Saw X est le segment le plus apprécié de la franchise increvable de Lionsgate depuis le film original en 2004 qui avait lancé un certain James Wan. Un miracle, même au box-office.
Synopsis : John Kramer, le tueur au puzzle, est de retour dans le volet le plus perturbant de la franchise SAW. Les événements se situent entre SAW I et II, on y retrouve un John, malade et désespéré, qui se rend au Mexique afin de subir une opération expérimentale capable de guérir son cancer, mais il découvre que tout ceci n’est qu’une escroquerie visant des malades vulnérables et affligés. Animé d’un nouveau but, le célèbre tueur en série retourne à son oeuvre, et va prendre sa revanche sur ces escrocs dans un terrible “jeu” dont il a le secret, à travers des pièges toujours plus machiavéliques et ingénieux les uns que les autres.
Critique : En 2021, Darren Lynn Bousman, accompagné de l’humoriste Chris Rock, essaie de relancer la franchise Saw. Spirale : l’héritage de Saw coûte deux fois plus cher que n’importe quel opus de la série, à savoir 20M$. Outre Chris Rock, pour la première fois, de vraies vedettes accompagnent une narration urbaine, en hommage au film noir : Samuel L. Jackson et Max Minghella répondent positivement à l’invitation de Chris Rock et sont du générique. Malheureusement pour la franchise, ce 9e épisode est un bide mondial. Victime collatérale de la Covid-19 (une sortie en 2021 quand le cinéma américain était au plus mal), programmation estivale incohérente quand tous les autres opus affirmaient leurs vocations pour Halloween… Spirale : l’héritage de Saw affiche trop de différences dans le ton et l’image. Il n’est pas apprécié.
Shawnee Smith dans Saw X © 2023 – Lions Gate. All Rights Reserved
La renaissance tant escomptée, pourtant mise en image par Darren Lynn Bousman, réalisateur des trois films qui ont eu le plus de succès dans la franchise (Saw II, Saw III et Saw IV) n’aura pas lieu.
Spirale déroute Lionsgate avec un total de 39M$, le pire score depuis Saw VI dont les 69M$ de recettes mondiales avaient précipité le chapitre final en 2010 (133M$).
La fabrique à budgets moyens de 10M$ qui génère à chaque fois entre 100M$ (Saw 1) et 163M$ (Saw III), venait de démontrer qu’elle ne parlait plus à son ancien public et qu’une nouvelle génération avait zappé la franchise au profit de produits soft comme Paranormal activity, dans un premier temps, ou le cinéma surnaturel de Blumhouseet ses dérivés de Conjuring d’un certain James Wan. Les spinoffs des dossiers Warren comme Annabelle ou La Nonne ont su battre des records en ne vendant rien.
Retour sur la carrière de Kevin Greutert
La mise en chantier d’un Saw X, oui, bien lire Saw 10, en 2022, devient une surprise totale. A la réalisation, le choix de Kevin Greutert, monteur historique de la franchise sur les 5 premiers longs, est curieux. Après tout, n’avait-il mis en boîte le flop Saw VI et le faiblard chapitre final tout en promettant à qui voulait l’entendre lors des interviews promotionnelles qu’il n’y aura plus jamais de suite?
Il est également monteur sur Saw X.
L’acteur de 81 ans, Tobin Bell, dont le personnage de Jigsaw est mort depuis le numéro 3, est annoncé en tête de casting. Cette information suscite une curiosité certaine et alimente les fantasmes de rebondissement ultime. La saga est connue et célébrée pour ses crescendos diaboliques, mis en musique par Charlie Clouser, un ancien de Nine Inch Nails ; dans les meilleurs épisodes, elle accouche de rebondissements ahurissants.
© 2023. Lions Gate. All Rights Reserved
Lions Gate communiquera très peu sur le film avançant sa sortie de la fin du mois d’octobre à fin septembre sur beaucoup de marchés comme les Etats-Unis. Un choix éloigné d’Halloween qui interroge. Serait-ce par excès d’assurance et l’espoir d’une carrière sur la durée qui saura survivre jusqu’à la sacrosainte semaine d’Halloween ?
