairement amoureux d’un certain cinéma bis underground et auteurisant pour apprécier cette pellicule foncièrement inégale, mais finalement séduisante. On peut notamment sourire de certains faux raccords ou encore du décalage entre la voix off et les images tournées. Ainsi, le narrateur évoque un voyage en bateau le long d’un fleuve africain mystérieux, alors qu’un panneau très visible nous montre que la séquence a été tournée en Camargue.
Ces erreurs ont contribué à diminuer la portée des films de Franco, de même que sa propension à filmer ad nauseam des scènes de sexe peu affriolantes. Pourtant, Shining Sex n’est vraiment pas dépourvu de belles fulgurances et d’une ambiance étrange qui en font une œuvre curieusement poétique et définitivement à part dans la production cinématographique mondiale.
La version salle fut amputée de 25 minutes aujourd’hui réintégrées au métrage
Sorti en France sous le titre Shining Sex, souvent accompagné de la mention La fille au sexe brillant, le métrage a glané 12 220 entrées à Paris lors de sa semaine d’investiture. Il est d’ailleurs important de signaler que le long-métrage a été charcuté de 25 minutes par les producteurs qui n’ont conservé que les scènes érotiques au détriment de la cohérence narrative. Désormais, le cinéphile pourra redécouvrir le métrage dans son intégralité grâce à l’éditeur Artus Films. Si le film paraît beaucoup plus lent, il y gagne en intérêt sur le plan artistique.
Critique de Virgile Dumez