Les fantômes du chapelier : la critique du film (1982)

Policier, Thriller, Drame | 2h00min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les fantômes du chapelier, l'affiche VOD

  • Réalisateur : Claude Chabrol
  • Acteurs : François Cluzet, Charles Aznavour, Michel Serrault, Aurore Clément, Mario David, Monique Chaumette, Isabelle Sadoyan
  • Date de sortie: 26 Mai 1982
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Les fantômes du chapelier
  • Titres alternatifs : The Hatter's Ghost (USA) / Die Fantome des Hutmachers (Allemagne) / Los fantasmas del Chapelier (Espagne) / Os Fantasmas do Estrangulador (Portugal) / I fantasmi del cappellaio (Italie) / Hattukauppiaan aaveet (Finlande) / Os Fantasmas do Chapeleiro (Brésil)
  • Année de production : 1982
  • Scénariste(s) : Claude Chabrol, d'après le roman de Georges Simenon
  • Directeur de la photographie : Jean Rabier
  • Compositeur : Matthieu Chabrol, Georges Garvarentz, Charles Aznavour
  • Société(s) de production : Philippe Grumbach Productions, S.F.P.C., Films A2, Horizons Productions
  • Distributeur (1ère sortie) : Gaumont
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Les Productions du Tigre (VHS) / René Château Vidéo (VHS, 1990) / René Château Vidéo (DVD, 2005)
  • Date de sortie vidéo : 24 février 2005 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 387 226 entrées / 159 055 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival MystFest (Festival internazionale del giallo e del mistero) : meilleur réalisateur Claude Chabrol
  • Illustrateur / Création graphique : Philippe
  • Crédits : René Chateau Vidéo
Note des spectateurs :

A la fois sombre et traversé d’humour noir, Les fantômes du chapelier s’avère être une très bonne adaptation de Simenon, portée par l’interprétation habitée de Michel Serrault, au sommet de son talent. Un bon Chabrol à redécouvrir.

Synopsis : Dans le décor pluvieux d’une petite ville de Bretagne, un respectable chapelier, a tué sa femme impotente, mais fait croire qu’elle est encore en vie. Devenu meurtrier psychopathe, il étrangle les amies de celle-ci, envoyant à la presse locale des lettres anonymes pour annoncer ses crimes. Le petit tailleur juif, son voisin d’en face, a percé son secret. D’étranges rapports vont s’installer entre les deux hommes…

Chabrol réactive un projet ancien d’adaptation de Simenon

Critique : Lorsqu’il aborde Les fantômes du chapelier (1982), Claude Chabrol est plutôt dans une période difficile puisqu’il a subi l’échec commercial et artistique cinglant du Cheval d’orgueil (1980) et qu’il travaille davantage pour la télévision depuis quelques années. Il souhaitait pourtant remettre sur pied un vieux projet, comme il l’indique dans Claude Chabrol, un jardin bien à moi (François Guérif, 1999, Denoël, page 168) :

Les fantômes du chapelier était un vieux projet que j’avais proposé aux frères Hakim dans les années soixante […] mais le projet n’a pas abouti. C’est alors que Philippe Grumbach, le patron de l’Express, qui voulait se lancer dans la production, m’a proposé de faire un film, et je lui ai parlé des Fantômes.

Les fantômes du chapelier, jaquette

© 1982 Horizons Productions / © René Chateau Vidéo. Tous droits réservés.

Un terrain d’entente est rapidement trouvé, d’autant que Claude Chabrol envisage de donner le rôle principal à Michel Serrault, avec qui il n’avait encore jamais tourné. Le casting est complété par le chanteur-comédien Charles Aznavour et le tournage a pu démarrer à Concarneau, en lieu et place de La Rochelle qui sert de cadre au roman original de Simenon.

