Poulet au vinaigre : la critique du film et le test blu-ray (1985)

Policier | 1h49min
Note de la rédaction :
7/10
7
Poulet au vinaigre, l'affiche

  • Réalisateur : Claude Chabrol
  • Acteurs : Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Poiret, Pauline Lafont, Caroline Cellier, Albert Dray, Jean Topart, Lucas Belvaux, Josephine Chaplin
  • Date de sortie: 10 Avr 1985
  • Année de production : 1985
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Poulet au vinaigre
  • Titres alternatifs : Cop Au Vin (titre international) / Hühnchen in Essig (Allemagne) / Ett lik för mycket (Suède) / Pollo al vinagre (Espagne) / Correspondência violada (Portugal) / Kurczę na kwaśno (Pologne) / Et lik for mye (Norvège) / Una morte di troppo (Italie) / Ecetes csirke (Hongrie) / Yksi ruumis liikaa (Finlande) / Et lig for meget (Danemark) / Um Tira Amargo (Brésil)
  • Autres acteurs : Jean-Claude Bouillaud, Andrée Tainsy, Jacques Frantz
  • Scénaristes : Claude Chabrol, Dominique Roulet
  • D'après : le roman Une mort en trop de Dominique Roulet
  • Monteuse : Monique Fardoulis
  • Directeur de la photographie : Jean Rabier
  • Compositeur : Matthieu Chabrol, Dominique Zardi
  • Chefs maquilleurs : Jacques Clemente, Brigitte Delouis
  • Cheffe décoratrice : Françoise Benoît-Fresco
  • Directeur artistique : -
  • Producteur : Marin Karmitz
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : MK2 Productions
  • Distributeur : MK2 Diffusion
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeurs vidéo : RCV (VHS, 1985) / MK2 (DVD, 2002, 2008, 2020) / Carlotta (blu-ray, en coffret, 2024)
  • Dates de sortie vidéo : 1985 (VHS) / 16 octobre 2002 (DVD) / 1er mars 2008 (DVD) / 8 septembre 2020 (DVD) / 16 janvier 2024 (blu-ray, en coffret)
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 764 659 entrées / 257 577 entrées
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Cannes 1985 : en compétition
  • Nominations : César 1986 : Meilleur jeune espoir masculin pour Lucas Belvaux
  • Récompenses : -
  • Illustrateur/Création graphique : © S.S.K. - Sitbon-Sukermann-Kubel (agence), Gilbert Raffin. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © MK2. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse : Eva Simonet
  • Tagline : -
  • Franchise : 1er volet de la franchise Poulet au vinaigre
Note des spectateurs :

Poulet au vinaigre constitue le retour de Chabrol au polar provincial cinglant et au succès au milieu des années 80, permettant de revitaliser une carrière mal en point. Le film est intéressant, magnifié par le jeu jubilatoire de Jean Poiret.

Synopsis : Tout irait bien pour l’opération immobilière juteuse montée par le boucher Filiol, le médecin Morasseau et le notaire Lavoisier, si ce n’était Mme Cuno. Sur un fauteuil roulant, aidée de son fils Louis, facteur, apparemment au courant de toutes les turpitudes des notables, elle refuse de vendre ! Cadavres et disparitions : l’inspecteur Lavardin, aux méthodes radicales et à l’ironie cinglante, mais protecteur de la veuve et de l’orphelin, enquête et, surtout, agit…

Un mets préparé à l’économie

Critique : Au milieu des années 80, le réalisateur Claude Chabrol est quelque peu au fond du trou, n’ayant pas connu de véritable succès commercial depuis Violette Nozières (1978). Il a même essuyé quelques sévères déconvenues avec notamment Le cheval d’orgueil (1980) et surtout Le sang des autres (1984). Pour lui était venu le temps du retour à un genre qu’il maîtrise parfaitement, à savoir le polar en milieu provincial. Grand lecteur de livres de série noire, Claude Chabrol est séduit par Un mort en trop écrit par Dominique Roulet qui reprend bon nombre de ses thèmes favoris. Il travaille donc sur le scénario durant la période de production du Sang des autres. Mais l’échec cinglant de ce dernier le laisse sans producteur.

Or, à la même époque, Marin Karmitz monte sa société de production MK2 et les deux hommes qui se sont connus dans les années 60 choisissent de collaborer sur ce projet désormais intitulé Poulet au vinaigre. Toutefois, n’étant plus en position de force, le cinéaste accepte de réaliser le long métrage pour un budget très modeste, comme il l’explique très bien dans le livre de conversations Un jardin bien à moi (François Guérif, Denoël, 1999). Il y déclare :

C’est Marin Karmitz, qui était en train de développer sa maison de production, qui a repris le projet. Il m’a demandé de le faire pour, en gros, le prix d’une télé, assez bon marché. Et ça s’est très bien passé. Je n’ai pas senti de manques au niveau de la production.

