Comédie efficace et fort drôle, Une année difficile milite pour une société plus équilibrée sur le plan écologique et social. Pourtant, son discours ne passe pas avant le divertissement et l’œuvre s’inscrit donc pleinement dans les comédies à l’italienne des années 60-70, à la fois engagées et désopilantes.
Synopsis : Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course, c’est dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction…
L’humour plus fort que le militantisme
Critique : Alors que sévit la crise de la Covid-19, le duo Olivier Nakache – Éric Toledano décide d’en profiter pour écrire un scénario qui évoquerait la crise climatique, mais aussi la surconsommation, ainsi que le surendettement. Toutefois, au lieu de traiter ces sujets sociaux de manière anxiogène, ils choisissent plutôt d’en faire une comédie comme on en confectionnait en Italie dans les années 60-70 ou en Angleterre dans les années 90-2000. Certes, la thématique abordée est lourde d’implications politiques, mais le duo se garde bien de foncer tête baissée dans un militantisme trop marqué en utilisant l’humour comme arme.
Une année difficile n’est pas timide en matière d’engagement puisque le long-métrage présente bien les militants qui entendent alerter sur le réchauffement climatique comme des héros du quotidien. Ainsi, le personnage de militante jusqu’au-boutiste joué par Noémie Merlant pourra déplaire aux spectateurs qui ne sont pas convaincus par son discours. Mais les auteurs ont su humaniser ce personnage qui pouvait paraître un peu trop raide dans son dogmatisme. Surtout, Éric Toledano et Olivier Nakache ont eu l’intelligence d’aborder ces mouvements écologistes extrémistes sous un angle humoristique en précipitant deux pieds nickelés uniquement intéressés par leur propre situation personnelle dans leurs pattes.
Pio Marmaï et Jonathan Cohen, un duo irrésistible
Ainsi, à travers les personnages interprétés avec justesse par Pio Marmaï et Jonathan Cohen, les auteurs dénoncent en même temps la situation sociale catastrophique liée au surendettement. Même si les deux thèmes semblent différents, ils se rejoignent ici harmonieusement puisque le surendettement vient généralement d’un abus de consommation, le tout étant initié par un système capitaliste carnassier qui ne laissera qu’un champ de ruines derrière lui si l’on n’y prend pas garde. Dès lors, il était logique de plonger deux apôtres du système au cœur d’un mouvement qui prône l’écoresponsabilité et la limitation de la consommation à nos besoins essentiels. Cela initie une confrontation qui tient de la comédie pure.
© 2023 ADNP, Ten Cinema, Gaumont, TF1 Films Production, Quad / Photo : Carole Bethuel. Tous droits réservés.
Une année difficile fonctionne parfaitement grâce à une écriture ciselée des personnages, mais aussi à une réelle imagination quant aux situations dans lesquelles sont plongées les protagonistes. Il faut en cela saluer l’excellence du duo formé par Pio Marmaï et Jonathan Cohen. Les deux comédiens semblent se stimuler l’un l’autre et forment un couple de cinéma que l’on aimerait beaucoup retrouver, tant l’harmonie semble totale. Au milieu, Noémie Merlant ne démérite pas en rendant son personnage émouvant, alors même que son militantisme chevronné pouvait la condamner à une certaine raideur idéologique.
Des situations très drôles, portées par un casting trois étoiles
Parmi les rôles périphériques, on peut également s’amuser de la prestation de Mathieu Amalric, tout en appréciant les interventions amusantes, voire émouvantes, de Danièle Lebrun ou encore de Sandrine Briard. La comédie sociale est toujours alerte grâce à un rythme trépidant, une réalisation très percutante et un emploi judicieux de l’efficace musique composée par le duo électro Grandbrothers. Toledano et Nakache ont eu le nez fin en utilisant également des musiques additionnelles percutantes comme la version instrumentale de la chanson Stay de David Bowie, ou encore la magnifique et sépulcrale chanson The End des Doors.
Avec sa fin en forme de rêverie fantastique, Une année difficile est donc une comédie sociale vraiment réussie et fort drôle qui ne devrait laisser personne indifférent. Pourtant, ses premiers chiffres d’exploitation ne sont guère encourageants. Sans doute son sujet est-il trop clivant pour attirer un très large public, alors même que son budget conséquent (un peu moins de 15 millions d’euros) nécessite une audience très étendue. A ce stade, après 10 jours d’exploitation, la comédie n’a réuni que 424 007 spectateurs dans les 667 salles où elle est projetée. Il s’agit pour le moment du plus mauvais résultat du duo depuis plus de quinze ans.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 18 octobre 2023
Affiche Rysk – Photo : Carole Bethuel – Copyrights : ADNP, Ten Cinema, Gaumont, TF1 Films Production, Quad. Tous droits réservés.
Biographies +
Éric Toledano, Olivier Nakache, Pio Marmaï, Mathieu Amalric, Noémie Merlant, Luàna Bajrami, Jean-François Cayrey, Delphine Théodore, Margot Bancilhon, Grégoire Leprince-Ringuet, Jonathan Cohen, Charlie Nelson, Danièle Lebrun
Mots clés
Cinéma militant, Comédies sociales françaises, Films anti-capitalistes