Chabrol rend hommage à Fritz Lang et Hitchcock

Dès le début du film, une certaine noirceur se dégage des images signées Jean Rabier. Chabrol prend ici un malin plaisir à tirer cette histoire vers le fantastique. Il rend ainsi hommage à Fritz Lang et notamment à M le maudit, mais aussi à son maître Alfred Hitchcock à travers les plans sur la fenêtre du chapelier que l’on croirait tirés de Psychose (1960). Cette extrême noirceur du propos – il s’agit de pénétrer dans la psyché dérangée d’un psychopathe, tout de même – est toutefois contrebalancée par un humour très noir que Claude Chabrol assume pleinement en écrivant :

Les films d’après Simenon manquent d’humour en général, mais Simenon n’en manque pas, lui, et il y en a souvent dans ses romans. […] L’humour des Fantômes est un humour très noir, vraiment très noir.

Bien entendu, Chabrol en profite une fois de plus pour régler ses comptes avec la petite bourgeoisie de province dont les agissements du fou meurtrier viennent troubler les habitudes. Le cinéaste insiste une fois de plus sur le goût de cette catégorie sociale pour la dissimulation (après tout, le personnage principal ne tue-t-il pas pour cacher aux autres la mort de son épouse ?) et les apparences. Ainsi, la prostituée incarnée par Aurore Clément n’est jamais identifiée comme tel, même si sa fonction est clairement établie dans la tête de ces messieurs. Le non-dit est également à la base de la relation particulière qui se tisse entre Serrault et le témoin Aznavour. Les deux protagonistes jouent ainsi au jeu du chat et de la souris, dans un ballet pervers très particulier et qui n’est jamais vraiment explicité.

Serrault, portrait of a serial killer

Pour parvenir à garder le spectateur attentif alors que la culpabilité de Serrault ne fait aucun doute dès les premières minutes, il fallait non seulement dissimuler ses raisons, mais aussi s’appuyer sur un comédien formidable. Michel Serrault était l’homme de la situation, lui qui venait tout juste de triompher dans Garde à vue (Miller, 1981) où il était formidable d’ambiguïté. Dans le film de Chabrol, sa prestation est davantage démonstrative, mais le comédien insiste sur cette volonté personnelle d’accentuer le décalage entre le personnage et la réalité. Dans son autobiographie (… Vous avez dit Serrault, Massot, 2001), l’acteur précise :

Je traduisis la schizophrénie du type par des sautes de voix, des sautes d’humeur, et des sautes de jambes. Ma démarche était pleine de pas redoublés, des sortes de sautillements intempestifs qui soulignaient la perversité et le dérangement mental du bonhomme. Je m’amusai également à faire une sorte de clin d’œil à Chaplin dans Monsieur Verdoux, quand je suis debout derrière Monique Chaumette, prêt à l’étrangler.

Et de fait, si l’interprétation de Serrault est parfois un peu chargée, elle est pour beaucoup dans le plaisir ressenti par le spectateur face à ces Fantômes du chapelier qui reposent entièrement sur cette prestation proche de celle des monstres sacrés des années 30. Si Charles Aznavour est davantage en retrait – ce qui est lié à son rôle – on peut également saluer l’ensemble de la distribution qui va de la grande Monique Chaumette à Isabelle Sadoyan en passant par un François Cluzet en début de carrière.

Une réussite qui a connu un injuste échec commercial

L’alchimie fonctionnant parfaitement, on peut donc considérer ce long-métrage comme un bon cru chabrolien. Pourtant, assez étrangement, le grand public n’a pas répondu présent. Avec seulement 159 055 entrées à Paris et 387 226 fans de Simenon sur l’ensemble du territoire français, Les fantômes du chapelier a été un échec commercial vraiment injuste. Cela a condamné cette œuvre pourtant très intéressante à un oubli généralisé. Peu édité en vidéo et rarement diffusé à la télévision, le long-métrage compte pourtant parmi les adaptations les plus fidèles et les plus réussies de l’œuvre de Georges Simenon.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 26 mai 1982

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Les fantômes du chapelier, l'affiche

© 1982 Horizons Productions / Affiche : Philippe. Tous droits réservés.

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