Une femme fidèle : la critique du film (1976)

Drame | 1h29min
Note de la rédaction :
4/10
4
Une femme fidèle, affiche

  • Réalisateur : Roger Vadim
  • Acteurs : Sylvia Kristel, Nathalie Delon, Jon Finch, Gisèle Casadesus
  • Date de sortie: 25 Août 1976
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Une femme fidèle
  • Titres alternatifs : Game of Seduction (USA, titre vidéo) / Uma Mulher Fiel (Portugal) / Wierna żona (Pologne) / Una femmina infedele (Italie) / Die getreue Frau (Allemagne) / A Mulher Fiel (Brésil)
  • Année de production : 1976
  • Scénariste(s) : Roger Vadim, Daniel Boulanger
  • Directeur de la photographie : Claude Renoir
  • Compositeur : Pierre Porte, Mort Shuman
  • Société(s) de production : Films EGE, Francos Films, Paradox Production
  • Distributeur (1ère sortie) : FFCM
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Iris Distribution (VHS) / Antartic (DVD, 2000 et 2006) / Bach Films (DVD, 2013)
  • Date de sortie vidéo : 4 juin 2013 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 273 394 entrées / 112 139 entrées
  • Budget : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : 1 nomination aux César 1977 : meilleure photographie pour Claude Renoir
  • Illustrateur / Création graphique : Michel Landi
  • Crédits : Films EGE, Francos Films, Paradox Production
Note des spectateurs :

Variation autour des Liaisons dangereuses, Une femme fidèle est une œuvre maladroite, plombée par un jeu d’acteurs passablement médiocre. Il s’agit du chant du cygne pour Roger Vadim.

Synopsis : Printemps 1826. Le Comte Charles de Lapalmmes, 34 ans, est séduisant, brillant, cultivé, mais cynique et débauché. Après trois changements de régime consécutifs, cet aristocrate a pris du recul et ses idées, pour l’époque, passent pour scandaleuses, voire anarchisantes. Charles ne croit plus ni à la politique ni à la morale. Égoïste, sa seule préoccupation dans la vie se concentre sur son plaisir personnel. Mathilde Leroy est son contraire. Épouse fidèle d’un homme fortuné, dévouée à son mari, d’une morale traditionaliste, presque rigoriste, elle vit loin des réalités du monde.

Une version non officielle des Liaisons dangereuses

Critique : Lorsque Roger Vadim aborde la réalisation d’Une femme fidèle (1976), l’essentiel de sa carrière est derrière lui. Il n’a pas connu le succès depuis la fin des années 60 et peine à trouver un second souffle. Pire, lui qui fut le découvreur de talents féminins comme Brigitte Bardot ou encore Catherine Deneuve, est désormais obligé de prendre le train en marche en proposant un rôle central à la grande star du moment, à savoir Sylvia Kristel. Celle-ci est effectivement auréolée du triomphe obtenu par le film érotique Emmanuelle (Jaeckin, 1974), ainsi que celle de ses suites. Par ailleurs, la jeune femme souhaite démontrer qu’elle peut être une bonne actrice en jouant pour des auteurs plus ambitieux comme Borowczyk (on songe à la réussite de La marge en 1976), et donc Roger Vadim.

Avec Une femme fidèle, le réalisateur ne fait pourtant pas preuve d’une folle originalité puisqu’il écrit avec son scénariste Daniel Boulanger une variation autour du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Or, Vadim avait déjà donné une version modernisée de cette œuvre en 1959 avec Gérard Philipe. Le long-métrage avait certes déplu à la presse, mais le grand public en a fait un énorme succès avec plus de 4 millions d’entrées, soit le plus gros score obtenu par le cinéaste durant l’intégralité de sa carrière. Roger Vadim cherche donc à retrouver les faveurs du public en adaptant à nouveau cette œuvre charnière du 18ème siècle, mais en modifiant les noms des personnages et en ne citant pas au générique le roman d’origine – ce qui est étonnant puisque l’on reconnaît rapidement l’intrigue imaginée par Choderlos de Laclos.

Une femme fidèle s’enlise dans des maladresses de style et une interprétation médiocre

Ainsi, le personnage de libertin incarné par Jon Finch est identique à Valmont, l’oie blanche jouée par Sylvia Kristel se réfère à Mme de Tourvel, tandis que la démoniaque Nathalie Delon n’est autre qu’une version aseptisée de Mme de Merteuil. Vadim élague énormément dans ce roman épistolaire très touffu, mais il en conserve parfois la forme, avec des pans entiers de l’intrigue qui sont liés à des lettres, ainsi que les rebondissements les plus marquants.

