Tobrouk (Commando pour l’enfer) : la critique du film (1967)

Film de guerre, Historique | 1h47min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
Tobrouk, l'affiche

  • Réalisateur : Arthur Hiller
  • Acteurs : Rock Hudson, George Peppard, Norman Rossington, Nigel Green, Guy Stockwell
  • Date de sortie: 18 Juin 1967
  • Nationalité : Américain, Espagnol
  • Titre original : Tobruk
  • Titres alternatifs : Tobrouk, commando pour l'enfer (titre alternatif cinéma et vidéo) / Tobrouk, commando vers l'enfer (titre alternatif vidéo) / Die Kanonen von Tobruk (Allemagne) / Slaget om Tobruk (Suède) / Desert war (Norvège) / A Sivatagi Róka hadjárata (Hongrie)
  • Année de production : 1967
  • Scénariste(s) : Leo Gordon
  • Directeur de la photographie : Russell Harlan
  • Compositeur : Bronislau Kaper
  • Société(s) de production : Universal Pictures, Gibraltar Productions, The Corman Company
  • Distributeur : Universal
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : CIC Vidéo (VHS, sous le titre Tobrouk) / Filmedia (DVD et blu-ray, sous le titre Tobrouk, commando vers l’enfer, 2013) / Elephant Films (DVD et blu-ray, sous le titre Tobrouk, commando pour l’enfer, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 12 juin 2013 (DVD et blu-ray) / 26 janvier 2021 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 101 832 entrées / 223 692 entrées
  • Box-office nord-américain : 5 M$ (soit 44,3 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Budget : 6 M$ (53,2 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs (Technicolor) / Son : Mono (Westrex Recording System)
  • Festivals et récompenses : Oscars 1968 : 1 nomination pour les meilleurs effets spéciaux pour Howard A. Anderson et Albert Whitlock
  • Illustrateur / Création graphique : Jean Mascii
  • Crédits : Universal Pictures
Note des spectateurs :

Film guerrier plutôt efficace, Tobrouk a le mérite de dévoiler un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale, mais trahit à plusieurs reprises la vérité historique. L’ensemble doit donc être vu avec un esprit critique affuté.

Synopsis : Afrique du Nord 1942, Alger puis Lybie. Un commando organise l’évasion de Craig, officier canadien topographe connaissant bien le désert mais détenu par l’armée française de Vichy. Il est transféré en Lybie où il intègre une compagnie anglaise, comprenant un détachement de combattants juifs allemands déguisés en soldats allemands. C’est grâce à ce subterfuge que les Anglais comptent traverser 800 km de désert miné à travers les lignes germano-italiennes jusqu’au port lybien de Tobrouk, afin de détruire les réserves d’essence de l’armée du général Rommel d’une part, soutenir un débarquement allié d’autre part.

Quand les juifs allemands luttaient contre les nazis!

Critique : Alors que le cinéma de guerre est extrêmement populaire dans les années 60, le genre connaît également une déclinaison à succès, à savoir le film de commando. Le coup d’envoi a notamment été donné par le triomphe des Canons de Navarone (Thompson, 1961) avec David Niven et Gregory Peck. Dès lors, la plupart des grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale ont été prises pour cible de scénaristes parfois peu scrupuleux quant à la réalité historique. Ainsi de Leo Gordon – par ailleurs acteur émérite – qui évoque dans son scénario de Tobrouk (1967) l’Opération Agreement menée en septembre 1942 en Libye par l’armée britannique.

Pour mémoire, il s’agissait pour les Alliés de détruire l’effort de guerre nazi en Afrique du Nord et empêcher ainsi la prise du canal de Suez par l’Afrika Korps de Rommel. Afin de tromper l’ennemi, les Britanniques ont utilisé des SIG (Special Interrogation Group) qui étaient des unités composées de juifs allemands désireux de faire échouer les nazis. C’est d’ailleurs le point le plus intéressant de ce Tobrouk (1967) puisqu’il met en exergue le rôle joué par ces exilés juifs qui ont ainsi participé activement à l’effort de guerre.

Tobrouk bénéficie d’un budget confortable

Pas étonnant donc que le réalisateur Arthur Hiller, de confession juive, s’intéresse à ce script, lui qui pourtant n’avait jamais tourné de grosse production guerrière. Doté d’un budget conséquent de 6 M$ (53,2 M$ au cours du dollar de 2022) en partie apporté par Gene Corman, le frère du célèbre Roger Corman, Tobrouk a été tourné en grande partie dans le désert de l’Arizona avec le concours des forces armées californiennes, mais aussi en Espagne, notamment pour toutes les séquences censées se dérouler dans le port de Tobrouk.

