Troisième version du Salaire de la peur, cette production Netflix se crashe sur tous les plans et échoue même dans sa dimension spectaculaire. Un pur ratage.
Synopsis : Quatre aventuriers mercenaires sont engagés par une compagnie pétrolière. Ils ont pour mission de transporter de la nitroglycérine, chargée dans deux camions. Elle doit être utilisée pour stopper l’immense incendie d’un puits de pétrole. Ils vont devoir parcourir près de 500 kilomètres dans le désert, mais aussi éviter les différentes embuches et obstacles qui vont se dresser devant eux, en échange d’un important salaire.
Comment passer après deux chefs d’œuvre ?
Critique : Il fallait une sacrée dose d’inconscience pour oser s’attaquer à une nouvelle adaptation du roman Le salaire de la peur écrit par Georges Arnaud en 1949. Effectivement, le bouquin a déjà donné lieu à deux chefs d’œuvre impérissables du septième art. Cela commence très fort avec le long-métrage d’Henri-Georges Clouzot tourné en 1953 avec Yves Montand et Charles Vanel, véritable modèle de tension et de suspense. Mais il ne faut pas non plus négliger Le convoi de la peur (Sorcerer), réalisé en 1977 par un William Friedkin en pleine forme. Cette fois, le film se hisse parmi les projets les plus fous des années 70, au même titre qu’un Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979).
Afin de réactiver la passion autour de cette histoire somme toute basique, il fallait donc avoir quelque chose de profondément original à proposer. Le nom de Julien Leclercq aux commandes d’un tel projet pouvait légitimement inquiéter tant le cinéaste est demeuré un habile technicien, mais jusqu’ici incapable de proposer des personnages forts et une écriture fine. Avec sa version du Salaire de la peur estampillée 2024, force est d’admettre que le cinéaste n’a guère progressé et on peut même évoquer ici une régression puisqu’il n’arrive même plus à livrer des scènes d’action trépidantes.
Le salaire de la peur pour les Nuls
Cela démarre plutôt mal avec un générique dont le lettrage trahit l’aspect télévisuel de l’entreprise. A aucun moment on a l’impression d’être devant une œuvre destinée au grand écran malgré l’usage de filtres colorés pour filmer le désert marocain. La caractérisation des personnages apparaît comme grossière et expédiée en seulement quelques minutes, ce qui empêche toute implication du spectateur. Rappelons que les précédentes versions faisaient plus de deux heures et trente minutes, alors que le métrage de Netflix affiche un petit 1h44min au compteur. Malgré cette différence notable, la version de 2024 paraît nettement plus longue que ses prestigieux ancêtres.
Le cinéaste a situé son intrigue dans un pays du Moyen-Orient fictif où l’on peine à comprendre l’implication française, si ce n’est pour l’exploitation gazière. L’intrigue imaginée ici tourne autour de deux frères joués par Franck Gastambide et Alban Lenoir dont le destin nous importe assez peu tant leurs rôles sont mal écrits. Pire, les autres protagonistes qui gravitent autour sont dépourvus de la moindre psychologie ou profondeur. La palme revient à Ana Girardot qui tente en vain de nous faire croire à son rôle de baroudeuse de l’humanitaire, tandis que Sofiane Zermani écope du rôle du méchant de service. Son jeu se révèle plutôt fragile. Tous les autres ne sont que des figures sans personnalité qui disparaissent au fur et à mesure du voyage sans que cela éveille le moindre frémissement du spectateur.
Un film sans suspense et mou du genou
Sans grand espoir quant à l’écriture des personnages, on attendait au moins de Julien Leclercq une capacité à créer des scènes d’action efficaces et tendues. Malheureusement, la pioche est à nouveau très maigre. Ainsi, les paysages vastes du désert masquent mal l’absence de figurants d’un projet qui crie famine en termes de budget. Lors des courses poursuites, le réalisateur se révèle même incapable de suggérer la vitesse des véhicules et certains plans au drone révèlent la vélocité très réduite des voitures. Cela donne ainsi l’impression d’assister à une répétition des cascades et non à la séquence finalisée.
Pire, lors des scènes de suspense liées à l’explosion éventuelle de la nitroglycérine, Julien Leclercq livre des plans d’une rare platitude et qui réussissent l’exploit de nous ennuyer. Enfin, le cinéaste troque la dimension métaphysique présente dans les deux œuvres précédentes pour une intrigue terre-à-terre se terminant par un sacrifice très christique qui rejoint le pire de la production hollywoodienne des dernières décennies. Si l’on ajoute à cela une musique parfaitement anonyme pourtant composée par Eric Serra, Le salaire de la peur est bel et bien une catastrophe qui devrait surtout permettre au jeune public de découvrir le film de 1953, parallèlement présent sur la plateforme Netflix.
Critique de Virgile Dumez
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Julien Leclercq, Alban Lenoir, Ana Girardot, Franck Gastambide, Sofiane Zermani