La marge : la critique du film (1976)

Drame, Erotique | 1h26min
Note de la rédaction :
7/10
7
La Marge - Film érotique de Walerian Borowczyk

  • Réalisateur : Walerian Borowczyk
  • Acteurs : Joe Dallesandro, Sylvia Kristel, André Falcon, Dominique Erlanger, Jean Lara, Dominique Marcas
  • Date de sortie: 22 Sep 1976
  • Nationalité : Français
  • Scénariste : Walerian Borowczyk, d’après André Pieyre de Mandiargues (Goncourt en 1967)
  • Directeur de la photographie : Bernard Daillencourt
  • Compositeurs : Square, Frédéric Chopin, Charles Dumont, Elton John, René Joly, Vincent Scotto, Afric Simone, Ten C.C., Pink Floyd
  • Distributeur : SNC
  • Editeur vidéo : StudioCanal
  • Box-office France / Paris-périphérie : 725 502 entrées / 225 438 entrées
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
  • Crédits affiche : © 1976 Paris Film Production. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Belle rêverie poético-érotique, La marge vaut le détour pour sa réalisation inspirée et son ambiance planante. Au risque de succomber au décoratif.

Synopsis : Sigismond coule des jours heureux avec sa famille. Mais un voyage à Paris et la rencontre d’une fascinante prostituée vont bouleverser son existence.

Borowczyk-Mandiargues, l’alchimie parfaite entre deux univers

Critique : Dernière production des frères Hakim (Robert et Raymond), La marge permet au cinéaste polonais Walerian Borowczyk d’adapter une nouvelle fois l’œuvre littéraire d’André Pieyre de Mandiargues. Effectivement, l’écrivain surréaliste avait déjà servi de socle pour les Contes immoraux (1974) dont le sketch La marée était l’adaptation d’une de ses nouvelles. Cette fois-ci, Borowczyk s’attaque à l’œuvre la plus connue de Mandiargues puisque La marge a obtenu le Prix Goncourt en 1967. Le roman, sorte de rêverie érotique surréaliste, sert donc de point de départ au réalisateur pour tourner un drame où la dimension érotique est également très forte.

Il faut dire qu’après des débuts dans l’animation d’avant-garde, Borowczyk s’est peu à peu spécialisé dans l’érotisme au milieu des années 70. Avec La marge (1976), il est encore à la croisée des chemins. Il lui reste ce goût pour un cinéma d’auteur exigeant où l’essentiel des idées passe uniquement par les images et les sons, tout en évoluant vers une forme plus commerciale fondée sur un érotisme chic qui confine parfois à la joliesse, au décoratif et finalement au voyeurisme.

Une belle enveloppe, parfois un peu vide

Cette tendance est confirmée ici par la présence au générique d’un couple vedette presque trop parfait. Ainsi, Sylvia Kristel sort tout juste de la déferlante Emmanuelle (Jaeckin, 1974) et irradie l’écran de sa beauté. Elle est ici associée à Joe Dallesandro, mythique modèle américain associé au cinéma underground d’Andy Warhol et Paul Morrissey. Le couple est esthétiquement superbe et le réalisateur prend visiblement plaisir à les filmer dans toute leur nudité. Malheureusement, ils restent trop souvent des enveloppes charnelles séduisantes, mais un peu vides.

C’est d’ailleurs le problème essentiel de La marge que de proposer des personnages qui ne possèdent pas réellement de profondeur. Eux-mêmes perdus dans une espèce de rêverie poétique largement teintée d’érotisme, ils ne semblent que fort peu ancrés au réel. Certes, il s’agit d’une volonté artistique affirmée, mais cela retire sans aucun doute de la force au long-métrage, notamment lorsque le drame final intervient.

Vidéo-clip avant l’heure, La marge séduit surtout par son esthétique travaillée

Il ne faut pour autant pas négliger le charme réel qui se dégage du long-métrage. Car Borowczyk reste un brillant formaliste qui propose des images souvent somptueuses, couplées à une ambiance musicale parfaitement maîtrisée. On notera d’ailleurs que le réalisateur a majoritairement utilisé des morceaux de pop préexistants. Pour accompagner cette dérive dans les milieux interlopes parisiens du milieu des années 70, le spectateur peut compter sur les sons chatoyants de Pink Floyd (le sublime Shine on You Crazy Diamond), de Ten CC (avec leur tube imparable I’m Not in Love) ou encore d’Elton John.

Sans doute conscient de l’absence d’intrigue forte, Borowczyk a multiplié les séquences érotiques ou de déambulations dans les rues parisiennes, au risque de lasser le spectateur. Soutenu par une bande-son magnifique, il parvient à éviter l’ennui et livre donc une œuvre séduisante, parfois à la limite du clip vidéo dont il anticipe certains tics.

Sorti au mois de septembre 1976, le long-métrage n’a pas obtenu le même succès que les précédentes réalisations de Borowczyk, mais il a surtout connu une carrière sur la durée en maintenant le nombre de ses entrées durant plusieurs semaines d’affilée, preuve d’un bouche-à-oreille plutôt favorable. On notera enfin que sur le territoire allemand, le film est sorti sous le titre totalement abusif d’Emmanuelle 77.

La fiche du film sur le site Unifrance

Critique du film : Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 22 septembre 1976

La marge, l'affiche

© 1976 Paris Film Production. Tous droits réservés.

Box-office :

Sur Paris, fort de la présence de Sylvia Kristel, La Marge a été le troisième plus gros succès érotique de l’année 1976 (cinéma X et soft confondu), avec 225 438 spectateurs, le film se retrouvait derrière les cartons de L’empire des sens et de Sex o’Clock USA. Il faut le souligner car, des décennies après sa sortie originale, le Borowczyk n’a pas laissé les mêmes traces qu’Emmanuelle, forcément, ou Histoire d’O, tous deux réalisés par Just Jaeckin.

Le film est sorti avec la classification “interdit aux moins de 18 ans”, le 22 septembre 1976, dans les salles parisiennes du Cluny Palace, du Montparnasse 83, du Pathé Marignan, du Cluny Palace, du Français, du Gaumont Convention, du Mayfair, du Caravelle Pathé et enfin du Fauvette.  Une très belle couverture intra-muros donc qui lui permet de glaner quelques 38 045 spectateurs amoureux du cinéma éthéré de Borow. Toutefois, à l’ère du cinéma X décomplexé, cette première semaine est davantage favorable au porno d’Alpha France, Blue Ecstasy, qui ouvrait à 49 109 clients en extase. La Carrière d’une femme de chambre de Dino Risi à la quatrième place des nouveautés avec 48 161 spectateurs. Le leadeur parmi les nouveaux films de la semaine était évidemment Un éléphant ça trompe énormément (101 432), suivi par  l’épatant Les hommes du président d’Alan J. Pakula, avec Redford et Hoffman, qui réalisait un démarrage très solide à 71 128 spectateurs exigeants.

Parmi les autres nouveautés de ce mercredi on note les démarrages de L’invincible tigresse du karaté (11 562 spectateurs), J’ai droit au plaisir (9 354), Mon corps avec rage (7 683), Otalia de Bahia (18 634), Quand tu disais Valery (552), Super woman (17 193), Une vie difficile (6 378), et La victoire en chantant (9 417).

Frédéric Mignard

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