Deux bandes annonces tardives créent quelques émois auprès des nostalgiques de la saga désormais âgée de 20 ans. Quatre images tournent en boucle chez tous les distributeurs indépendants de la planète qui ont la charge de professer la bonne parole de John Kramer. Mais pas un cliché de plus ne sera mis à disposition pour ne pas trop en montrer. Au moins, les photos confirment le retour de l’acolyte de Jigsaw, Amanda (Shawney Smith), pourtant morte dans le 3. Suspense, quand tu nous tiens…
La torture au cinéma
Que l’on ne s’inquiète pas. Ce dixième épisode n’est pas une suite, ni à proprement parler une préquelle, mais un segment perpendiculaire qui s’intercale entre l’épisode 1 (2004) et le 2 (2005). A priori, cela ne sera pas aisé d’interpeller ceux qui n’ont pas vu ces deux jalons d’une décennie doublement passée. Et pourtant, Metropolitan, distributeur français y croit.
La France, qui a toujours un mois de retard dans la sortie des épisodes de Saw qui étaient généralement calés à la fin du mois de novembre depuis le numéro 2, pose, avec les marchés clés européens, le 10e segment pour la semaine d’Halloween, sans trop en faire sur la communication. Aucun dossier de presse officiel, des attachés de presse aux abonnés absents… Saw X joue la carte du mystère.
Tobin Bell dans Saw X © Lions Gate. All Rights Reserved
Le succès inespéré de Saw X au box-office américain et l’enthousiasme des critiques anglophones
Avant l’arrivée de Saw X sur nos écrans, la curiosité des spectateurs français est palpable, notamment sur les réseaux sociaux. Depuis sa sortie le 29 septembre, la production déjoue tous les pronostics critiques et commerciaux. Ainsi, elle fait montre d’un succès juvénile pour son premier week-end d’exploitation américaine (18M$) et occupe une seconde place étonnante devant le blockbuster de science-fiction de Disney/FoxStudios The Creator dont les 80 M$ de budget accouchent de 15M$ lors de son crash au décollage. Le retour de Jigsaw dans 3 262 cinémas est d’ores et déjà un succès. Mieux, la chute en 2e semaine est moindre que celle de beaucoup d’épisodes de la saga (-57% seulement). Les 3e et 4e week-ends lui assurent encore de belles recettes, avec des baisses minimes (-28%, -37%). Et voilà que Saw X flirte avec les 50M$ à l’issue de son quatrième week-end. Lionsgate a l’assurance de tripler ses recettes originales aux USA, ce que seul Saw premier du nom était parvenu à faire.
Sur IMDB, Saw X voit la moyenne des notes des internautes atteindre un record pour la saga, en se positionnant en 2e place derrière le premier Saw (7.6 pour le film de James Wan et Leigh Whannell, contre 6.9 pour ce 10e chapitre, au 23 octobre 2023). Pour mémoire, les épisodes 4, 5, 8, 7 et 9 occupent les dernières places. Spirale doit effectivement se contenter d’une sinistre moyenne de 5.2.
De façon encore plus alléchante, le Métascore (moyenne des critiques professionnelles) de la cuvée 2023, est la meilleure pour un film de la saga, avec une moyenne de 60 sur 24 critiques. Aucune autre engeance de la franchise n’avait obtenu une moyenne positive, y compris le valeureux numéro 1. Les épisodes 5 et 7 avaient même buté sur des moyennes abyssales de 20 et de 24, chez les professionnels de la critique anglophone.
Saw X © 2023 – Lions Gate. All Rights Reserved
Saw X le ténébreux devient donc le film de tous les fantasmes pour ceux qui ont suivi les abominations historiques de la série, qui consiste entièrement à filmer de façon outrancière une série de jeux macabres organisés par Jigsaw (Tobin Bell) ou ses disciples (Amanda…). Ces tueurs moralisateurs offrent la rédemption à des personnalités peu avenantes qui doivent s’automutiler en un minimum de temps s’ils ne veulent pas mourir de la façon la plus abjecte qui soit.