Coproduit par l’acteur Rock Hudson, le spectacle richement paré est surtout l’occasion de vanter l’héroïsme de ceux qui ont lutté pour faire échouer le projet d’expansion nazi. Malheureusement, le long-métrage ne respecte guère la réalité du terrain puisque l’opération a été un échec complet, alors que le film est plus nuancé et évoque une réussite majeure dans la destruction des dépôts de carburants du Reich. Cela ne correspond à rien d’historique et constitue donc une trahison majeure vis-à-vis de la réalité.

Un point de vue orienté à questionner

On peut également regretter quelques passages dialogués qui démontrent la volonté du réalisateur de soutenir la fondation de l’Etat d’Israël, considérée comme la seule vraie patrie des juifs. Ce point de vue n’étonne guère de la part des artistes américains des années 60 puisqu’Hollywood était largement favorable à la création de cet Etat (comme l’atteste bien l’épopée Exodus de Preminger en 1960). Toutefois, cette déclaration émane du personnage incarné par George Peppard, un juif allemand rallié à la cause démocratique, mais dont le caractère frondeur en fait un protagoniste peu agréable. On apprécie en revanche les petites notations qui montrent que l’antisémitisme n’était pas l’apanage des nazis et que certains responsables de l’armée britannique effectuaient aussi des raccourcis douteux à l’encontre des juifs. C’est le cas du personnage de colonel interprété avec un flegme très britannique par Nigel Green.

De même, on saluera l’ambiguïté attachée au protagoniste joué par Rock Hudson. L’acteur incarne ici un homme qui n’a rien du héros typique du cinéma américain. Celui-ci professe même une certaine couardise qui ne sera pas effective sur le terrain, mais qui écorne tout de même la figure traditionnelle du héros américain. Une belle audace pour une star qui était adulée aux States et qui va le payer par un échec au box-office local.

Direction Tobrouk, mais sans taxi cette fois

Réalisé avec un réel sens du spectacle et de l’efficacité par Arthur Hiller, Tobrouk offre donc une vision déformée de l’Histoire, tout en proposant tout de même des personnages complexes et une situation rarement évoquée au cinéma, malgré la pléthore de films de guerre consacrés à la période. Hiller a particulièrement soigné la dernière partie qui représente l’attaque du port de Tobrouk et la mise hors service des batteries de canons protégeant la rade. On ne peut pas oublier ici le classique Les canons de Navarone déjà cité, tant ces séquences finales y font songer. Cette dernière demi-heure explosive compense donc un déroulement un peu poussif lorsque le commando est en mission dans le désert libyen.

Inégal donc, mais plutôt intéressant pour peu que l’on ne prenne pas sa description historique pour argent comptant, Tobrouk est un spectacle tout à fait recommandable qui démontre la capacité d’Arthur Hiller à aborder des genres très différents, lui qui fut essentiellement un réalisateur de comédies.

Un désaveu américain, mais une réception correcte en France

Sorti aux Etats-Unis sans grand succès, Tobrouk a débarqué sur les écrans français au mois de juin 1967 en décrochant la première place du box-office parisien avec 46 693 combattants. Le film de guerre caracole encore en tête la semaine suivante avec toutefois une chute assez sévère à 28 936 spectateurs. En semaine 3, le métrage rétrograde en deuxième place derrière John Wayne et son El Dorado et va ensuite mener sa vie pour cumuler à Paris 223 692 guerriers.

Sur la France entière, le métrage a été un beau succès grâce à une longue exploitation tout au long de l’été. Le film a notamment été relancé dans son exploitation au cours du mois d’août (est-ce là que l’on a ajouté sur les affiches le fameux sous-titre Commando pour l’enfer ? La question mérite d’être posée.). Après plusieurs reprises de l’exploitation, notamment en province, Tobrouk a cumulé 1 101 832 entrées. D’ailleurs, le film a fait l’objet de plusieurs éditions au format physique avec notamment une VHS par CIC Vidéo, puis plusieurs DVD et blu-ray, dont les titres ont varié – on a eu ainsi droit à Tobrouk, commando vers l’enfer pour l’édition de 2013.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 juin 1967

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Tobrouk, l'affiche

© 1967 Universal Pictures – Gibraltar Productions – The Corman Company Affiche : Jean Mascii. Tous droits réservés.

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Arthur Hiller, Rock Hudson, George Peppard, Norman Rossington, Nigel Green, Guy Stockwell

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Tobrouk, l'affiche

Bande-annonce de Tobrouk (VOSTF)

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