Y-a-t-il un Français dans la salle ?, malgré son titre d’exploitation à la mode des pastiches américains des ZAZ, est une satire au vitriol par Mocky et Frédéric Dard qui, dans un film à budget copieux, avec une montagne de stars à la Lelouch, sans le politiquement correct, bastonne journalistes, politiques, flics et l’Eglise. Et même les nymphomanes y prennent pour leurs pensées impures…Tragique, mais rigolo dans la virulence et la truculence de ses dialogues, et le numéro impeccable de ses comédiens qui osent tout.
Synopsis : Horace Tumelat est un ancien ministre et chef d’un puissant parti politique. Un jour, son vieil oncle Eusèbe est retrouvé pendu, et une lettre compromettante susceptible de nuire à sa carrière lui est dérobée. Alors qu’il entreprend des recherches, Tumelat tombe sous le charme de Noëlle et essaie de repartir à zéro. La secrétaire du politicien, terriblement jalouse, décide de mettre son grain de sel.
Critique : Après le film fantastique minuscule passé inaperçu Litan, Mocky change son fusil d’épaule. Son nouveau long, Y-a-t-il un Français dans la salle ?, bénéficie d’un beau budget, d’une pléiade de stars, une chose nouvelle pour le cinéaste pestiféré qui va donc lisser – un peu -, les rugosités habituelles de son cinéma pour une oeuvre choral qui tient la route et qui annonce un virage plus commercial tout au long des années 80 : A mort l’arbitre, Agent trouble, Le miraculé, Une nuit à l’Assemblée Nationale… Mocky semblerait presque prendre son temps dans le filmage de toutes ces scènes, très proches du sketch, mais qui sont tellement nombreuses, qu’il faut bien un scénario et un fil conducteur, pour ne pas sombrer dans le fiasco.
“Le patronat français, je l’encule !”
Aigreur et désenchantement
La truculence de la grossièreté des dialogues vole sûrement la vedette à la trame : la vulgarité est tellement écrite et excessive, qu’on ne peut s’empêcher de sourire, puisqu’elle s’accompagne toujours d’une méchanceté désabusée… Et le flic (Stévenin), excité par le vieil âge de la dame de mettre en garde cette pauvre femme qui vit avec ses chats : “vous m’avez l’air d’une belle salope, vous, je vous ai à l’œil”. Sa culpabilité? Avoir, sans le vouloir, émoustillé ce parangon d’autorité déplacée qui abuse de tous (sa copine travelo bonne à assouvir ses désires), menace de mort ceux qui se mettraient sur son passage… Un sale bonhomme joué par un vrai bon type, Stévenin, pourtant parfaitement crédible.
Portrait d’une France subversive qui manque sacrément à l’identité du cinéma français contemporain
Mocky et Frédéric Dard dressent donc une constellation franchouillarde peu ragoutante, sorte de satire politique aux cadavres dans le placard plutôt dégoûtants, à bien garder cachés, où le personnage central est un chef de parti d’opposition qui perd son oncle et doit affronter son passé surgissant de l’ombre. Victor Lanoux, impérial, dans ce beau monde de collabo, de nympho et de coco, d’effervescence constante dans la bassesse, progresse moralement, en piégeant son épouse et en demandant le divorce pour l’innocence d’une gamine de … 17 ans (sic) au destin funeste. En 1982, Mocky et Frédéric Dard, loin de chercher la rédemption, avaient l’audace de leurs mots, de la provocation. Ils collaient à l’esprit d’une France subversive qui manque sacrément à l’identité du français contemporain.
Entre drame et polar, et comédie jubilatoire, Y-a-t-il un Français dans la salle ? appartient donc aux bons Mocky… Certains diront, à ses moins pires.
Critique : Frédéric Mignard