Saw X sort les viscères et déverse des records d’horreur pas vus depuis Saw 3
C’est le concept de tous les Saw, franchise érigée en maître étalon du torture porn et de la violence gratuite insoutenable. Cela ne variera pas dans cet opus de 2023, puisque l’exercice d’auto-torture est poussé à un paroxysme dans le gore que l’on n’avait pas vu aussi répugnant depuis le notoire chapitre 3 qui, en son temps, avait été traité comme un vulgaire film pornographique par la commission de classification et le ministre de la culture de droite, en 2006, avec une interdiction aux moins de 18 ans. On a pu le vérifier en salle, grâce à une série d’avant-premières dans toute la France le vendredi 20 octobre que le distributeur Metropolitan FilmExport a organisé pour la promotion de son produit phare, consistant à abandonner le film à son public, pour que celui-ci réalise un travail de bouche-à-oreille en amont, soit 5 jours avant la sortie officielle du 25 octobre. Bien leur en a pris. L’ultime surprise, c’est que Saw X est authentiquement supérieur à son engeance dégénérée.
Le cinéma trash sur CinéDweller
En effet, la litanie d’ersatz de Saw vulgarisant la torture auprès des adolescents – qui n’attendaient pas leurs 16 ans pour les rattraper en vidéo -, a rarement été satisfaisante. Des acteurs approximatifs, des réalisations et montages expéditifs, une complaisance dans le putride malsain… A l’exception du premier film, aux qualités scénaristiques évidentes, aucun des calvaires suivants n’avaient vraiment réussi à nous convaincre artistiquement, en raison de leur indigence. On les suivait toutefois, avec un masochisme curieux, probablement avides de spectacles trash à la facture underground, pour assister à l’évolution d’un art narratif par le “twist” et à l’évolution des modes cinématographiques.
Saw X © 2023 – Lions Gate. All Rights Reserved
Saw X est indéniablement le segment le plus long de la franchise, avec 1h58 de métrage. C’est exactement ce qu’il fallait pour ce pot-pourri de la saga, du temps pour s’intéresser enfin aux personnages. Ici John – Jigsaw -Kramer occupe la première place du casting, et devient, malgré ses outrages sordides, un anti-héros qui suscite une vraie empathie. L’acteur Tobin Bell, 81 ans, solide, a enfin l’espace qu’il lui faut pour mériter le statut d’icone du cinéma d’épouvante qu’il a arraché dans les films précédents. Ses contradictions face aux châtiments qu’il inflige et son sens de la morale rigoriste que d’aucuns pourraient qualifier de désir de rétribution, alimentent un scénario unique depuis le premier film, dans sa disposition à se développer pour sonder les âmes agitées (la relation de Kramer au personnage d’Amanda est particulièrement approfondie).
Saw X est la plus solide de toutes les suites de Saw en 20 ans
Sans aller à révéler des détails du script qui pourraient gâcher le plaisir du rebondissement, on soulignera également la présence d’un alter ego haïssable au personnage de Jigsaw qui joue d’une autre façon avec la mort des autres. Incarnée par un personnage féminin qui bénéficie d’un jeu d’actrice vraiment séduisant (la beauté du mal), cette figure bien exploitée bénéficie d’un script plus étoffé pour exister. Une première sur 8 suites.
On ajoutera à l’histoire réellement prenante (faute d’être réaliste et toujours bien écrite) et à ses effets de surprise cathartiques, un travail artistique plus visible pour ne pas juste livrer un Saw de plus mais réellement transcender les faiblesses génériques de la saga. La quête du meilleur est ici comme une évidence. Exit donc l’illisibilité du montage aux flashbacks éreintants ; le travail de réalisation est également gagnant dans cette ambiance mortifère de morgue où les épreuves mentales, chirurgicales et rétributives nourrissent habilement le malaise, sans jamais oublier l’émotion : dégoût, jubilation, énervement, et surtout compassion pour les bourreaux et victimes qui n’avaient, à ce stade, jamais vraiment existé en tant que pions dans un jeu de massacre.
Sur la voie de la rédemption, la franchise Saw trouve dans son 10e match son deuxième meilleur film, sans enlever le sadisme et la violence inhérents à ses épisodes paroxysmiques. Ce X devrait conquérir aisément le cœur des nostalgiques de la saga, tout en convertissant les adolescents adeptes de films gore, à condition d’avoir seize ans ou plus.
Les sorties de la semaine du 25 octobre 2023
Les films de la franchise Saw
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