Drame familial qui entend bouleverser la morale traditionnelle, Quand vient l’automne déploie son charme vénéneux grâce à un script délicieusement tortueux et des acteurs parfaitement dirigés. A découvrir.
Synopsis : Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.
Sur les traces de Simenon et Chabrol
Critique : Après avoir tourné une comédie policière à gros budget avec des stars (Mon crime), François Ozon avait envie de revenir à une œuvre plus intimiste qui serait issue de son imagination. Pour écrire cette histoire, le cinéaste s’est très librement inspiré d’une histoire vécue dans son enfance, lorsque l’une de ses tantes a cuisiné des champignons qui ont intoxiqué les membres de sa famille. Bien entendu, cet incident n’a eu aucunement les répercussions imaginées ici par le réalisateur, mais cela lui a offert le point de départ idéal pour un drame familial qui serait aussi empreint de thriller. Si le cinéaste cite immédiatement les atmosphères troubles à la Simenon, le cinéphile peut également y retrouver des ambiances à la Claude Chabrol.
© 2024 FOZ, France 2 Cinéma, Playtime. Tous droits réservés.
Tout d’abord, l’intrigue est située en province – le tournage a été effectué à Donzy et Cosne-Cours-sur-Loire – dans un univers clos où tout le monde connaît son voisinage. Ensuite, le cinéaste préfère largement l’ambiguïté des caractères et n’impose rien au spectateur qui peut se faire sa propre idée sur les événements tragiques du long métrage. Lorsque la grand-mère cuisine ses fameux champignons, le spectateur ne saura jamais si elle a volontairement inclus des ingrédients toxiques ou s’il s’agit bel et bien d’un accident. La même ambiguïté marque les agissements du personnage incarné avec force par Pierre Lottin.
De l’ambiguïté morale
Cette remarque s’applique en réalité à l’ensemble des protagonistes dont les actes ne respectent pas vraiment la morale chrétienne, pourtant clairement affichée dès la première scène. Rétrospectivement, celle-ci semble bien ironique, tant le drame s’évertuera à malmener la morale traditionnelle pour imposer une vision bien plus subtile de l’être humain et de ses zones d’ombre.
© 2024 FOZ, France 2 Cinéma, Playtime. Tous droits réservés.
Malheureusement, nous ne pouvons guère aller plus loin dans l’analyse de l’œuvre sans être obligé de spoiler une histoire assez retorse. Nous nous contenterons donc de préciser que la thématique développée par l’auteur est celle de la seconde chance, à l’heure où la vox populi semble vouloir condamner ad vitam aeternam son prochain. François Ozon, à rebours du temps présent, préfère plonger dans la complexité de la psyché humaine et livre ainsi une œuvre d’une belle maturité. Pour cela, il a recours à une intrigue tarabiscotée qui ressemble à celles des mélodrames tortueux de Pedro Almodovar. Quant à la fin, elle évoque la plénitude déjà aperçue chez l’auteur dans l’ultime séquence du Temps qui reste (2005).
De belles prestations d’actrices et d’acteurs chevronnés
Avec Quand vient l’automne, François Ozon offre de bien belles partitions à des actrices et acteurs chevronnés. Hélène Vincent retrouve ici la puissance d’émotion qu’elle a déjà exprimée chez Stéphane Brizé (Quelques heures de printemps, 2012), tandis que Josiane Balasko retrouve enfin un rôle intéressant après une série de comédies insipides où elle dilapidait son talent. En outre, François Ozon octroie un rôle majeur à Pierre Lottin qui s’impose une fois de plus comme l’un des meilleurs comédiens de sa génération. Enfin, il est important de signaler la justesse de jeu du jeune Garlan Erlos dans le rôle du petit-fils très attaché à sa grand-mère. Bien entendu, Ludivine Sagnier n’est pas en reste, même si elle écope d’un rôle à priori plus ingrat, mais comportant aussi sa part d’ombre.
Filmé de manière classique, mais maîtrisée, Quand vient l’automne bénéficie également d’une belle musique du duo Evgueni et Sacha Galperine. Les frères proposent une nouvelle fois une musique discrète, mais qui sait parfaitement enrober les moments les plus poignants du film, sans en rajouter dans le pathos ou le démonstratif. Passionnante par sa vision très contrastée des rapports humains, Quand vient l’automne est donc une œuvre puissante qui déploie ses charmes – vénéneux – encore longtemps après la projection. Il s’agit assurément du meilleur opus de son auteur depuis bien longtemps.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 2 octobre 2024
Création Silenzio – Illustrations © Anna LDPatina
Biographies +
François Ozon, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Hélène Vincent, Vincent Colombe, Malik Zidi, Pierre Lottin, Michel Masiero, Sophie Guillemin
Mots clés
Cinéma français, Les relations mère-fille au cinéma, Les mères au cinéma