Il développe cette idée en expliquant qu’il est parfois possible de tourner un film à l’économie :

En se donnant du mal, on peut y arriver. Bien sûr, ça dépend des sujets. Il y a des trucs qui coûtent cher, qu’on le veuille ou non. Mais là, ce n’était pas le cas. Et ça ne se voit pas que le film a coûté trois francs six sous.

Poulet au vinaigre, modèle de réalisation carrée

Ces économies sont possibles grâce à un minimum d’extérieurs, tous tournés en province à Forges-les-Eaux, mais aussi à un casting à la fois cossu, mais relativement contenu – à peine une quinzaine de rôles et peu de figurants. Enfin, le cinéaste s’engage à réfléchir en amont à sa réalisation afin de limiter au maximum le nombre de prises. Et de fait, Claude Chabrol démontre avec Poulet au vinaigre que simplicité ne rime pas forcément avec absence d’inspiration. Dans son polar, chaque mouvement de caméra est pensé de manière rigoureuse, afin de souligner la narration ou la psychologie des personnages. Ainsi, le cinéaste est capable de tourner un plan séquence ambitieux lors du générique initial, puis des plans fixes lorsqu’il s’agit d’emprisonner les protagonistes dans une situation inextricable.

Poulet au vinaigre, la jaquette du blu-ray

© 1985 MK2 Productions / Jaquette : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.

Chabrol prend son temps pour décrire le microcosme d’une petite ville de province durant une quarantaine de minutes où le héros du film n’est aucunement présent. Il s’appuie pour cela sur son savoir-faire habituel en décrivant les petites mesquineries provinciales, lorsque tout le monde s’espionne. Le réalisateur retrouve sa thématique favorite de la lutte des classes entre des jeunes gens modestes en lutte contre les notables. Cette opposition n’est aucunement binaire puisque tous les protagonistes possèdent leurs qualités et leurs défauts. On notera que le réalisateur insiste également beaucoup sur les relations complexes entre hommes et femmes.

La lutte des classes passe aussi par celle des genres

Alors que les hommes peuvent sembler immatures, mais aussi violents et envieux, les femmes ne sont guère épargnées. Cela va de la mère possessive et castratrice (excellente Stéphane Audran) à la putain intéressée (Caroline Cellier), en passant par la jeune fille pulpeuse et volontaire (lumineuse prestation de la regrettée Pauline Lafont). Face à ces dames, le jeune Lucas Belvaux incarne un facteur mal dégrossi qui semble totalement sous l’emprise des femmes l’entourant. Contrairement à ce que l’on pense au début, il est loin de maîtriser le jeu. Du côté des notables, Claude Chabrol retrouve son complice Michel Bouquet et octroie un rôle de premier plan à Jean Topart, plus connu pour sa merveilleuse voix grave que pour son physique.

Au bout de ces quarante premières minutes, Jean Poiret fait une entrée très remarquée en inspecteur Lavardin. Il est assurément la principale attraction de Poulet au vinaigre qui déploie une intrigue tortueuse, mais finalement assez classique. Lui vient dynamiter l’ensemble par ses attitudes et son comportement, plutôt décalé pour un policier.

Claude Chabrol l’explique magnifiquement dans le même livre d’entretien :

Jean Poiret l’a redessiné derrière [le personnage]. Sans rajouter une ligne, il a amené le ton qu’il voulait, qui m’a paru tout de suite tellement évident que je n’ai pas cherché à modifier quoi que ce soit. C’est un ton un peu particulier. Le personnage est assez marrant et plutôt sympathique, mais son comportement est un peu terrifiant.

La recette d’un joli succès public

Il s’agit assurément de la grande réussite du long métrage, octroyant à l’ensemble une terrible ironie où personne n’est épargné. D’une parfaite fluidité dans sa narration, Poulet au vinaigre est donc une illustration supplémentaire de la maîtrise d’un cinéaste décidément très à l’aise dans le polar, genre qu’il parvient toujours à sublimer par l’acuité de son regard.

