Le cheval d’orgueil : la critique du film (1980)

Chronique, Drame | 2h00min
Note de la rédaction :
5/10
5
Le cheval d'orgueil, l'affiche

  • Réalisateur : Claude Chabrol
  • Acteurs : François Cluzet, Michel Blanc, Michel Robin, Georges Wilson, Paul Le Person, Dominique Lavanant, Jacques Dufilho, Bernadette Le Saché
  • Date de sortie: 24 Sep 1980
  • Nationalité : Français
  • Année de production : 1980
  • Scénariste(s) : Daniel Boulanger, Claude Chabrol, d'après le roman éponyme de Pierre-Jakez Hélias
  • Directeur de la photographie : Jean Rabier
  • Compositeur : Pierre Jansen
  • Société(s) de production : Bela Productions, TF1, Planfilm
  • Distributeur (1ère sortie) : Planfilm
  • Éditeur(s) vidéo : Les Films de ma vie (VHS) / Opening (DVD)
  • Date de sortie vidéo : 7 avril 2004
  • Box-office France / Paris-périphérie : 538 289 entrées / 82 040 entrées
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : Couleurs / Son : Mono
  • Illustrateur / Création graphique : René Ferracci
  • Crédits : © 1980 Bela Productions - TF1
Note des spectateurs :

Œuvre mineure dans la filmographie de Claude Chabrol, Le cheval d’orgueil échoue à susciter l’intérêt du spectateur pour ce pays bigouden disparu. La faute à une suite d’images d’Epinal désincarnées.

Synopsis : Pierre-Jacques, aujourd’hui un homme âgé, se replonge dans les souvenirs de son enfance au début du XXè siècle. Depuis le mariage de ses parents jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, l’homme retrace un portrait de la misère de sa Bretagne natale.

Un phénomène littéraire du milieu des années 70

Critique : En 1975, la publication du Cheval d’orgueil du journaliste breton Pierre-Jakez Hélias prend tout le monde de court. Effectivement, ce livre écrit en breton et traduit en français par l’auteur lui-même a suscité l’engouement des lecteurs au point d’en écouler 500 000 exemplaires. Un best-seller d’autant plus inattendu que le livre n’est aucunement un roman, mais bien plutôt un récit autobiographique à valeur historico-sociologique.

En 1977, le cinéaste engagé René Vautier (Avoir vingt ans dans les Aurès) commence le tournage d’une adaptation cinéma qui ne verra jamais le jour, interrompu au bout de quinze jours pour des problèmes de production et un manque cruel d’argent.

Un soin maniaque apporté à la reconstitution, au risque de l’image d’Epinal

Le producteur Georges de Beauregard, acquéreur des droits d’adaptation, propose quelque temps plus tard à son ami Claude Chabrol de reprendre le flambeau. Cela tombe à pic puisque le réalisateur cherchait justement à tourner un film sur le monde paysan. Le cinéaste se lance donc dans ce projet avec ferveur, sélectionne ses acteurs en offrant des rôles majeurs à de jeunes inconnus comme Bernadette Le Saché et surtout François Cluzet. Il prend au passage plusieurs décisions réfléchies et assumées, comme le fait de faire parler l’ensemble du casting en français et non en breton, ou encore de se conformer à l’image de carte postale attachée à cette région de France. Deux options qui sont, à terme, pour beaucoup dans l’échec du Cheval d’orgueil.

Tout d’abord, il faut préciser que le livre d’origine n’était pas évident à adapter car dépourvu d’une ligne dramatique forte. Même si Claude Chabrol et son scénariste Daniel Boulanger se sont concentrés sur les mésaventures du petit Pierre-Jacques durant son enfance au cœur d’une famille bigoudène, ils ne sont pas parvenus à rendre ces épisodes passionnants. Il est ainsi difficile de s’attacher vraiment à cette famille qui manque cruellement de caractérisation. A force de s’attacher à décrire les gestes du quotidien dans une volonté quasi documentaire, Claude Chabrol n’est pas parvenue à insuffler la vie à des personnages qui demeurent des gravures sans personnalité propre. A aucun moment on ne ressent la pauvreté, ni les drames qui touchent cette population défavorisée. Pire, certains costumes sont tellement soignés qu’on les croirait sortis du pressing.

Le cheval d’orgueil ou le film-musée désincarné

Le cheval d’orgueil, durant sa première heure au moins, ressemble donc à un film-musée qui n’aurait pour but qu’une valeur testamentaire sur une époque révolue. Malheureusement, dans cette volonté de documentation, le choix d’abandonner le breton devient une erreur monumentale, d’autant que la deuxième partie du long-métrage tente de montrer l’effondrement des traditions ancestrales par l’arrivée des instituteurs et de la langue française imposée à l’école. Malgré l’intérêt évident de cette seconde partie qui plonge la région bretonne dans la tourmente du 20ème siècle (la Première Guerre mondiale), les choix précédents ont sapé la crédibilité du dispositif et il est trop tard pour relever le niveau.

Loin d’être inintéressant, Le cheval d’orgueil propose quelques séquences très réussies lorsque le cinéaste souhaite démontrer le basculement d’un monde ancestral vers une forme de modernité (l’intrusion du train, la projection cinématographique, les photos de guerre, l’arrivée des hussards noirs de la République). Toutefois, il s’agit de morceaux perdus au milieu d’autres passages plus conventionnels, voire à la lisière de l’académisme et du cliché.

Des mauvais choix qui conduisent le film à l’échec

Au vu du sujet, il fallait soit embrasser une matière romanesque propre à emporter le grand public, soit adopter une position rigoriste proche de celle d’un Bresson. Dans son refus de choisir entre ces deux possibilités, Claude Chabrol a donc signé une œuvre brinquebalante, cahotante et qui avance péniblement durant ses deux longues heures de projection vers un final aussi anodin que possible. La qualité de l’interprétation n’est nullement en cause, l’équipe technique non plus, mais il s’agit bien d’une erreur de conception dès l’origine du projet.

Maltraité par la critique lors de sa sortie, Le cheval d’orgueil n’a guère passionné les foules. Il fut même un échec monumental à Paris. Ailleurs, ils ne furent que 538 289 curieux à faire le déplacement, ce qui constitue un vrai revers pour une œuvre dont le budget fut sans aucun doute conséquent. Peu diffusé à la télévision, rarement édité en vidéo (et souvent couplé avec d’autres films du cinéaste dans des éditions bas de gamme), Le cheval d’orgueil est aujourd’hui totalement oublié. Si le film n’est aucunement un désastre, il a peu d’atouts en sa faveur.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 24 septembre 1980

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Le cheval d'orgueil, l'affiche

© 1980 Bela Productions – TF1 / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.

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