Quatrième et dernier 007 avec Pierce Brosnan, Meurs un autre jour est l’un des plus gros succès de la franchise. C’est aussi son plus navrant naufrage.
Synopsis : James Bond s’apprête à prouver au monde entier que le colonel nord-coréen Moon détient des armes de guerre hautement sophistiquées et destructives. Mais celui-ci se montre rusé et fait prisonnier l’agent 007.
Trois mois plus tard, James Bond réussit finalement, grâce à l’agent de la CIA Falco, à s’échapper du pénitencier à bord d’un hovercraft.
Au même moment, le colonel Moon tente de déstabiliser les pourparlers entre la Corée du Nord et la Corée du Sud afin de déclencher une nouvelle guerre contre le Japon. Il ne cherche ni plus ni moins à dominer le Japon et les Etats-Unis.
Pour ce faire, il est épaulé par Gustav Graves, qui, dans son palais de glace en Islande, possède une arme d’une puissance insoupçonnée.
M fait appel à l’agent Miranda Frost pour faire équipe avec l’agent 007. Mais ces derniers ne sont pas d’accord sur les méthodes à employer pour mener à bien cette mission.
Un James Bond jetable
Critique : Un James Bond où rien n’est à sauver ? Cela existe. Meurs un autre jour.
Le début est outrageux. La séquence d’investiture à l’esthétique d’un direct-to-VHS laisse place à l’excellente chanson de Madonna, Die Another Day, mais celle-ci est flanquée d’un générique qui ne colle pas à ses sonorités électroniques. Ces premiers instants promettent du laid et ce bain de laideur durera plus de deux heures.
Le générique joue la glace et le feu, avec des femmes en flamme, brûlées vives, qui se trémoussent entre deux images bondiennes, quand des effets ratés de réflexion de diamant rendent ce coûteux générique encore plus indigent. Et l’on ne reviendra pas sur le look de clochard hirsute de James Bond pendant toute la première demi-heure. Un fiasco.
Meurs un autre jour ou l’art de courir après Mission : Impossible
Les producteurs peu satisfaits des qualités du précédent long (Le monde ne suffit pas), doivent affronter la concurrence d’un nouveau type d’action, celle d’inspiration asiatique, avec le coup d’as de Paramount qui connaît en 2000 un triomphe spectaculaire avec Mission : Impossible II (215M$, soit 340M$ si l’on prend en compte l’inflation en 2021). Tom Cruise dirigé par John Woo change la donne et la montée de cette saga d’espionnage inquiète la famille Broccoli qui doit envisager de moderniser le mythe afin de ne pas ringardiser son patrimoine.
Cette urgence bien sentie s’accompagnera de décisions funestes pour l’épisode, puisque les producteurs seront dans l’incapacité d’engager un cinéaste de renom. Après le fade Michael Apted, occupé sur un nouveau film et donc non disponible, Lee Tamahori –L’âme des guerriers pour le meilleur, le reste de sa carrière pour le pire- est engagé pour mettre la franchise en lambeaux.
Une esthétique de la laideur
Plastiquement, Meurs un autre jour cultive l’art du factice. L’ampleur des réalisations passées a disparu. L’élégance, la classe, le piqué charnel de la photographie… tout a été abandonné pour des choix de treillis et de bouillie numérique. L’action est médiocre, les combats sont découpés au tranchoir d’un boucher discount. Le paresseux Lee Tamahori se permet même des ralentis incongrus, notamment pour des flashback en noir et blanc bien ternes, ou lorsqu’il s’agit de filmer le parricide shakespearien que commet le vilain Toby Stephens, ou l’apparition en mode sirène de Halle Berry qui surgit de l’eau au ralenti, avant de regagner le sable en roulant vulgairement du popotin. Des choix dignes d’une série B, cela va sans dire.
Le jeu moyen des acteurs (Toby Stephens surjoue, Halle Berry n’a aucune personnalité, heureusement Rosamund Pike s’en sort un peu mieux) pousse un peu plus Meurs un autre jour parmi les navets historiques des missions secrètes de notre agent si spécial.
L’horreur des effets spéciaux numériques
Le comble de la nullité dans ce produit mal fichu au budget gonflé à 142 000 000$ revient à ses effets spéciaux notoires. Meurs un autre jour pâtissait du pire de ce que les images de synthèse pouvait offrir. De l’outrance, de l’excès, un vrai déversoir numérique au cachet nanardesque. Parmi les scènes d’anthologie, les séquences du palais de glace, avec l’effondrement de la banquise et le raz-de-marée qui voit Bond surfer sur une vague 100% artificielle, interroge sur les décisionnaires qui ont validé ces plans au montage final.
Le vingtième James Bond était une arnaque surmarketée
Le retour au générique de fin de la chanson de Madonna est incongru, puisqu’il s’agit d’un remix sans saveur ; il ensevelit un peu plus le film dans l’insipidité, tout comme la scène où la chanteuse, en professeure d’escrime, apparaît pour introduire le personnage de Toby Stephens à James Bond. L’ancien sex-symbol, mal accoutré, est filmé de façon épouvantable, rendant ce qui aurait pu être une rencontre au sommet un véritable moment de malaise.
Marketé en événement, car il s’agissait du vingtième film de la saga, Meurs un autre jour sera un gros succès pour James Bond aux USA avec 160 M$ de recettes, achevant l’année en 13e position. En France, le triomphe est total, avec une affluence de 4 millions de spectateurs et une 8e place annuelle. Le meilleur résultat depuis un certain On ne vit que deux fois, en 1967.
Pour notre part, on ne s’est jamais remis de cet épisode et plus globalement de l’incarnation de Brosnan en James Bond. Les producteurs, intérieurement non plus. Malgré les très bons chiffres de ses quatre films, ils remercieront la star, à raison, et attendront quatre ans avant de lancer leur prochain projet. Le formidable Casino Royale, avec le grand Daniel Craig et surtout l’une des meilleurs James Bond girl de l’histoire.