Malheureusement, dès le début du film, Roger Vadim échoue à caractériser correctement ses personnages. On le sent comme entravé dans sa volonté de mêler à la fois libertinage à la mode des années 70 et un sens certain du romanesque. Il accompagne ainsi toutes les premières séquences d’une musique terriblement emphatique qui ne correspond pas du tout à la pauvreté de la mise en image. Cela induit un décalage parfois assez risible. Le tout n’est pas aidé par le jeu très limité de la plupart des acteurs. Si Jon Finch s’en tire correctement – mais sans être suffisamment retors – on ne peut pas en dire autant de la pauvre Sylvia Kristel, visiblement dépassée par l’ampleur du rôle. Roger Vadim a beau lui coller de fausses larmes sur les joues, la jeune femme se révèle incapable de jouer la détresse amoureuse avec conviction.

La chair est triste, hélas…

Tourné dans un château qui pourrait aussi bien être le décor d’un film érotique soft, Une femme fidèle souffre d’une réalisation peu inspirée, même si cela s’arrange quelque peu une fois le drame noué. On reste toutefois dubitatifs devant certains choix esthétiques qui plombent l’ensemble au lieu de l’embellir. Si la publicité d’époque insistait sur la rencontre a priori à sensation entre le cinéaste de Et Dieu créa la femme (1956) et de l’actrice d’Emmanuelle, il faut reconnaître que la chair est bien triste dans Une femme fidèle. A part une scène d’amour très cliché devant un feu de cheminée et un ou deux plans de nudité (masculine comme féminine, d’ailleurs), les spectateurs venus se rincer l’œil à peu de frais ont dû repartir frustrés de ce film sur le libertinage bien peu polisson. La commission de classification avait d’ailleurs opté pour une estampille “tous publics”, dès 1976, rendant le marketing inaudible.

En fait, Roger Vadim semble surtout avoir voulu tourner une vraie histoire d’amour dramatique, mais la maladresse du long-métrage l’a fait échouer dans cette tentative pourtant louable.

Un échec commercial qui a condamné Vadim à l’anonymat

Sorti à la fin du mois d’août 1976 face à l’ultime film d’Alfred Hitchcock (Complot de famille), et Cours après moi… que je t’attrape avec Annie Girardot et Jean-Pierre Marielle, Une femme fidèle n’entre qu’à la 5ème place du box-office parisien lors de sa semaine d’investiture avec seulement 34 568 curieux. Le film se maintient pourtant la semaine suivante avec un résultat quasiment identique, mais la troisième septaine est moins valeureuse, signe d’un bouche à oreille peu concluant. Le métrage termine sa carrière parisienne à 112 139 tickets vendus. Il est notamment victime de la sortie, le 22 septembre, d’un autre long métrage avec Sylvia Kristel, La marge de Borowczyk, qui sera beaucoup plus populaire.

Une femme fidèle est à l’affiche sur Paris à l’UGC Ermitage, le Publicis Champs St-Germain, le Public Champs Elysées, le Studio Jean Cocteau, le Max Linder, le Paramount Opéra, le Liberté, le Miramar, le Paramount Orléans, les 3 Murat, le Paramount Maillot et les 3 Secrétan, à Jaurès, lors de sa première semaine.

Sur l’ensemble du territoire français, le Vadim débarque à la 10ème place la semaine de sa sortie avec 44 437 spectateurs. La chute intervient réellement lors de sa troisième semaine, mais Une femme fidèle se maintient pendant quelques temps autour des 20 000 entrées par semaine, cumulant ainsi 273 394 spectateurs en fin de carrière.

Cet échec a signé le glas de la carrière de Roger Vadim qui est ensuite passé par la case télévision et qui s’est exilé aux États-Unis où il a tourné des films qui n’ont jamais connu une exploitation d’ampleur nationale en France. Une femme fidèle constitue donc la dernière grosse sortie française de sa carrière si l’on met de côté la comédie adolescente Surprise Party, film du come-back raté en 1983.

Méconnue du public, sa rencontre avec Sylvia Kristel connaîtra une carrière vidéo frileuse, chez Iris Distribution, en VHS, et Antartic et Bach Films, en DVD. Des éditions peu marquantes.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 25 août 1976

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Une femme fidèle, affiche

© 1976 Films EGE – Francos Films – Paradox Production / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.

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