Sous prétexte de conter une classique histoire policière, Les granges brûlées analyse avec justesse le déclin des campagnes françaises. Si la mise en scène déçoit, les acteurs, eux, sont excellents.
Synopsis : Le corps d’une jeune femme est découvert en pleine campagne dans la neige, à côté de la ferme où vit la famille de Rose, mère autoritaire et souveraine de cette dernière. Une certaine amitié se lie entre elle et le juge d’instruction menant l’enquête.
Une conception dans la douleur
Critique : Magnifique couple de cinéma immortalisé par l’excellent La veuve Couderc, Alain Delon et Simone Signoret se retrouvent une nouvelle fois devant les caméras avec une histoire qui sent bon le terroir, à mi-chemin entre le drame psychologique et le film policier. L’auteur du scénario, Jean Chapot, est plutôt un homme de théâtre discret qui se retrouve donc pour la première fois de sa vie sur un tournage lourd avec deux stars à gérer.
Tous les témoignages concordent afin de montrer la maladresse notoire de ce réalisateur, non pas sur le plan technique, mais dans ses relations avec les comédiens. Incapable de s’imposer face à Alain Delon, il finit par se mettre toute l’équipe à dos et les dernières semaines de tournage se seraient même déroulées sans lui. Dès lors, Delon prend les choses en main et dirige un certain nombre de scènes clés, en collaboration avec l’assistant réalisateur Philippe Monnier. Ce tournage épouvantable explique en grande partie pourquoi Les granges brûlées fut le dernier film de cinéma de Jean Chapot.
Signoret surplombe l’ensemble du casting
Malgré ces nombreux troubles, le scénario tient plutôt bien la route, servi par d’excellents acteurs, même si l’on peut trouver Delon en-deçà de ses capacités. Simone Signoret confirme une fois de plus sa magnétique présence dans ce rôle taillé sur mesure : véritable chef de famille à la personnalité bien trempée, elle supplante tous les autres acteurs par son jeu bouleversant.
Au passage, le long-métrage ausculte avec une certaine acuité le phénomène de déprise rurale. Peu à peu abandonnées par ses enfants, les régions agricoles ne sont plus habitées que par des personnes âgées, les jeunes préférant le mode de vie urbain, bien plus confortable et ouvert sur le monde. C’est d’ailleurs ce sentiment d’enfermement au sein d’une communauté cernée par des étendues neigeuses à perte de vue qui fait toute la valeur de ce film, ainsi que la partition musicale très particulière de Jean-Michel Jarre. En total décalage avec le style épuré de la réalisation, la musique sert de contrepoint moderne, notamment par son utilisation audacieuse de synthétiseurs comme chez bon nombre d’artistes contemporains comme Pierre Henry.
Une déception commerciale pour un film pourtant très correct
De quoi créer une ambiance étrange, comme hors du temps. Il est donc dommage que la réalisation soit si terne et que l’histoire policière ne soit qu’un prétexte assez futile, car Les granges brûlées aurait pu être un grand film, là où il n’est qu’un agréable divertissement du samedi soir. Avec seulement 991 624 entrées sur toute la France (soit moitié moins que La veuve Couderc), cette œuvre plurielle a déçu les attentes de son producteur, tout en se créant au fil du temps une jolie réputation pas totalement usurpée.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 mai 1973
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© 1973 StudioCanal Image – Oceania Produzioni Internazionali Cinematografiche S.r.l. / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.