Une nuit à l’Assemblée nationale : la critique du film (1988)

Comédie, Satire politique | 1h28min
Note de la rédaction :
3/10
3
Une nuit à l'Assemblée nationale, l'affiche

Note des spectateurs :

Satire politique lamentable, Une nuit à l’Assemblée nationale peut être considéré comme le film de la rupture avec le public et la critique pour Jean-Pierre Mocky. Il faut dire que le navet est d’une belle ampleur.

Synopsis : Walter Arbeit accompagne son député à l’Assemblée car, naturiste ayant créé un camp, il a relancé l’activité économique de son village et a droit à une médaille. Or il s’aperçoit que la décoration est achetée. Fou de rage, il s’élance dans les couloirs, prêt au scandale, et un scandale arrangerait pas mal de politicards.

Un tournage en urgence pour profiter des élections du printemps 1988

Critique : Lorsqu’il tourne Une nuit à l’Assemblée nationale entre 1987 et 1988, Jean-Pierre Mocky a retrouvé la voie du succès. Il vient d’enchaîner plusieurs longs-métrages qui ont restauré une partie de son aura auprès du public et des critiques, notamment avec Le miraculé (1987) et Agent trouble (1987). Toutefois, comme à son habitude, Mocky écrit et tourne vite.

Trop vite sans aucun doute, à tel point que sa comédie sur le sexe Les saisons du plaisir (1988) sort sur les écrans au mois de février 1988 et que le réalisateur pouvait se vanter sur les plateaux de télévision d’avoir déjà un autre long-métrage sur la table de montage. Il s’agissait d’Une nuit à l’Assemblée nationale, tourné dans l’urgence afin de profiter de l’actualité politique d’une année marquée par l’élection présidentielle au mois de mai, suivie par les élections législatives en juin. Mocky positionne donc son prochain film en plein cœur de l’élection, entre les deux tours de scrutin, soit quatre mois seulement après le précédent, déjà pas fameux.

Une sortie compliquée pour une comédie ratée

La précipitation devenant peu à peu sa marque de fabrique, Mocky a finalement éconduit le public, les critiques, ainsi que de nombreux professionnels qui en ont eu marre de ses coups de gueule intempestifs et incontrôlables. A noter qu’à l’époque, l’Elysée s’est inquiété de l’impact négatif que pouvait avoir le film sur une opinion publique déjà passablement énervée par le personnel politique. Mocky n’a eu de cesse de clamer au sabordage de la sortie par le distributeur Bac Films avec qui il est resté fâché. D’ailleurs, rétrospectivement, on peut considérer sa fable politique comme son dernier film à avoir connu une sortie nationale digne de ce nom. Certes, des œuvres comme Ville à vendre (1992) ou Noir comme le souvenir (1995) ont eu un petit écho, mais les entrées ne suivaient plus du tout.

Film du sabordage d’une carrière jusque-là inégale, mais estimée, Une nuit à l’Assemblée nationale mérite donc d’être revu à l’aune de cette perspective. Il faut dire que Mocky prend ici le bâton pour se faire battre puisque le scénario semble avoir été écrit un soir de biture entre trois et quatre heures du matin. Cette histoire de trafic à la Légion d’Honneur est tout ce qu’il y a de plus transparente. Loin d’être féroce, la dénonciation du microcosme politique est tellement caricaturale qu’elle tombe complètement à plat. Dénoncer la corruption généralisée du personnel politique n’a effectivement plus rien d’un acte militant, tant il est évident que l’auteur enfonce des portes ouvertes.

Mocky enfonce des portes ouvertes

Pour se moquer des conservateurs royalistes, il fait porter à Jean Poiret une perruque à la Louis XVI. En communiste syndicaliste, Jacqueline Maillan n’est guère mieux lotie, elle qui harangue les ouvriers à la façon d’Arlette Laguillier, son évident modèle. Et que dire de ce pauvre Michel Blanc qui incarne un nudiste militant aussi ridicule que stupide. L’acteur, nu en permanence et sans aucun artifice pour voiler pudiquement son intimité, n’est pas mauvais, mais il n’a qu’un personnage fade à défendre. Le facho de service est interprété par un Darry Cowl en roue libre, tandis que tous les seconds rôles sont tenus par des habitués du système Mocky.

Pour une phrase amusante – car vulgaire – il faut subir des séquences qui traînent en longueur. Le spectateur ne peut pas non plus compter sur l’esthétique bâclée du film. Puisqu’il était impossible de tourner dans la véritable assemblée nationale, Mocky a dû se contenter d’un simple studio de cinéma pour quelques plans larges, le reste étant tourné devant des tentures rouges censées faire illusion. Du coup, malgré son casting de stars et un budget qu’on imagine assez conséquent, tout fait cheap dans ce consternant naufrage.

Du cinéma Z pur et dur, souvent embarrassant pour les acteurs impliqués

On ne compte plus les séquences embarrassantes comme celle où Michel Blanc et Bernadette Lafont barbotent dans une piscine, le premier juché sur un zèbre gonflable et la seconde sur un siège plus traditionnel mais affublée de vêtements hallucinants. Le cabotinage étant la règle, la séquence entière est de l’ordre du portnawak comme on pouvait parfois en trouver dans des films Z comme Mon curé chez les Thaïlandaises.

Alors qu’il s’en était déjà pris au système politique français dans le sympathique – et déjà foutraque – Y a-t-il un Français dans la salle ? (1982), Mocky a péché par excès de confiance et a livré le film de trop, le fameux faux-pas qui peut faire basculer une carrière. Bien entendu, on a vu plus nul que cette comédie foncièrement ratée et l’on peut même lui trouver un certain charme par son côté bordélique, mais le public qui paye sa place a répondu par un échec sans appel.

Le film de la rupture définitive avec le public et l’establishment

Avec à peine plus de 200 000 entrées sur toute la France, le bide a été cinglant, mais rien ne laissait encore présager la chute irrémédiable des entrées des films suivants, toujours aussi nombreux, voire même encore plus. Désormais, Mocky allait s’enfermer dans un système totalement indépendant, tournant toujours avec les mêmes acteurs dans des conditions de plus en plus précaires. Le prix de la liberté ? Sans doute.

Voir le film en VOD

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 8 juin 1988

Une nuit à l'Assemblée nationale, l'affiche

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