Saw 4 éclabousse de sa sauce tomate âcre, cette fois-ci concoctée par les scénaristes de Feast. Le pire avatar de la “sawga” et de loin !
Synopsis : Le Tueur au puzzle et sa protégée Amanda sont tenus pour morts. Malgré tout, ils parviennent encore à semer la terreur en kidnappant Rigg, un officier des SWAT, et en l’introduisant de force dans un de leurs horribles jeux. Assisté de deux profilers du FBI, les agents Strahm et Perez, l’inspecteur Hoffman ne dispose que de 90 minutes pour surmonter les terribles épreuves du fameux Tueur et ainsi sauver son vieil ami d’une mort certaine.
Critique : La trilogie Saw n’était pas franchement faite pour plaire aux critiques. Mise en scène de pacotille, ultra violence gratuite, effets faciles… A peu près tous les journalistes lui sont tombés dessus en épargnant plus ou moins l’ingénieux premier volet qui ne relevait pas du “torture porn”, mais du thriller malsain ingénieux. Le public, lui, a acclamé la série, faisant de chaque nouveau chapitre un succès toujours plus impressionnant. Avec du recul, on peut effectivement accorder à cette série, franche du collier, jusqu’au-boutiste et implacable, son lot de qualités. La principale étant une grande intégrité et une cohérence narrative qui pouvaient forcer l’admiration. La seule devise des auteurs étant d’aller toujours plus loin dans l’horreur viscérale sans brader les effets de surprise. Bref, du pur cinéma d’exploitation, complètement anachronique et furieux, qui refusait obstinément de s’embourgeoiser.
Le quatrième volet a mis enfin tout le monde, spectateurs et critiques, d’accord sur un point : Saw 4 n’était pas à faire, ou du moins pas sous cette forme, et va devenir l’épisode le moins apprécié du public, malgré un succès évident au box-office en raison de l’incroyable cliffhanger de l’épisode 3 qui précipitait Tobin Bell à la morgue.
En effet, dans un paroxysme de l’horreur rarement atteint à l’écran, Saw III vérrouillait toute possibilité de suite, s’accordant à être sans concession avec l’ensemble des personnages réguliers. Tout le monde y passait. Du tueur au puzzle, à sa complice Amanda, jusqu’aux dernières victimes, femmes et enfant. L’occasion de clôturer magistralement trois triomphes en gardant la tête haute.
De nouveaux producteurs pour un nouveau départ sans les personnages principaux
Malheureusement, les producteurs ont voulu aller plus loin encore en sortant de derrière les fagots un quatrième opus improvisé pour être torché en quelques mois, afin d’être exploité aux mêmes dates que son prédécesseur. Et on était pourtant partants, il faut bien l’avouer, curieux de voir ce que l’on pouvait déterrer de cette morgue putride aussi tordue que l’idée même d’en tirer un quatrième volet (à l’époque, nul était capable d’imaginer un seul instant que ces jeux mortels allaient s’étirer jusqu’à un épisode X en 2023…)
Or, face à ce que nous ont concocté les nouveaux scénaristes -les créateurs de la série, Leigh Whannell comme James Wan, ont tout abandonné, se contentant de la confortable casquette de producteurs exécutifs-, notre curiosité s’estompe très vite. Sans aucun ressort valable, les deux acolytes, Marc Dunstan et Patrick Melton, de faux malins qui n’avaient déjà guère brillé avec le DTV Feast, ont bidouillé un récit hallucinant de médiocrité, inintéressant, confus et parfois incompréhensible, qui a pour conséquence de nous assommer très vite là où les autres chapitres extorquaient de la stupéfaction.
© 2007. Lions Gate, Twisted Pictures, Metropolitan FilmExport. All Rights Reserved.
La violence en berne, Saw 4 s’adoucit (un peu)
Les quelques personnages essentiels de la saga ayant tous disparus, notre chouchoute Amanda, jouée par Shawnee Smith, la première, il ne reste en service que les sous-fifres qui occupent ici les premiers rangs avec toujours les mêmes problèmes de qualité de jeu qu’auparavant. C’est qu’on joue très mal dans Saw, si bien qu’ici il est impossible de ressentir la moindre émotion pour les figures qui traversent cette suite, y comprit dans les moments de tortures qui devraient susciter dégoût, empathie pour les victimes, et haines pour les vilains. Elles nous indiffèrent toutes avec une constance navrante et leur calvaire passe bien mal à l’écran. Même le tueur en série incarné par Tobin Bell, présent dans les nombreuses scènes explicatives renvoyant à son passé, n’a plus du tout cette tristesse forte qui en faisait un malade pathétique mais attachant. Il est juste inexistant alors qu’il est encore scénaristiquement bien au centre de l’histoire. D’ailleurs, grâce à la magie des flashbacks et surtout à un épisode X s’intercalant avant le troisième épisode de la Franchise, auquel il est au centre même de l’intrigue, l’ombre tutélaire de Jigsaw (son surnom), ne disparaîtra jamais.
