L’innocence de Kore-eda : la critique du film (2023)

Drame | 2h06min
Note de la rédaction :
9/10
9
Affiche de l'innocence de Kore-eda

  • Réalisateur : Hirokazu Kore-eda
  • Acteurs : Sakura Andô, Eita Nagayama
  • Date de sortie: 27 Déc 2023
  • Année de production : 2023
  • Nationalité : Japonais
  • Titre original : Kaibutsu (怪物)
  • Titres alternatifs : Monster (International) / Monstre (Québec) / Monstruo (Espagne) / Culpado - Inocente - Monstro (Portugal) / L'innocenza (Italie) / Szörnyeteg (Hongrie) / Die Unschuld (Allemagne)
  • Autres acteurs : Kurokawa Soya, Hiiragi Hinata, Tanaka Yūko
  • Scénariste : Yûji Sakamoto
  • Monteur : Kore-eda Hirokazu
  • Directeur de la photographie : Ryûto Kondô
  • Compositeur : Ryuichi Sakamoto
  • Chef Maquilleur : Mutsuki Sakai
  • Décorateurs : Atsushi Sahara, Nobuki Yamamoto
  • Directeur artistique : Keiko Mitsumatsu
  • Producteurs : Genki Kawamura, Kenji Yamada,
  • Producteurs exécutifs : Minami Ichikawa, Hajime Ushioda, Tatsumi Yoda, Toru Oota, Hirokazu Kore-eda, Hisashi Usui
  • Sociétés de production : Toho CO., ltd, Fuji Television Network onc, Gaga Corporation, AOI Pro. Inc, Bun-Buku Inc,
  • Distributeur : Le Pacte
  • Date de projection à Cannes : 17 mai 2023
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Le Pacte (DVD et blu-ray, 2024)
  • Date de sortie vidéo : mai 2024
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 240 628 entrées / 79 663 entrées
  • Box-office nord-américain : 434 585 $
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.39:1 / Couleur / 5.1 Dolby Digital
  • Festivals : Compétition Festival de Cannes 2023
  • Nominations :
  • Récompenses : Prix du Scénario Cannes 2023 / Queer Palm 2023 Cannes
  • Illustrateur/Création graphique : © Fidelio. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2023 Monster Film Committee. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse : Le Public Systême Cinéma
  • Tagline : "Kore-eda raconte les mystères de l'enfance". Première.
Note des spectateurs :

Avec sa structure à la Rashomon, L’innocence parvient à évoquer des thématiques fortes avec nuance, finesse et pudeur. Ou quand un cinéaste semble avoir atteint sa pleine maturité.

Synopsis : Le comportement du jeune Minato est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école de son fils. Tout semble désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, du professeur et de l’enfant, la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ…

Le retour de Kore-eda au Japon

Critique : En 2023, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda revient enfin arpenter sa terre natale après une longue escapade à l’étranger. Effectivement, il a d’abord tourné en France La vérité (2019), puis en Corée du sud Les bonnes étoiles (2022), deux réussites mais qui n’ont pas réussi à égaler la maestria de sa Palme d’or Une affaire de famille (2018).

Avec L’innocence (2023), Kore-eda retrouve donc à la fois son pays d’origine, mais aussi la thématique de l’enfance qui lui est chère depuis Nobody Knows (2004), I Wish, nos vœux secrets (2011) et Tel père, tel fils (2013). Il traite ici pour la première fois des thématiques du harcèlement scolaire, mais aussi de la naissance du désir chez des jeunes garçons prépubères. Afin d’aborder ces thèmes délicats, il a eu recours à un stratagème de scénariste en reprenant la structure ternaire du Rashomon (1950) d’Akira Kurosawa.

