Film somme du genre “paranormal” par James Wan, Conjuring est surtout la plus grosse suée d’effroi de l’année cinématographique 2013. Et de très loin.
Synopsis : Avant Amityville, il y avait Harrisville… The Conjuring raconte l’histoire horrible, mais vraie, d’Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée… Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière…
Blockbusters contre rentabilité terrifiques
Critique : En 2013 l’industrie hollywoodienne savait qu’elle ne pouvait plus se fier uniquement aux blockbusters. Les flops colossaux de Battleship, Cloud Atlas, GI Joe 2, John Carter ou Lone Ranger ont rappelé à l’esprit des nababs des studios les pertes énormes qu’ils pouvaient essuyer quand à côté, dans le genre horrifique, des micro-budgets de moins de 5 millions de dollars garantissaient, sans aucun risque initial, et ce sur le seul territoire américain, des recettes supérieures à 50 millions, avec la perspective de franchises assurées. L’exemple de Paranormal activity nous vient immédiatement à l’esprit, mais aussi Mama, Sinister, Saw, Insidious…
Ces deux derniers étaient déjà le fruit du travail de James Wan, amateur tordu de séries B, loin des Fast and Furious et Aquaman à cette époque. Le Monsieur avait déjà le don inné de transformer à peu près tout ce qu’il touchait en or.
Oubliez les films d’épouvante qui ne font pas peur
Saw, qu’il réalisa, engendra 7 suites et orienta le cinéma d’horreur des années 2000 vers le torture flick (Hostel, Train) ; Insidious, dont il réalisé la suite, pour une sortie la même année que Conjuring, est pour beaucoup dans l’hégémonie du film paranormal qui sévissait au début des années 2000. Et pourtant, ce hit surprise, déjà avec Patrick Wilson, était assez creux, avec un manque patent de vision dans son approche du surnaturel et pis, un humour geek dont on se serait bien passé tant le sérieux qui encadrait l’entreprise s’acoquinait mal de ce mélange d’humour pur et d’effroi.
Avec Conjuring, produit par New Line Cinema et distribué par la major américaine Warner, Wan a réussi à faire ce qu’il savait faire de mieux, susciter les émotions les plus fortes en se situant au-dessus de la mêlée. Ses “Dossiers Warren” basés sur l’histoire vraie de démonologues aux 4000 dossiers de l’étrange, se devaient de se démarquer du tout-venant, du Dernier exorcisme, d’Unborn, de Mama, The Devil Inside ou encore de Possédée qui l’avaient précéder. Mais surtout il s’agissait de frapper beaucoup plus fort que la série phénoménale Paranormal activity qui avait tué, à coup d’esprit malin, la franchise vieillissante des Saw du même James Wan.
Retour sur un phénomène paranormal au box-office
L’objectif des Dossier Warren ? Devenir clairement la production la plus effroyable de l’année 2013 et probablement le film somme d’un genre, alors à son paroxysme, mais appelé à décliner très vite (le flop malheureux de Dark skies pouvait sembler comme un signe avant-coureur). Il n’en fut rien.
A quelques défauts près (les sempiternels personnages humoristiques ici beaucoup moins sollicités et moins dangereux pour l’équilibre des tensions ; un verbiage religieux ronflant), Conjuring, écrit par Chad et Carey Hayes (La maison de cire) s’est imposé comme le film de terreur attendu par tous les amateurs suscitant un véritable phénomène au box-office mondial, avec 320 millions de dollars de recettes dans le monde.
La peur au commencement
Wan n’y faisait néanmoins que reprendre les gimmicks de Paranormal activity et d’Insidious, à savoir l’exploitation terrifiante de lieux vides, d’objets effroyables et de situations phobogènes sur laquelle le spectateur parvient toujours à focaliser son attention (la peur du noir, les miroirs réfléchissant l’image des entités démoniaques, des placards entre-ouverts ou des caves poussiéreuses d’où surgissent des ombres, les présences maléfiques…).
Mais si le réalisateur s’appropriait ces artifices éculés, c’était pour mieux les manipuler au-delà des règles établies par Hollywood : ne pas trop pousser le trouillomètre, attendre au moins 3/4 d’heure avant de vraiment provoquer les premières peurs nocturnes, imposer une lente et longue exposition pour combler les vides scénaristiques (dans le genre, Paranormal activity 4 fut un monument)…
Wan dynamite les sévices des scénaristes fonctionnaires pour ériger de nouvelles règles : installer la peur immédiatement et ne jamais relâcher la tension, quitte à se laisser tenter par le grotesque, mais sans jamais se fourvoyer dans la fange des mauvaises séries B aux procédés pompiers.
Le droit à l’angoisse primaire
Avec un talent qui ne cesse de transpirer à l’écran, James Wan s’arrogeait ainsi en 2013 le droit de nous foutre la frousse, comme peu y étaient parvenu auparavant, en nous agressant de quelques visions diaboliques à nous glacer les sangs et en nous figeant face à nos propres angoisses primaires.
A cet effet, l’auteur de Saw démontre une gestion du décor (entre la maison d’Amityville et celle de La maison près du cimetière de Fulci) comme un maestro échappé d’une série B macabre italienne, avec une caméra dextre qui investit l’espace uniquement pour procurer le souffle froid de la mort.
Le début d’une franchise insoupçonnable
Dans sa quête, il s’accompagnait d’acteurs accomplis : Vera Farmiga, impériale, Patrick Wilson, son compère d’Insidious donc, et jadis pédophile arrosé dans Hard Candy, Ron Livingston méconnaissable et la grande prêtresse du cinéma indépendant américain, Lili Taylor.
Reléguant Paranormal activity au rang de série B pour mômes, Conjuring a imposé sont interdiction aux moins de 17 ans aux USA (R), devenant malgré tout le nouveau phénomène de l’été 2013.
Le triomphe mondial fut tel qu’un deuxième film vint aux ténèbres en 2016 (320 millions de dollars dans le monde), et des spinoffs, nombreux, firent baliser la concurrence au box-office : les films Annabelle, La Nurse…
En 2019, le cinéma de genre ne s’en est toujours pas remis.
Amen.
Critique de Frédéric Mignard