Afin de faire monter la sauce autour de ce polar modeste, Marin Karmitz a mis en place une campagne publicitaire largement centrée sur le maître de cérémonie, à savoir Claude Chabrol. Ainsi, le cinéaste est convoqué pour tourner dans la bande-annonce, sur le modèle d’un certain Alfred Hitchcock et se retrouve à parader  sur l’affiche. Cela a plutôt bien fonctionné puisque Poulet au vinaigre démarre correctement en ce mercredi 10 avril 1985. Il entre à la quatrième place du box-office hebdomadaire parisien avec 63 017 amateurs de cuisine à l’ancienne. Il est toutefois largement doublé par le Subway de Luc Besson qui incarne, lui, la nouvelle génération du cinéma français en se positionnant en première place.

La volaille parade également au Festival de Cannes

En deuxième semaine, les bonnes critiques et le bon bouche à oreille permettent au polar vinaigré de se maintenir parfaitement durant les semaines suivantes, au point de générer 257 577 entrées à Paris et sa périphérie. Pour la France, le long métrage monte jusqu’à 764 659 entrées, ce qui en fait un réel succès au vu de son budget réduit.

A noter d’ailleurs que le long métrage a été sélectionné pour représenter la France au Festival de Cannes, alors même qu’il était déjà en salle depuis un mois. Claude Chabrol revient sur ce fait en étant relativement sévère :

Ça c’était idiot. C’est Marin qui l’a voulu pour asseoir sa position de producteur. Outre le fait que c’était chiant d’aller à Cannes, c’était d’une certaine manière, non pas d’aller au casse-pipe puisque le film était déjà sorti, mais de faire de l’entrisme. J’aurais préféré y aller avec Les Fantômes du chapelier.

Toujours est-il que ce beau succès a permis de remettre en selle un cinéaste majeur. A tel point que celui-ci va tourner une suite intitulée Inspecteur Lavardin (1986), puis une série de quatre téléfilms (dont deux seront réalisés par Christian de Chalonge) diffusés sur TF1 entre 1988 et 1990 dans le cadre de la série Les dossiers secrets de l’inspecteur Lavardin, toujours avec Jean Poiret.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 10 avril 1985

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Poulet au vinaigre, l'affiche

© 1985 MK2 Productions / Affiche : S.S.K. – Sitbon-Sukermann-Kubel (agence) – Gilbert Raffin. Tous droits réservés.

Biographies +

Claude Chabrol, Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Poiret, Pauline Lafont, Caroline Cellier, Albert Dray, Jean Topart, Lucas Belvaux, Josephine Chaplin

Mots clés

Polar français des années 80, Festival de Cannes 1985, César 1986, Les succès de 1985

Le test du blu-ray

Carlotta propose de redécouvrir Poulet au vinaigre et Inspecteur Lavardin dans un coffret blu-ray marqué par un vrai travail de restauration de l’image. Test réalisé à partir du produit finalisé.

Compléments & packaging : 3,5 / 5

Le coffret réunit deux blu-ray dont les boitiers sont individualisés et profitent d’un visuel réactualisé. On évite l’esthétique bleutée grâce à un boitier noir, mais l’ensemble n’est guère remarquable sur le plan esthétique. En ce qui concerne les suppléments, l’éditeur a repris ceux déjà présents sur les galettes DVD MK2, à savoir une courte présentation (3min) de Joel Magny qui replace le film dans le contexte de l’œuvre de Claude Chabrol. Mais le plat de résistance vient surtout du commentaire de Chabrol sur quelques scènes du film (21min). Il démontre une totale maîtrise de l’art oratoire, tout en insistant sur la minutie de sa réalisation. L’artiste est pleinement convaincant. Enfin, la bande-annonce du film est présente et assure le spectacle tant elle est savoureuse.

L’image : 5 / 5

C’est évidemment l’apport majeur de ce coffret que de proposer les films dans des restaurations 4K qui redonnent des couleurs et du peps à des images qui paraissaient bien fatiguées par les affres du temps. Poulet au vinaigre apparaît donc dans toute sa fraicheur, avec des beaux contrastes, des couleurs aux tons pastel et surtout une profondeur de champ inédite lors des extérieurs. Un régal pour les yeux.

Le son : 3 / 5

Si la piste sonore en mono d’époque a bien subi une restauration par la clarté de son rendu, elle souffre toutefois d’un manque de puissance notoire. Il faut donc pousser les manettes du son pour profiter pleinement d’une projection au rendu un peu trop étouffé. C’est un peu dommage, sans gâcher le plaisir pour autant.

Test du blu-ray de Virgile Dumez

Poulet au vinaigre, jaquette blu-ray

© 1985 MK2 Productions / Jaquette : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.

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Poulet au vinaigre, l'affiche

Bande-annonce de Poulet au vinaigre

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