Pour ce qui est de la légendaire violence de la série, elle en prend également pour son grade. A l’exception de l’autopsie monumentalement gore qui ouvre l’action (un sommet qui envoie l’opération crânienne, d’un réalisme médical sordide, du trois aux oubliettes), les scènes de torture sont bien trop espacées et hachées dans leur montage pour nous sortir de notre torpeur. Et, massacrées par Darren Lynn Bousman, qui rempile avec ses mauvais tics de vidéo-clip, le spectateur devient la première victime de cette boucherie insipide qui jadis nous faisait quand même son petit effet.
© Lionsgate, Twisted Pictures, Metropolitan FilmExport. All Rights Reserved.
Box-office de Saw 4
Ou comment Saw 4 a écrasé Tom Cruise et La légende de Beowulf lors d’un massacre sans pitié au sommet du box-office français…
Retour à la classification traditionnelle de la franchise Saw, c’est-à-dire, une interdiction lourde, mais gérable, aux moins de 16 ans.
La sortie française se passe des sempiternels médias traditionnels qui ne veulent pas trop s’approcher, ni de près ni de loin, de cette série à la réputation sulfureuse d’hyperviolence, amplifiée par les incivilités dans les cinémas.
Saw IV banni de la capitale
La récalcitrance des exploitants, elle-même, empire. Saw III, interdit aux moins de 18 ans, avait tout de même déployé 202 cinémas et la fréquentation marquera une belle hausse de 70 000 entrées par rapport au 2e épisode, avec un total inégalé de 771 902 spectateurs. En perdant 4 écrans, le successeur ne suit pas une logique de croissance, mais plutôt une philosophie de défiance face au cinéma de genre horrifique très mal aimé par les salles à ce moment-là.
Saw IV est persona non grata sur la capitale où seulement 7 cinémas l’accueillent pour éviter l’invasion de jeunes de banlieues, notamment au centre de Paris et sur les Champs Elysées, où l’on craint que les RER déverseraient des jeunes qui n’ont pas froid aux yeux, y compris quand il s’agit de mal se conduire dans la salle (vandalisme, insulte, propreté des lieux). Les UGC Ciné Cité sont par exemple rétifs et se passeront du phénomène commercial de la semaine.
Des résultats bons, mais baissiers pour des raisons qualitatives
Cela n’empêchera nullement ce segment faible d’accomplir son potentiel remarquable. Face au géant de la Warner, La légende de Beowulf de Robert Zemeckis (150 millions de dollars de budget, 481 copies), Saw 4, avec ses 10 millions de dollars de budget, s’empresse de prendre la première place des nouveautés, avec 294 553 spectateurs, grâce à la province et la banlieue parisienne. La nouveauté affiche une moyenne par copie de 3 120 à Paris-Périphérie (21 copies) et de 1 495 sur toute la France. Brillant. Beowulf, lui, entame une carrière éclair en 5e place, avec 240 789 spectateurs dans 481 cinémas. Que ce soit la comédie Gaumont faussement populaire Les deux mondes, avec Benoît Poelvoorde (471 salles), la romcom Ce soir je dors chez toi de StudioCanal, avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Kad Merad (273 cinémas), le nouveau Robert Redford, Lions et Agneaux, avec Tom Cruise et Meryl Streep, distribué par la 20th Century Fox sur 390 écrans… Personne ne parvient à doubler Saw 4 qui déloge même American Gangster de Ridley Scott de la première position.
Saw 4 verra ses chiffres à la baisse par rapport au 3e épisode, mais ses 655 292 spectateurs sont tout de même remarquables. Cela sera même le 3e meilleur résultat historique de la saga, derrière le III (771 000) et le II (701 000).
Une décroissance qui aura des conséquences : Saw IV sonne la fin des grandes heures de la saga
Aux USA, la série passe de 80M$ pour son prédécesseur à 63M$ ; les chiffres mondiaux affichent aussi des résultats baissiers (139M$ au lieu de 164M$). Le public ne montre nullement un désamour vis-à-vis de la saga, mais seulement une déception face à la réalité qualitative de cette 4e cuvée, de très loin inférieure à ses prédécesseurs.
En fait, nombreux seront les fans de la saga qui s’arrêteront là au cinéma, pour se contenter de voir les épisodes à venir sur les plateformes illégales alors en pleine expansion. La médiocrité du chapitre enclenchera une baisse de confiance globale pour le reste de la saga, en particulier aux USA.
Pour Lions Gate et les distributeurs qui accompagnent historiquement cette franchise, le succès du 4 est patent. On parle ici d’un budget serré de 10 millions de dollars. Mais les grandes heures de la saga s’arrêtent ici, d’autant que des concurrents plus soft, comme Paranormal Activity viendront achever le phénomène gore des années 2000 en 2009, actant la fin d’une époque.
Les sorties de la semaine du 21 novembre 2007
Les films de la franchise Saw
© 2007. Lionsgate, Twisted Pictures, Metropolitan FilmExport. All Rights Reserved.