Zig Zag Story est une comédie délirante et absurde qui confirmait le goût de Patrick Schulmann pour l’humour burlesque et déjanté. Le tout avec une liberté de ton typique de la libération sexuelle des années 70.
Synopsis : Les vies de trois Parisiens – un peintre daltonien, une animatrice de radio et un photographe pervers – s’entremêlent et échappent à tout contrôle. Lorsqu’une gamine est enlevée dans leur entourage, la police s’en mêle.
Patrick Schulmann se lance dans le burlesque et l’humour absurde
Critique : Le réalisateur Patrick Schulmann a connu un triomphe surprise dès son premier long-métrage, la comédie culte Et la tendresse ? Bordel ! (1979) qui a réuni plus de 3,3 millions de spectateurs adeptes d’un humour potache et de mauvais goût, largement porté sur le sexe. Le film devient un véritable phénomène, mais le réalisateur ne parvient pas à confirmer cet engouement avec Rendez-moi ma peau (1980) qui ne fédère que 814 224 spectateurs. Une cruelle déception qui empêche le réalisateur de revenir sur le devant de la scène pendant quelques temps.
Patrick Schulmann ne se laisse pourtant pas abattre et confirme son goût pour l’humour absurde avec son scénario suivant intitulé Zig Zag Story (1983). Il y développe encore plus qu’auparavant son goût pour le burlesque et l’humour des Marx Brothers et de Tex Avery. Cela démarre très fort avec la scène d’ouverture qui suit les catastrophes en série provoquées par une simple goutte d’eau. Ce style de gag, qui est à rapprocher de la BD, sera d’ailleurs repris par Caro et Jeunet dans leurs films des années 90 (Delicatessen et La cité des enfants perdus, notamment).
Un film aux gags outranciers qui symbolisent la libération sexuelle des années 70-80
Toutefois, Patrick Schulmann ne se contente pas de gags purement burlesques et déploie aussi un univers fortement marqué par l’influence d’Hara-Kiri et notamment du professeur Choron qu’il admirait. Dans la mouvance libertaire des années 70, Patrick Schulmann propose ainsi des gags grossiers qui montrent un goût pour la provocation. Il n’hésite pas à montrer les relations entre hommes et femmes comme étant des rapports de pouvoir.
Il ne cesse de décrire les hommes comme des dragueurs invétérés, totalement obsédés par le sexe opposé. On le voit notamment à travers le personnage incarné avec justesse par Fabrice Luchini. Par opposition, le couple formé par Diane Bellego et Christian François est un peu plus classique, même si le peintre profite du handicap de sa partenaire pour prendre l’ascendant sur elle.
Patrick Schulmann ose tout
Malgré un nombre conséquent de gags que l’on pourrait qualifier de machistes, on remarque que les femmes ont finalement souvent le dernier mot et que les rapports de domination sont en train d’évoluer. Ainsi, la présentatrice de radio a certes subi une promotion canapé, mais c’est elle qui dicte quand même ses conditions au peintre qu’elle aime. D’ailleurs, les victimes finales du long-métrage sont systématiquement les hommes.
Autre élément typiquement contestataire de l’époque, Patrick Schulmann se moque des médias qu’il dézingue habilement, mais aussi des élites – on adore le ministre qui descend à coup de fusil des ouvriers immigrés qui font trop de bruit à son goût. Enfin, les policiers sont ridiculisés à travers le personnage de Philippe Khorsand. Là encore, Patrick Schulmann introduit une trouvaille visuelle géniale en mettant en scène les pensées du flic à l’aide de phylactères, comme dans une BD. Tirant à boulets rouges sur les autorités, Zig Zag Story est donc un film en totale liberté, dont il est difficile de résumer l’intrigue puisque celle-ci se termine même sur une boucle temporelle plutôt étonnante. En cela, le long-métrage portait bien son titre lors de sa sortie en salles.
Zig Zag Story est un magma d’idées délirantes
Souvent hilarant, pullulant d’idées folles et franchement barrées – la visite de la prison par des touristes comme s’il s’agissait d’un zoo, la vengeance de la nonne qui se transforme en bombe sexuelle adepte du Kâma-Sûtra – Zig Zag Story dépasse de très loin tout ce qui se faisait à l’époque en matière de comédie en France. On peut seulement regretter un manque de soin dans l’éclairage et l’aspect franchement bis de la musique composée par Patrick Schulmann lui-même. Si l’on excepte ces quelques reproches, la comédie dingue confirme tout le bien que l’on pense d’un auteur qui n’a pas encore été reconnu à sa juste valeur par l’ensemble de la critique.
Sorti initialement sous le titre de Zig Zag Story, le film a été une grosse déception au box-office en ne récoltant que 476 336 entrées sur le territoire français. Du coup, pour sa sortie sur les territoires étrangers, les distributeurs ont opté pour le titre plus vendeur : Et la tendresse ? Bordel ! n°2. C’est également sous ce nouveau titre, qui ne correspond pourtant pas au film qui n’a rien à voir avec le premier, que le long-métrage est ressorti une seconde fois dans les salles le 25 juillet 1984. Cette tentative du distributeur AAA s’est soldée par un nouvel échec avec seulement 8 093 adeptes du rire absurde sur la capitale et sa périphérie. Enfin, c’est ce même titre racoleur qui a servi de base pour les différentes éditions vidéo, que ce soit en VHS ou en DVD. Pourtant, celui-ci n’était absolument pas validé par son auteur.
Patrick Schulmann s’est toutefois rapidement relevé de cet échec cuisant grâce à sa comédie suivante, le triomphal P.R.O.F.S. (1985), où il retrouvera une fois de plus son ami Fabrice Luchini. En tout cas, Zig Zag Story doit aujourd’hui être redécouvert pour ce qu’il est, à savoir une très bonne comédie libertaire qui ose absolument tout, avec un sens de l’absurde qui fait plaisir à voir.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 4 mai 1983
Les sorties de la semaine du 25 juillet 1984
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