Trois segments pour trois points de vue différents

Ainsi, il nous propose de découvrir trois fois la même histoire, mais selon trois points de vue différents qui en modifient la signification profonde. On commence donc par suivre le combat d’une jeune veuve qui tente d’élever au mieux son fils. Pourtant, le comportement de son rejeton se dégrade fortement après la rentrée et la mère se met en quête des responsables. Dès lors, le cinéaste décrit les abus apparents d’autorité d’un professeur vis-à-vis de ses élèves. S’enclenche ainsi une lourde machine administrative qui va finir par briser la carrière de l’enseignant incriminé.

Dans la deuxième partie, Kore-eda adopte cette fois-ci le point de vue du maître d’école accusé de maltraitance. Avec une belle maestria, le cinéaste se sert de toutes les séquences ambiguës vues précédemment pour les retourner à l’avantage du professeur. Dès lors, celui qui est accusé de violenter ses élèves apparaît au contraire comme un adulte qui souhaite venir en aide à des élèves en difficulté face à leurs camarades. La notion d’harcèlement scolaire intervient donc lors de cette partie enthousiasmante qui permet à chaque spectateur de modifier fortement son point de vue, sans juger pour autant le comportement de la mère de famille défendant bec et ongles sa progéniture. La machine administrative, elle, fait l’objet d’une critique évidente de la part de l’auteur, en cela qu’elle broie les individus au nom du maintien de l’institution.

Kore-eda chante la beauté de l’enfance, sans en cacher les cruautés

Enfin, la troisième partie est de loin la plus réussie puisqu’elle adopte cette fois le point de vue des enfants au cœur de cette histoire. Avec ce segment, le spectateur change encore une fois d’idée puisque les adultes s’avèrent totalement à côté de la plaque par rapport au vécu réel des gamins. Tout d’abord, le cinéaste retrouve son sens de l’observation dès qu’il touche à l’enfance et aux jeux qui constituent l’essence de cette période de la vie. Il s’immisce dans l’amitié qui lie Minato, enfant secret et introverti, à Yori, petit gamin efféminé.

L'innocence, photo d'exploitation

© 2023 Monster Film Committee. Tous droits réservés / All rights reserved

Par le menu, il s’insinue dans leurs jeux innocents – mais qui peuvent avoir un impact sur les adultes – et découvre petit à petit l’attirance trouble qui se noue entre eux. Dans cette partie, Kore-eda réussit à égaler la fraîcheur et la beauté d’un film comme Close (Lukas Dhont, 2022) dans sa description d’un trouble naissant entre deux êtres du même sexe, encore enfants dans l’âme, mais déjà adolescents dans leurs désirs inavoués.

Mais qui est le Monstre ?

Bien entendu, le but de Kore-eda est bien de confronter les spectateurs japonais à une thématique encore largement taboue en Asie, à savoir celle de l’homosexualité et du rejet qu’elle suscite encore au sein d’une large frange de la population. Toutefois, le cinéaste ne transforme jamais son œuvre en tract militant et chaque thème vient s’insérer au sein de l’histoire personnelle des personnages. Ainsi, il atteint une forme de perfection qui se retrouve dans la superbe scène finale onirique que chacun interprétera à sa façon.

A travers L’innocence, le réalisateur décrit finalement trois types de monstres (Monster, son titre international, est la traduction du titre japonais) qui serait d’un côté ceux qui maltraitent les enfants, mais aussi les enfants eux-mêmes qui peuvent être de véritables tortionnaires via le harcèlement. Enfin, les gamins qui se sentent différents peuvent également être considérés par les autres comme des monstres, y compris leurs proches comme ce père qui dit à son fils qu’il possède un cerveau de porc car il a des pulsions sexuelles contraires à la norme.

Réalisé avec beaucoup de pudeur par un auteur en pleine possession de ses moyens, L’innocence bénéficie également d’une belle bande originale signée du grand Ryuichi Sakamoto, dont ce fut le dernier travail avant de décéder d’un cancer en mars 2023 à l’âge de 71 ans. Sa musique souligne parfaitement les inflexions des différents personnages et constitue une plus-value certaine au long métrage.

