Démarquage mal fagoté de Ne vous retournez pas, Un murmure dans l’obscurité bénéficie d’une esthétique soignée illustrant une histoire fort peu intéressante. Oubliable.
Synopsis : Dans une vieille villa de Vénétie vit le petit Martino avec ses parents Alex et Camilla, ses petites sœurs Matilde et Milena, et sa gouvernante Françoise. La famille serait heureuse si Martino n’avait pas un ami imaginaire du nom de Luca. Convaincus que Luca est un innocent fruit de l’imagination de Martino, les parents se prêtent au jeu de leur fils pendant un certain temps, mais des faits troublants, voire paranormaux, l’incitent à consulter un psychiatre…
Un murmure dans l’obscurité, une certaine idée du raffinement esthétique…
Critique : Au milieu des années 70, Enzo Gallo décide de se lancer dans la production cinématographique et crée ainsi sa première société nommée Cinemondial. Pour sa toute première contribution, le producteur entend surfer sur la vague du film fantastique vaporeux initié par le très poétique Ne vous retournez pas (Nicolas Roeg, 1973) et poursuivi bien après par Le cercle infernal (Richard Loncraine, 1977). Pour cela, il s’empare du script du couple formé par Nicolò et Maria Teresa Rienzi intitulé Un murmure dans l’obscurité et le propose au réalisateur Marcello Aliprandi, ancien assistant de Luchino Visconti qui vient de connaître un certain succès avec Corruption, l’affaire du juge Vanini (1975) avec Franco Nero.
Afin de ressembler au maximum à son modèle, le long-métrage est tourné dans la région de Venise, et notamment dans la splendide villa Condulmer qui resplendit de mille feux et contribue grandement à l’ambiance de ce pseudo thriller fantastique. Le réalisateur et son directeur de la photographie Claudio Cirillo se sont régalés à filmer la villa sous toutes ses coutures, depuis les magnifiques jardins jusqu’aux pièces les plus fastueuses. Cela offre un cachet assez exceptionnel à ce long-métrage qui fait preuve d’un certain raffinement esthétique, sur les traces du fameux Luchino Visconti.
… au service d’un script désespérément vide
Malheureusement, Un murmure dans l’obscurité a beau faire preuve de beaucoup d’ambition sur le plan formel, le film manque d’un véritable script à illustrer. Effectivement, Marcello Aliprandi semble sans cesse hésiter entre film d’auteur et de genre, sans jamais arriver à trancher en faveur de l’un ou de l’autre. Ainsi, cette histoire de couple qui se déchire à la suite du décès de leur premier né et qui finit par se rabibocher par l’entremise du fantôme supposé du défunt n’est jamais approfondie de manière satisfaisante sur le plan intellectuel. En fait, on a du mal à croire à la réalité du couple formé par John Phillip Law et Nathalie Delon, d’autant que le cinéaste insiste lourdement sur les incessantes infidélités du mari.
Mais cette absence de profondeur n’est aucunement compensée par des moments solides en matière de cinéma de genre puisqu’il faut attendre une bonne heure pour que l’unique mort suspecte intervienne. Et encore, elle ne suscite guère l’intérêt tant le réalisateur s’emploie à démontrer qu’il s’agit d’un simple accident et que l’ensemble de l’intrigue revêt un caractère purement métaphorique.
Acteurs en recherche de rôle écrit
Dès lors, Un murmure dans l’obscurité se retrouve dans une impasse en étant incapable de susciter l’intérêt du bisseux désireux de frissonner, mais en laissant également orphelin le spectateur féru de beaux films d’auteur à la complexité revigorante. Il faut avouer que le réalisateur n’est guère aidé par ses acteurs qui n’ont pas l’étoffe de leurs rôles. Olga Bisera (imposée par le producteur Enzo Gallo qui n’est autre que son compagnon d’alors) n’est pas franchement convaincante en gouvernante, Nathalie Delon ne semble pas trop savoir comment orienter sa prestation et John Phillip Law se contente d’être un clone de Clint Eastwood. Finalement, on préfère largement la prestation du gamin Alessandro Poggi qui s’en sort avec les honneurs.
Film très décoratif qui profite de la beauté de son cadre et de la joliesse de son thème musical développé par le talentueux Pino Donaggio, Un murmure dans l’obscurité n’est pas nécessairement désagréable à suivre, mais il ne peut que décevoir par sa conclusion inepte qui résout de manière trop simpliste une intrigue psychologique tortueuse. D’ailleurs, le public italien de l’époque ne s’est pas précipité dans les salles obscures pour le découvrir. Son échec commercial a d’ailleurs eu pour conséquence une absence manifeste d’exploitation en France, aussi bien au cinéma qu’en VHS. Il a fallu attendre 2023 pour que Le Chat qui Fume exhume cette série B avec un blu-ray esthétiquement probant. Le film, lui, est davantage dispensable.
Critique de Virgile Dumez
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Marcello Aliprandi, Joseph Cotten, John Phillip Law, Nathalie Delon, Olga Bisera
Mots clés
Cinéma bis italien, Film sur le couple, Films sur le deuil, Les doubles maléfiques au cinéma