Une présentation cannoise réussie et un succès correct en salles

Présenté en compétition au Festival de Cannes le 17 mai 2023, L’innocence a obtenu un Prix du scénario largement mérité tant celui-ci fait preuve d’un équilibre délicat. Enfin, il a glané également la Queer Palm 2023 décernée par le président du jury John Cameron Mitchell (réalisateur de Shortbus, 2006). Par la suite, Le Pacte, distributeur traditionnel de Kore-eda a positionné la sortie du film au mois de décembre, comme ce fut le cas de tous les films du réalisateur depuis le succès surprise d’Une affaire de famille (2018) et ses 728 905 entrées.

L’innocence débarque donc dans les salles le 27 décembre 2023 dans une combinaison restreinte de 189 salles. Dès le premier jour, le drame fédère 14 082 spectateurs pour un taux de remplissage très satisfaisant. Cela lui permet de glaner 136 326 entrées dès sa semaine d’ouverture. Par la suite, le film est resté longtemps à l’affiche, passant les 200 000 tickets vendus au bout de trois semaines d’exploitation. Il a ensuite glané jusqu’à 240 628 amateurs de cinéma nippon, ce qui en fait le quatrième meilleur score du réalisateur dans l’Hexagone, loin derrière Une affaire de famille. Depuis, le drame de l’enfance a fait l’objet d’une exploitation vidéo en DVD, blu-ray et VOD afin de bouleverser un peu plus le public.

Critique de Virgile Dumez

Notes cannoises

En 2023, Kore-eda revient à Cannes pour son 7e film en Compétition officielle, sobrement intitulé Monster. Après Tel père, tel fils (Prix du Jury en 2013) et Une affaire de famille (Palme d’or, 2018), l’auteur japonais n’a plus rien à prouver. Nobody Knows en 2004 et Les bonnes étoiles avaient même permis à leurs interprètes masculins principaux de remporter un Prix d’interprétation…

Monster (Kaibutsu) de Kore Eda

© 2023 Monster Film Committee

L’innocence est prévu en juin dans les cinémas japonais et Le Pacte décide de distribuer le film pour la fin de l’année, une constante depuis 2018. On notera que Metropolitan FilmExport avait proposé Les Bonnes étoiles en décembre 2022 sans grand succès (206 000 entrées), puisqu’il s’agissait seulement du 4e meilleur score du cinéaste nippon après Une affaire de famille (778 000), Tel père, tel fils (429 000), et La vérité avec Deneuve et Binoche (373 000).

Le Pacte avait dû faire une croix sur les droits des Bonnes étoiles après avoir pourtant proposé aux spectateurs français pas moins de 7 films consécutifs du cinéaste entre 2012 (I Wish, nos voeux secrets) et 2019 (La verité).

Pour Monster, Kore-eda a fait appel au compositeur Ryuichi Sakamoto , un compositeur de légende qui s’est éteint en mars 2023, après deux ans de luttes contre le cancer. Il avait 71 ans. L’innocence sera sa dernière composition pour un film de cinéma.

L’innocence  a logiquement été gratifié du Prix du scénario à Cannes et sort avec le soutien de la presse très enthousiaste face à l’humaniste du cinéaste. Néanmoins, une critique ne passe pas inaperçue, celle de Barack Obama qui classe “Monster” parmi ses meilleurs films de l’année 2023.

Notes cannoises de Frédéric Mignard

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Les sorties de la semaine du 27 décembre 2023

Affiche de l'innocence de Kore-eda

Création : Le Cercle Noir pour Fidélio © Monster Film Committee. All Rights Reserved.

Biographies +

Hirokazu Kore-eda, Sakura Andô

Mots clés

Cinéma japonais, Festival de Cannes 2023, Le harcèlement scolaire au cinéma, Les enfants maltraités au cinéma, Les drames de l’adolescence au cinéma

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Affiche de l'innocence de Kore-eda

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